La hausse des cas de défauts HY est largement intégrée

George Curtis, TwentyFour Asset Management

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A l’heure actuelle, les taux de défaut du haut rendement européen sont incontestablement au plus bas.

Les estimations concernant les taux de défaut dépendent des critères retenus pour définir le défaut et de l’indice utilisé. A titre d’exemple, JP Morgan a récemment publié un taux de défaut de 0,42% (à fin février) pour le haut rendement européen sur les 12 derniers mois, en baisse par rapport au taux de 0,9% indiqué en décembre. Dans le même temps, CreditSights a fait part d’un taux de défaut de tout juste 0,1%. Face à cette estimation pourtant très modeste, l’équipe crédit de Bloomberg a fait encore mieux en publiant un taux de défaut de 0% à fin février (le cas de défaut de l’entreprise Vallourec en début d’année dernière est sorti des statistiques).

Baisse des marges, hausse de l’effet de levier

Bien sûr, les estimations ne révèlent pas tout et leur caractère rétrospectif ne doit pas être négligé. De plus, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a rendu très incertaines des prévisions de croissance qui étaient encore très solides il y a quelques mois. Nous pouvons toutefois être sûrs d’une chose: la croissance sera plus faible et l’inflation plus forte que prévu initialement. En effet, les entreprises qui ne disposent pas d’un pouvoir de fixation des prix important mais doivent faire face à des coûts substantiels pour l’approvisionnement en énergie et matières premières pâtiront sans nul doute de la situation. Si la plupart des émetteurs ont mis à profit une année 2021 très solide pour étaler leurs profils d’échéances, nous nous attendons à ce que la compression des marges entraîne une hausse de l’effet de levier, ce qui devrait finir par faire décoller les taux de défaut de leurs plus bas records.

Au final, nous pourrions voir des taux de défaut bien supérieurs à leurs niveaux actuels, surtout dans le contexte des incertitudes relatives à l’Ukraine.
Les taux de défaut resteront modérés

Mais de quel ordre sera la hausse? Nous suivons attentivement le «distress ratio», ou ratio de titres en difficulté, qui calcule le pourcentage de l’indice à haut rendement négocié à des niveaux «distressed». Ce ratio reste actuellement très bas: JP Morgan (qui définit les obligations «distressed» comme étant assorties d’un spread de plus de 1000 pb) l’estime à 2,4% tandis que Bloomberg (chez qui «distressed» correspond à un prix inférieur à 60) le situe à tout juste 1,3% à fin février. Compte tenu des événements de début mars, nous tablons désormais sur une hausse à 3,5% du distress ratio. Mais même avec une telle envolée, il restera nettement inférieur aux ratios observés lorsque l’indice à haut rendement se négociait à des niveaux proches de ceux d’aujourd’hui (environ 500 pb au-dessus des taux sans risque).

A titre d’exemple, en octobre 2020, l’indice se négociait 10 pb de moins que les niveaux actuels mais affichait un distress ratio de plus de 7%. Sachant que tous les titres en difficulté ne seront pas concernés par un cas de défaut ou de restructuration (le distress ratio de 7% en octobre 2020 avait débouché sur un taux de défaut de seulement 3,3% en 2020 et 0,75% en 2021), les estimations pour les taux de défaut en 2022 restent modérées. JP Morgan a révisé son estimation de 0,75% à 1,5% pour 2022 la semaine dernière, ce qui reste inférieur à la moyenne historique de long terme.

Des perspectives tentantes

Au final, nous pourrions voir des taux de défaut bien supérieurs à leurs niveaux actuels, surtout dans le contexte des incertitudes relatives à l’Ukraine. Compte tenu de notre analyse de l’inflation, nous avons opté depuis quelque temps pour la prudence à l’égard de la dette CCC et des entreprises généralistes à faibles marges. Nous pensons que les difficultés concerneront essentiellement ce type d’émetteurs et ceux qui ont une exposition directe et importante à la Russie (il s’agit dans tous les cas d’un pourcentage infime de l’indice).

Toutefois, il ne fait aucun doute que le haut rendement européen a démarré l’année 2022 en position de force; les spreads disponibles aux niveaux actuels correspondent à des volumes d’obligations «distressed» et à des taux de défaut bien supérieurs à nos prévisions actuelles. Par conséquent, certains spreads de titres à haut rendement européens commencent à devenir tentants à moyen terme.

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