La Fed se lance dans une course à la hausse des taux pour contrer l'inflation

Blerina Uruci, T. Rowe Price

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Les prix élevés des matières premières et les risques géopolitiques compliquent sa mission.

Les décideurs de la Réserve fédérale (Fed) ont relevé les taux de 25 points de base lors de la réunion du Federal Open Market Committee (FOMC) de mars. Ils ont également signalé que ce cycle de resserrement sera probablement beaucoup plus intense que celui qui a suivi la crise financière mondiale. L'objectif de la Fed reste de réduire l'inflation, qui a atteint un niveau historiquement élevé, dans un contexte de marché du travail solide et d'une forte demande des consommateurs après la pandémie mondiale. Depuis le revirement de la banque centrale à la fin de l'année dernière, le marché du travail et l'inflation ont été plus forts que prévu. Il est peu probable que l'inflation ralentisse sans action politique décisive, et les participants au FOMC sont de plus en plus nombreux à partager ce point de vue. Lors de la réunion de mars, certains membres du FOMC envisagent sept hausses des taux d'intérêt durant l’année, alors que les prévisions en décembre dernier faisaient état de trois hausses.

Le changement de cap radical au sein du FOMC pourrait s'intensifier. Depuis quelques temps déjà, le président Jerome Powell n'a pas exclu la possibilité de relever les taux de 50 points de base, au lieu de 25 points de base, lors d'une prochaine réunion cette année, si cela est nécessaire, c'est-à-dire si l'inflation persiste à un niveau plus élevé que les projections actuelles du FOMC. Le «dot plot» de mars, une représentation graphique que la Fed utilise pour indiquer ses attentes en matière de taux d'intérêt, a révélé que sept participants au FOMC prévoient plus de sept hausses cette année. Cela indique un soutien de plus en plus important en faveur d'une action politique anticipée et augmente les chances d'une hausse de 50 points de base lors de l'une des prochaines réunions.

Les projections reflètent une incertitude croissante

Le résumé des projections économiques (SEP) a montré que la Fed s'attend à ce que la croissance soit sensiblement plus lente cette année, reflétant probablement l'effet du resserrement de la politique monétaire ainsi qu'une incertitude accrue concernant l'économie américaine alors que l'invasion de l'Ukraine par la Russie met à mal le marché des matières premières et perturbe davantage les chaînes d'approvisionnement, déjà sous pression en raison de la pandémie.

Par ailleurs, elle a revu nettement à la hausse ses prévisions d'inflation, tout en reconnaissant un accroissement des pressions sur les prix au-delà des bouleversements liés à la pandémie. Nous pensons que ce changement, dans son évaluation de la dynamique de l'inflation, est essentiel pour comprendre le changement de direction de la Fed et sa résolution de resserrer la politique cette année. Un autre élément clé à retenir du SEP est que le FOMC a l'intention de faire passer l'orientation de sa politique monétaire d'accommodante à neutre, puis à légèrement restrictive avant la fin de l'année prochaine, un autre signe qui annonce une mise en place à un rythme rapide.

Le difficile exercice d'équilibriste de la Fed

Un resserrement de la politique monétaire est nécessaire, selon nous, pour contrebalancer l'inflation élevée et un marché du travail en ébullition. Les prix mondiaux des produits de base ont augmenté rapidement et les tensions géopolitiques risquent de tendre davantage les chaînes d'approvisionnement. Ces deux facteurs entraînent des risques à la hausse pour les perspectives d'inflation. La guerre russo-ukrainienne et les sanctions qui en ont découlé ont également pesé sur les conditions financières et provoqué une importante volatilité des marchés ; elles représentent donc un nouvel obstacle à la croissance. Bien que l'économie américaine soit mieux protégée de ces risques, en comparaison à d'autres marchés développés, elle ne peut pas fonctionner en vase clos et sera probablement affectée en cas de ralentissement de la demande mondiale, ce que Powell a reconnu lors de la conférence de presse du FOMC de mars.

Dans l'ensemble, nous pensons que l'économie américaine sera probablement confrontée à des risques de hausse de l'inflation plus importants que les risques de baisse de la croissance cette année. Cela inciterait les responsables de la politique monétaire à maintenir un biais de resserrement et des hausses de taux régulières, sauf en cas de chute brutale de la croissance ou de l'inflation.

Le scénario de base est une sortie ordonnée de la politique accommodante

Selon notre scénario de base, l'économie américaine devrait sortir de manière ordonnée de la politique accommodante actuelle, évitant ainsi une récession. Toutefois, la Fed devra faire preuve de patience pour faire baisser l'inflation. Selon nous, une inflation de 2,0% des dépenses de consommation personnelle (DCP) - l'objectif officiel de la Fed - ne sera probablement pas à portée de main avant fin 2023.

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