En eaux troubles

Alan Mudie, Société Générale Private Banking

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Outre le Brexit et la guerre commerciale, les tensions pourraient rester vives dans le Golfe persique. Une prise de bénéfices tactique s’impose.

Ces dernières semaines ont été marquées par l’assouplissement monétaire des banques centrales. Depuis début août, 12 banques centrales ont réduit les taux, dont le Mexique à deux reprises. La semaine dernière, la politique est revenue sur le devant de la scène. Tout d’abord, la Cour suprême britannique a jugé la suspension du parlement illégale, puis le leader du parti démocrate à la Chambre des Représentants a annoncé l’ouverture d’une enquête dans le cadre d’une possible procédure de destitution à l’encontre du président Trump. Quelles pourraient-être les implications pour les marchés?

La décision du Royaume-Uni a contraint le parlement à reprendre ses activités, avec des tensions très vives chez les députés des deux côtés de la chambre. Mais la situation n’en a pas été clarifiée pour autant. Le négociateur en chef du Brexit de l’Union européenne a déclaré la semaine dernière que l’UE attend encore une «nouvelle proposition légale et opérationnelle» de la part du Royaume-Uni, susceptible de sortir le Brexit de l’impasse. Et il reste peu de temps. Toute proposition devrait être formulée avant le sommet du Conseil européen qui se tiendra les 17 et 18 octobre prochains pour avoir une chance d’être ratifiée avant le 31 octobre, date d’entrée en vigueur du Brexit.

Les tensions entourant le Brexit poussent la livre vers le bas
Rendement du 10 UK et taux de change GBP/USD

Le premier ministre Boris Johnson ayant perdu sa faible majorité à la Chambre des Communes, l’approbation du parlement imposerait d’en appeler au soutien de l’opposition, un appui qu’il lui sera difficile d’obtenir en raison de son approche agressive. Par ailleurs, les partis d’opposition demeurent réticents à approuver des élections anticipées tant que Boris Johnson ne s’appliquera pas à repousser la date butoir, une éventualité qu’il a catégoriquement écartée. Et de nouvelles élections, voire un nouveau référendum, pourraient s’avérer peu concluantes. De fait, le pays semble tout autant divisé que le parlement.

Les actes répréhensibles présumés du président Trump lors de discussions avec le nouveau président ukrainien sur l’ancien vice-président et potentiel candidat à la présidentiel Joe Biden sont à l’origine de la procédure de destitution. Les détails sont encore flous, mais le leadership démocrate a de toute évidence décidé que la situation était suffisamment préoccupante pour justifier une enquête.

L’Article Un de la constitution américaine précise que les procédures de destitution sont décidées à la seule discrétion de la Chambre des Représentants, contrôlée aujourd’hui par les Démocrates. C’est le Sénat toutefois (où les Républicains ont renforcé leur majorité lors des élections de novembre dernier) qui a le pouvoir exclusif de juger les personnes mises en accusation. Ainsi, l’enquête ouverte par le leader de la chambre pourrait bien aboutir à une procédure de destitution, menant à un procès au Sénat. Mais une révocation requiert une condamnation par une majorité qualifiée des deux tiers des sénateurs, ce qui semble improbable compte tenu de l’emprise du président Trump sur le parti républicain.

Les incertitudes ont fait baisser les rendements obligataires
Rendement du 10 ans US et indice d’incertitude

 

Au vu des drames aigus qui se jouent à Westminster et à Washington, la réaction du marché a été plutôt discrète. Les obligations d’Etat britanniques à 10 ans sont reparties à la hausse la semaine dernière, avec une baisse des rendements de 10 pb à 0,52%, tandis que le rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans a cédé 3 pb. L’indice des grandes capitalisations FTSE100 s’inscrit en hausse de 0,1% sur la période, tandis que le S&P500, bien qu’en baisse il y a deux semaines, n’est encore inférieur que de 1,6% au plus-haut historique de juillet.

Les marchés devront faire face à plusieurs difficultés ces prochains mois. Outre le Brexit et la guerre commerciale, les tensions pourraient rester vives dans le Golfe persique. Une prise de bénéfices tactique s’impose donc à l’approche de la fin de l’année. Cependant, en 2020, ces difficultés devraient se dissiper, tandis que les politiques monétaires et fiscales seront de plus en plus favorables, contribuant à tenir la récession à distance.

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