Les clauses ESG dans le haut rendement

George Curtis, TwentyFour Asset Management

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Avec la croissance du marché des obligations durables, les margin ratchets gagnent en importance.

Bien que nous ne nous attendions pas à ce que les niveaux d’émission de dette d’entreprise soient aussi élevés cette année qu’en 2020, le segment des obligations durables devrait à notre avis continuer à afficher une croissance robuste de ses émissions. Le volume d’émissions de titres labellisés ESG a en effet atteint USD 77 mia le mois dernier, ce qui est 3,5 fois supérieur à janvier 2020 et représente 7 milliards de dollars de plus que pour l’ensemble du premier trimestre 2020.    

Introduction de margin ratchets ESG

Sans surprise, la croissance de la dette ESG a été tirée par les émetteurs investment grade et en particulier par le groupe SSA (émetteurs souverains, supranationaux et agences), compte tenu du rôle qu’ils jouent dans le financement d’initiatives sociales et environnementales.  

L’introduction de margin ratchets liés à des critères ESG
devrait gagner en importance pour les investisseurs.

Nous voyons toutefois aussi ces obligations gagner en importance sur le marché du haut rendement. Klockner Pentaplast, une entreprise d’emballages allemande détenue par une société de capital-investissement, a annoncé le refinancement de sa structure de capital la semaine dernière. Dans ce cadre, l’entreprise émet un ensemble de prêts à terme d’une taille équivalente à 1,175 milliard d'euros. Il comprend une clause dite de margin ratchet (ajustement de la marge de crédit) liée des critères ESG et une autre basée sur le levier. En clair, le prêt n’est pas mis sur le marché comme un prêt ESG/durable mais la marge diminuera (ou augmentera) selon que l’entreprise parviendra ou non à réaliser trois objectifs ESG d’ici 2023: une réduction de 38% dans les émissions de gaz à effet de serre de niveaux 1 et 2, l’emploi de matériaux recyclés dans la fabrication d’au moins 26% de ses produits et une équipe dirigeante composée de 27% de femmes au minimum. Les objectifs de performance seront réévalués chaque année et contrôlés par un tiers. S’ils sont atteints d’ici 2023, l’intérêt à verser sur le prêt diminuera de 2,5 pb (ou connaîtra une augmentation du même ordre si les objectifs ne sont pas remplis).  

Si ces objectifs ne nous semblent pas particulièrement ambitieux (par comparaison, la clause d’ajustement liée au levier verra la marge du prêt à terme diminuer de 25 pb si le ratio d’endettement est réduit de 0,5x jusqu’à un maximum de 1,5x par rapport au levier net initial garanti par les obligations de premier rang), l’introduction de margin ratchets liés à des critères ESG devrait gagner en importance pour les investisseurs.      

Le coût pour l’investisseur d’une sous-performance
liée à des facteurs ESG ne fera qu’augmenter à l’avenir.
Compensations exigées

A l’instar des majorations de coupon intégrées dans les clauses d’entreprises investment grade risquant de tomber dans la catégorie du haut rendement, nous nous attendons à ce que les investisseurs exigent une compensation en cas de détérioration des facteurs ESG susceptible de dégrader la qualité de crédit. Nous ne serions pas surpris de voir cette caractéristique apparaître prochainement dans des obligations à taux variable du segment à haut rendement, avec des syndicats d’émission élaborant des moyens de tirer parti des flux robustes vers les fonds ESG (les fonds obligataires ESG ont enregistré une croissance supérieure à 30% en 2020, surpassant d’environ 25% celle de l’ensemble du marché).      

Enfin, le fait que l’émission Klockner ne soit pas étiquetée «verte» mais englobe des clauses liées à des critères ESG est bien la preuve que l’ESG doit tout naturellement être intégré au portefeuille obligataire des investisseurs, une idée que nous défendons depuis des années. Le mécanisme d’ajustement de marge est certes beaucoup plus petit que celui basé sur le levier, mais nous ne serions pas étonnés de le voir augmenter dans les années à venir. En conséquence, le coût pour l’investisseur d’une sous-performance liée à des facteurs ESG ne fera qu’augmenter à l’avenir.  

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