La réunion de la BCE devrait être marquée par l’annonce d’une réduction du rythme de ses achat d’actifs et des clarifications sur sa stratégie de politique monétaire.
- Nous nous attendons à l’annonce d’une réduction du volume d’achats d’actifs dans le cadre du PEPP et son retour au rythme précédant son accélération décidée en mars.
- La Banque centrale européenne devrait préciser son nouveau cadre stratégique de mise en œuvre de sa politique monétaire annoncé en juillet, notamment sa «forward guidance» relative à la hausse des taux, qui n’a pas fait l’unanimité, et les outils à mettre en œuvre pour atteindre sa cible d’inflation.
- La réunion de la BCE devrait être marquée par le réveil des faucons. Face à la recrudescence des débats au sein du conseil des gouverneurs, les marchés pourraient être plus volatils.
Compte-tenu du contexte actuel, il semble difficile pour la Banque centrale européenne de justifier le maintien du rythme plus élevé d’achats d’actifs décidé en mars dans le cadre de son Programme d'achats d'urgence face à la pandémie (PEPP). De fait, les conditions financières en zone euro sont plus favorables avec la baisse des taux long terme, après les tensions observées au 2ème trimestre, et des anticipations de hausse de taux décalées à un horizon 2024. La croissance a surpris à la hausse tandis que la vaccination a connu une forte accélération dans les trois derniers mois, même si des incertitudes demeurent compte-tenu du variant Delta.
Nous nous attendons donc à l’annonce d’un retour au calibrage initial. Cette décision serait en ligne avec les déclarations de Philip Lane du 25 août, selon lesquelles si l’objectif du PEPP, à savoir maintenir des conditions financières favorables, pouvait se faire avec un moindre volume d’achats d’actifs, alors la BCE pourrait recalibrer son programme. Cette décision devrait satisfaire les faucons. Robert Holzmann, le gouverneur de la Banque d’Autriche, et Klaas Knot, le gouverneur de la banque centrale néerlandaise, se sont déclarés favorables à cette réduction après la publication des chiffres d’inflation en zone euro du mois d’août, qui ont dépassé les estimations avec une hausse de 3% contre 2,2% en juillet, soit un plus haut depuis 10 ans. Cette hausse des prix se retrouve également dans le Core CPI, au plus haut depuis 2012 à 1,6%. La BCE devrait toutefois continuer à insister sur le caractère temporaire du pic d’inflation, notamment du fait des pénuries du côté de l’offre et des effets de base.
Cette réunion du Conseil des gouverneurs sera également l’occasion donner davantage de précisions sur le nouveau cadre stratégique de mise en œuvre de la politique monétaire de la BCE annoncé le 8 juillet. Celui-ci inclut une nouvelle cible d’inflation symétrique de 2% (au lieu du «below but close to 2%) qui va requérir, selon Christine Lagarde, une «forceful or persistent monetary policy action», et une nouvelle «forward guidance» dont les trois conditions1 n’avaient pas fait l’unanimité. Pour assurer sa crédibilité, il sera important pour la BCE de clarifier les conditions du timing d’une normalisation des taux d’intérêts, et les outils qui seront mis en place pour atteindre la cible d’inflation.
Les réponses sur ce dernier point seront particulièrement scrutées. L’extension de la maturité du PEPP (mars 2022) ne semble plus de mise dans le contexte actuel, d’autant que comme l’a fait remarquer Jens Weidman, le président de la Bundesbank, «le premier P signifie Pandémie, pas Permanent. C’est une question de crédibilité». Le relais pourrait être pris par le programme Asset Purchase Programme (APP). Mais celui-ci est moins important (20 milliards d’euros d’achats d’actifs mensuels) et moins flexible (il n’intègre pas la Grèce et doit respecter des clés de répartition). La BCE pourrait annoncer un nouveau calibrage et davantage de flexibilité. Cela serait-il suffisant?
La BCE devra aborder un jour «l’éléphant dans la pièce»: la pandémie a provoqué un endettement record des pays de la zone euro, et été un catalyseur des divergences entre les Etats. Elle s’est arrogée un rôle à la limite de son mandat en maintenant une répression financière qui rend soutenable le poids de la dette, un mécanisme indispensable pour certains pays membres de la zone euro. La potentielle remise en cause de son soutien poserait des problèmes de fond qu’il est trop tôt dans cette phase de reprise d’adresser de la part des gouvernements.
Les débats vont pourtant commencer, et les marchés y trouveront probablement des arguments pour justifier une plus grande volatilité. Dans ce contexte, le parallèle avec la Reserve fédérale américaine et la Banque d’Angleterre, qui ont d’ores et déjà signalé leur intention de réduire les programmes de soutien mis en œuvre pendant la crise sanitaire, n’est pas approprié.