La durabilité pour le long terme

Alan Mudie, Société Générale Private Banking

2 minutes de lecture

Les entreprises qui ont amélioré leurs pratiques ESG semblent les mieux placées pour survivre à la récession cette année.

Le COVID-19 a remis en cause un certain nombre de croyances mais également de pratiques économiques et entrepreneuriales profondément enracinées. Il a été démontré que les chaînes d’approvisionnement transfrontalières et transcontinentales n’étaient pas si solides et présentaient des points faibles. De plus, les processus de production en flux tendus ont montré leurs limites, une pénurie de composants pouvant mettre la production à l’arrêt. Par ailleurs, un grand nombre d’entreprises avait emprunté massivement, souvent pour financer des rachats d’actions, affaiblissant ainsi leurs bilans et les laissant vulnérables lorsque la trésorerie se tarit. La crise va donc obliger les entreprises, et par là même la société au sens large, à se remettre en question. 

De fait, cette remise en cause a déjà débuté dans de nombreux cas. Des parfumeurs comme LVMH et Coty ont modifié leurs lignes de production pour fabriquer du gel hydroalcoolique. Des entreprises de la mode comme Giorgio Armani et Canada Goose ont modifié les leurs pour produire des vêtements destinés au personnel de santé. Des constructeurs automobiles comme Peugeot et Tesla se sont mis à produire des équipements médicaux indispensables comme des respirateurs. Les banques internationales ont lancé des programmes de solidarité mondiale, alors même qu’elles continuent de s’assurer que le système financier est alimenté en crédits et en liquidités. Les entreprises à travers le monde ont réalisé qu’elles peuvent jouer un rôle majeur dans la lutte contre la crise sanitaire publique. 

Les entreprises devront construire des chaînes
d’approvisionnement plus robustes pour atténuer les risques actuels.

Les esprits cyniques pourraient affirmer que les entreprises en reviendront à leur ancien modèle dès que l’activité redémarrera. Nous n’en sommes pas si sûrs. Il est probable que les entreprises affichant des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) raisonnées et durables resteront mieux placées que leurs homologues.

Tout d’abord, les entreprises devront construire des chaînes d’approvisionnement plus robustes pour atténuer les risques auxquels elles sont confrontées actuellement. Elles devront également afficher des niveaux de stock plus élevés pour veiller à pouvoir satisfaire les commandes. Et dans la mesure où de nombreuses entreprises courent un risque de défaut sur leurs emprunts, les directeurs financiers devront remettre en question le niveau d’endettement qui a pu fragiliser leurs bilans.

Ensuite, le passage soudain au télétravail et la distanciation sociale pour des centaines de millions d’employés de bureau posent des problèmes aux entreprises dont les salariés témoignent d’une grande insatisfaction. Les entreprises affichant de meilleures méthodes de travail (en termes de santé et de protection sociale de leurs employés, de droits aux congés etc.) ont tendance à bénéficier d’un niveau d’engagement plus élevé de la part de leurs employés, ce qui leur confère un avantage concurrentiel durant une période de confinement prolongé. De fait, une étude de Bank of America a montré que les entreprises affichant des notations Glassdoor élevées (un site Internet où les salariés notent leur entreprise) ont tendance à surperformer durant les périodes de ralentissement.

Des crises comme celle d’aujourd’hui remettent en question
la durabilité de nombreux modèles économiques.

Enfin, des crises comme celle d’aujourd’hui remettent en question la durabilité de nombreux modèles économiques. En effet, les entreprises affichant un score ESG élevé et des pratiques entrepreneuriales durables sont moins susceptibles de faire faillite à un horizon de cinq ans d’après les données collectées par BoA. De plus, des entreprises cotées avec des scores ESG plus élevés ont moins subi de révisions à la baisse des prévisions de bénéfices que leurs homologues depuis le début de la crise, d’après les chiffres de Refinitiv et Sustainalytics. Et l’on observe aussi une meilleure performance pendant le marché baissier. Une étude publiée récemment par Morningstar montre que 67% des fonds d’actions américains durables se classent dans la moitié supérieure de leurs groupes de comparables depuis que le marché a atteint un plus-haut historique en février.

Si des considérations environnementales ont été intégrées par de nombreuses entreprises en 2019, en 2020, c’est la responsabilité sociale qui arrive au premier plan. Les entreprises qui ont amélioré leurs pratiques ESG semblent les mieux placées pour survivre à la récession cette année et prospérer dans les années à venir. Plutôt qu’un outil pour améliorer l’image d’une entreprise dans les périodes d’expansion, des normes de durabilité élevées constitueront un avantage concurrentiel majeur pour le succès à long terme.

Les indices ESG ont moins chuté que leurs indices régionaux

A lire aussi...