La finance s’attaque aux déchets plastiques

Emmanuel Garessus

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Les initiatives pour une économie circulaire débutent à peine, selon Jean-Pierre Danthine, Jean-Pascal Porcherot (photo) et Mark Schneider.

Une coalition de tous les acteurs est nécessaire pour encourager la transition vers une économie circulaire respectueuse de la planète. Les principes sont partagés par tous les acteurs, qu’ils soient financiers, industriels, représentants de la société civile, de la recherche académique et des gouvernements. Mais le processus ne fait que commencer et d’innombrables défis sont à relever, selon une table ronde sur la circularité du plastique tenue dans le cadre de la conférence Building Bridges, à Genève.

Les capitaux nécessaires sont évalués à 1200 milliards de dollars d’ici 2040 pour atteindre la circularité dans l’économie du plastique, indique mercredi Jean-Pascal Porcherot, associé-gérant de Lombard Odier. La banque genevoise a d’ailleurs lancé un fonds de private equity dédié à cet objectif, c’est-à-dire à la réduction des déchets plastiques, aux nouveaux matériaux ainsi qu’au recyclage. «Les investisseurs doivent être convaincus que la circularité du plastique est un thème d’investissement attractif. Le montant de 1200 milliards est moins un coût qu’une opportunité», affirme Jean-Pascal Porcherot. Le risque est considérable. Si l’on ne fait rien, les déchets plastiques devraient doubler d’ici 2040, selon l’OCDE.

Prime au durable?

La question du rendement attendu reste ouverte. «Il faut être conscient qu’il n’est pas possible d’obtenir dans ce secteur les rendements élevés promis habituellement par ce type d’investissements», révèle Jean-Pierre Danthine, directeur d’E4S. L’ancien vice-président de la Banque Nationale Suisse met en garde le public contre l’opinion selon laquelle une prime doit être accordée à un produit durable. En réalité, «le coût d’achat d’un bien pour un consommateur doit être aligné sur son coût pour la planète. Or les prix sont faux si un bien commun devient gratuit», lance-t-il. Le coût d’un bien doit être supérieur s’il représente un fardeau pour l’environnement. C’est pourquoi le professeur prend ses distances avec un Conseil fédéral opposé à la taxe sur le CO2. Et d’autres formes de taxes sont d’ailleurs à imaginer sur la voie d’une économie circulaire.

Mark Schneider, patron de Nestlé, estime au contraire qu’un produit innovant coûte toujours plus cher lors de son entrée sur le marché, compte tenu des besoins d’amortissement et des efforts de recherche. Il prend l’exemple des véhicules Tesla, plus chers que les gammes standards.  

L’apport de Nestlé

«Nous avons été la première entreprise à financer des start-up dans ce domaine», déclare Mark Schneider. Le groupe alimentaire met l’accent sur la réduction des emballages, sur l’emploi de nouveaux matériaux plus respectueux de l’environnement et d’une forte expansion du recyclage. «C’est un défi qui prend du temps», tempère Mark Schneider.

Les progrès sont toutefois réels. «Il y a cinq ans, personne ne discutait de ce problème», lance Jacob Duer, président de l’Alliance to end Plastic Waste (AEPW), une organisée basée à Singapour. Et qui entend dépenser 1,5 milliard de dollars d’ici 2024 pour réduire la pollution plastique. Aujourd’hui, son association regroupe plus de 90 entreprises (dont Shell, Procter & Gamble, Clariant, Chevron) et les projets se multiplient, à l’image des investissements dans l’incubation de 150 start-up. Mais il est vrai que trois milliards d’habitants n’ont pas encore accès à un système de collecte des déchets plastiques, ajoute-t-il. Les infrastructures en ce domaine demeurent donc sous-développées.

La technologie est clé, mais elle ne résout pas tout, selon Jean-Pierre Danthine. La recherche académique entend ainsi à «améliorer les conditions-cadres, car les acteurs les plus vertueux ne doivent pas handicapés».

Partenariat entre Lombard Odier et E4S

Lombard Odier et Enterprise for Society Center (E4S), dirigé par le professeur Jean-Pierre Danthine, ont d’ailleurs annoncé mercredi un partenariat de plusieurs années pour encourager la recherche principalement dans le domaine de l’économie circulaire. «Nous estimons que la convergence de notre économie actuellement linéaire vers un modèle plus circulaire constitue une priorité absolue pour respecter les limites planétaires», déclare l’ancien vice-président de la BNS.

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