La dette publique atteindra 16’484 dollars par citoyen en 2025

Anne Barrat

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Janus Henderson lance un indice de la dette publique. Analyse des recours massifs aux emprunts souverains avec Bethany Payne.

Après avoir atteint le niveau record de 62’500 milliards de dollars en 2020, la dette publique représente près de 15% du PIB mondial. Les gouvernements ont accru leurs ardoises de 9’300 milliards de dollars, soit +17,4%; c’est plus que ce qu’ils avaient dû mobiliser en 2008-09. En 25 ans (1995-2020), le montant de la dette souveraine a augmenté de 273% (il était de 16’744 milliards de dollars en 1995). Ainsi, alors que le montant de la dette publique par habitant s’élevait à 4'371 dollars en 1995, il a atteint 13'050 dollars fin 2020, et devrait s’établir à 13'818 dollars en 2021. Le ratio dette/PIB au niveau mondial est donc passé de 59% à 70% sur la même période. 

Autrement dit, la croissance de la dette a dépassé celle de l’économie. Des chiffres vertigineux qui ressortent de la première édition de l’indice de la dette publique (Sovereign Debt Index) publiée cette semaine par Janus Henderson Investors. «En lançant cette étude sur l’évolution de la dette publique mondiale, une première unique en son genre, notre objectif est d’offrir à un très large public un panorama impartial des tendances de fonds sur les marchés obligataires. Ce baromètre nous semble d’autant plus important que nous sommes tous concernés par ces tendances. Que ce soit directement en tant qu'investisseurs, ou indirectement en tant que particuliers via nos caisses de pension ou compagnies d’assurance», explique Bethany Payne, portfolio manager chez Henderson Global Investors.

En 25 ans (1995-2020), le montant de la dette souveraine a augmenté de 273%. 
Le ratio dette/PIB au niveau mondial est passé de 59% à 70%.
Des disparités nationales et régionales

Pour faire face à la récession qui a concerné en 2020 huit pays sur dix du périmètre de l’Indice Janus Henderson – lesquels représentent 88% du PIB global et les deux tiers de la population mondiale –, ce sont sans surprise les grandes économies qui ont le plus emprunté. Les plus gros emprunteurs sont les Etats-Unis, le Japon et la Chine. Ce trio a représenté la moitié des nouveaux emprunts publics, les Etats-Unis un tiers à eux seuls. En valeur relative (dette/PIB), c’est le Royaume-Uni qui vient en tête des déficits publics (1/5e de la taille de son économie). Suivi par les Etats-Unis, le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Espagne, le Canada, le Japon et Singapour qui affichent tous des déficits représentant au moins 1/8e de leur économie. 

Sur la période 1995-2020, ce sont les marchés émergents qui sont restés les plus stables en termes de ratio dette/PIB (38% en 1995, 37% en 2020) alors que l’Asie ex-Japon passait de 18% à 40%, l’Europe ex-UK de 71% à 100%, l’Amérique du Nord de 51% à 95%, la palme revenant au Royaume-Uni, 41% à 113% et au Japon, 90% à 250%. De manière générale, les gouvernements ont creusé leur déficits chaque année depuis 25 ans, la croissance économique ne parvenant pas à couvrir leur niveau de dépenses, impliquant une augmentation de la dette souveraine plus élevée d’un cinquième que celle des recettes fiscales. 

«La Suisse figure parmi les meilleurs élèves
du monde en termes de dette publique.»
La Suisse se distingue une fois de plus

Deux exceptions notables se détachent dans ce panorama, la Suisse et la Suède. La première a vu son taux d’endettement public par habitant décroître de 41% à 31% sur 25 ans, la seconde de 69% à 40%. «La Suisse figure parmi les meilleurs élèves du monde en termes de dette publique», commente Bethany Payne. Entre 1995 et 2020, la dette helvétique a augmenté de 65,10%, passant de 149 à 246 milliards de dollars alors que la moyenne mondiale s’accroissait de 273,4% (passant de 16’744 à 62’515 milliards de dollars). Sur la même période, la dette rapportée au PIB a diminué en Suisse (de 41% à 31%) et devrait continuer à le faire (29% du PIB attendus en 2025), quand la moyenne mondiale est passée de 59% à 84% (83% en 2025).» Ces deux pays, qui affichent un niveau de dette per capita (28'354 dollars en Suisse, 23'665 dollars en Suède fin 2020) très en-deçà de celui de l’Europe ex-UK (41'607 dollars), peuvent également compter sur des taux d’intérêt très bas (respectivement 0% et 0,3%), favorables au financement de leur dette (1,5% en moyenne en Europe ex-UK, 2% dans le monde).

Le coût du financement toujours très bas

Un coût de financement qui, fort heureusement, a sensiblement chuté. Entre 1995 et 2020, la charge d’intérêt mondiale a augmenté d’un cinquième alors que le montant de la dette a été multiplié par quatre. Rapportée au PIB, cette charge a été divisée par deux sur la même période. Si de nombreux pays empruntent aujourd’hui à des taux d’intérêt négatif, c’est en en grande partie du fait des politiques interventionnistes des banques centrales. Lesquelles détenaient fin 2020 près d’un quart de la dette publique mondiale, en hausse de 5% (ou 4’800 milliards) de dollars par rapport à fin 2019. Ainsi, plus de la moitié (52%) de tous les nouveaux emprunts publics réalisés en 2020 a été financée par des liquidités émises par les banques centrales. Aux Etats-Unis, ce sont 85% des dettes publiques de 2020 qui ont été acquis par la Fed, au Royaume-Uni deux-tiers par la Banque d’Angleterre. «Les banques centrales continueront à freiner les taux d’intérêt pendant encore quelques années afin de conserver des coûts de financement bon marché», prévoit Béthany Payne.

Net reflux à horizon 2025

La dette publique devrait décroitre de plus de 70% en moyenne d’ici à 2025 selon les prévisions de l’Indice Janus Henderson, fondées sur des projections de croissance économique. Là encore, le reflux se fera différemment selon les régions, l’Europe (-86,1%) et le Japon (-81%) faisant figure de premiers de la classe. «En posant les conditions de la reprise de la croissance, l'augmentation des dettes publiques pour faire face au COVID a été une bonne décision», conclut Bethany Payne.

 

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