La Fed ferme dans son discours… moins dans ses actes

Franck Dixmier, Allianz Global Investors

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La Fed est prise en étau entre une pression politique forte de hausser les taux pour contrer l’inflation, et son hésitation à resserrer les conditions financières dans un contexte de ralentissement de l’économie américaine en 2022.

  • Lors de la réunion du FOMC des 25-26 janvier, nous attendons un discours ferme de la part de la Fed sur sa volonté de combattre l’inflation, mais pas d’annonce concrète en dehors de la confirmation d’une première hausse de taux en mars.
  • La Fed pourrait toutefois confirmer son intention de commencer à réduire son bilan dans la deuxième partie de l’année, comme indiqué dans les Minutes du meeting de décembre.
  • Compte tenu des anticipations des marchés, ce FOMC ne devrait pas influer sur les orientations des taux et des marchés.

Au cours des derniers 6 mois, la Réserve fédérale américaine (Fed) a opéré un changement majeur de stratégie: l’inflation, qu’elle a eu tant de mal à caractériser sur une grande partie de 2021, est devenu son principal sujet de préoccupation. Un virage bien illustré par les Minutes du Comité monétaire de décembre. Celles-ci ont en effet révélé une Fed plus hawkish qu’attendue, notamment sur l’emploi, dont elle constate le marché «très tendu». Elles ont également indiqué sa volonté d’effectuer des hausses des taux plus tôt et plus rapidement que prévu initialement, et certains membres du FOMC ont même suggéré d’entamer la réduction du bilan de la Fed, ce qui a surpris. Depuis, la publication d’une inflation à 7% en glissement annuel en décembre ne peut que renforcer la nécessité d’une politique monétaire moins accommodante.

Reste à savoir si ce virage est réellement sincère, tant la dichotomie entre la puissance du verbe et l’inaction actuelle est forte. De fait, au-delà du discours, difficile de déceler le moindre sens d’urgence à mettre en œuvre un resserrement des conditions financières. Certes, la Fed a entamé son tapering, mais elle continue à acheter des actifs dans le marché, alors même qu’il n’y a aucun argument économique à le faire. Et pourquoi attendre mars pour remonter les taux? La contrainte d’attendre la fin du tapering, prévue en mars, pour remonter les taux a été fixée par la Fed elle-même….

La Fed nous apparaît en perte de repères. L’évolution de l’inflation continue à être difficile à caractériser. Malgré les arguments en faveur d’une décrue de l’inflation en deuxième partie de l’année, la persistance de la crise sanitaire, et la stratégie zéro Covid de certains pays, notamment la Chine, pourrait provoquer de nouvelles perturbations des chaînes de production, maintenant une pression à la hausse sur les prix. Par ailleurs, la Fed est prise en étau entre une pression politique forte de hausser les taux pour contrer l’inflation, et son hésitation à resserrer les conditions financières dans un contexte de ralentissement de l’économie américaine en 2022. De fait, après un rattrapage important en 2021, la demande de biens devrait ralentir alors que les salaires réels sont désormais négatifs, et la demande publique bénéficiera d’un moindre soutien budgétaire. Enfin, si les arguments pour hausser les taux sont réunis, le niveau de hausse est moins évident à déterminer pour une Fed craignant une erreur de politique monétaire.

Nous attendons donc un discours ferme sur le resserrement de sa politique monétaire à venir pour contrer les menaces inflationnistes, mais pas d’annonce concrète en dehors de la confirmation d’une première hausse de taux en mars. L’objectif de la Fed lors de la réunion du FOMC devrait être de gagner du temps, et donc de la visibilité pour ses prévisions économiques, afin de regagner de la crédibilité.  

Cette réunion ne devrait avoir aucun impact sur les marchés. Ces derniers mois, ceux-ci ont revu à la hausse leurs anticipations, avec 5 hausses de taux prévues en 2022, ce qui a déjà entrainé une correction sur l’ensemble de la courbe.

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