La désinflation, meilleure amie du 60/40

Axel Botte, Ostrum AM

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La baisse de l’inflation américaine constitue le signal haussier espéré par les actifs risqués.

©Keystone

Cela peut paraitre paradoxal à la vue de la réaction des prix d’actifs mais la baisse plus forte qu’attendu de l’inflation en juin (3%) ne modifiera probablement pas la décision de la Fed de relever ses taux le 26 juillet. Cela étant, les marchés y voient déjà les raisons d’une prochaine inflexion monétaire. Les marchés d’actions ont fortement progressé après la publication de l’indice des prix à la consommation (IPC) américain en parallèle de la baisse des rendements obligataires et du dollar. Le T-note comme le Bund reviennent sur leurs précédentes résistances à la hausse 3,80% et 2,50%.

Sur le plan sectoriel, les secteurs sous pression comme les ressources de base profitent du rebond des matières premières. Le crédit et les actifs de portage sont naturellement favorisés par la perspective d’une réduction des taux. Le yen japonais amplifie l’ajustement du dollar pour s’établir autour de 138. Les taux japonais semblent aussi placer une probabilité plus forte d’un tournant restrictif de la politique de la Banque du Japon (BoJ). Rien n’est moins sûr tant la communication de Kazuo Ueda reste énigmatique. Le rebond des actions fait également écho aux annonces réitérées de soutien au secteur immobilier en Chine.

Le billet vert, baromètre de l’aversion pour le risque

L’inflation américaine reflue. C’est sans doute le signe que le resserrement monétaire entamé l’an passé commence à porter ses fruits. La hausse des prix ressort à 3% en juin et l’indice hors éléments volatils s’établit à 4,8%. L’inflation des biens est proche de zéro depuis quelques mois. Les loyers, constatés et imputés aux propriétaires, ralentissent également comme attendu, le Bureau of Labor Statistics (BLS) intégrant graduellement l’évolution des loyers de 2022. Selon nos prévisions, l’inflation sous-jacente devrait s’établir à 4,1% en fin d’année et continuer de refluer au premier semestre de 2024.

Le spectre d’une récession induite par un rationnement du crédit bancaire s’est éloigné et le chômage reste inférieur à l’équilibre de long terme.

Il reste à savoir si la Fed agira aussi rapidement que les marchés l’espèrent. Les anticipations d’inflation des ménages ont un peu diminué mais la remontée récente des prix du pétrole (80 dollars le baril de Brent) est à surveiller. En outre, le spectre d’une récession induite par un rationnement du crédit bancaire s’est éloigné et le chômage reste inférieur à l’équilibre de long terme (3,6% contre 4,5%). Les plans de licenciements ont même diminué en juin. Par ailleurs, les postes de la demande les plus sensibles au taux (investissement en logement ou consommation de biens durables) sont bien orientés. En zone euro, le compte rendu du comité de juin indique qu’un consensus favorable à une hausse de 25pb s’était dégagé après avoir débattu d’un mouvement de 50pb. L’inflation sous-jacente ne montre pas encore de signes tangibles d’inflexion.

Le marché de taux demeure extrêmement volatil. Alors que la publication de l’emploi avait provoqué une tension sur le T-note vers 4,09% la semaine passée, l’IPC sous les attentes à 3% a ramené le 10 ans autour de sa résistance précédente à 3,80 %. Si la hausse de juin reste une quasi-certitude, les marchés veulent croire au statu quo dès septembre. La courbe connait également des variations significatives. Le 2-10 ans avait retouché en fin de semestre les niveaux extrêmes entrevus après la faillite de SVB.

Il semble désormais qu’un mouvement de pentification s’amorce. Le spread 2-10 ans se situe désormais à -84pb après un point bas à -108pb début juillet. L’écart 10-30 ans (11pb) profite également de la désinflation. Le Bund a suivi le marché directeur en l’absence de publications majeures en zone euro. Le spread Treasuries-Bund se traite autour de 132pb. La pente de la courbe s’accentue également en Europe. Les swap spreads sont quasiment inchangés à des niveaux élevés malgré l’embellie sur les actifs risqués. En revanche, les spreads souverains se resserrent. L’annonce d’une syndication de 15 ans en Grèce engendre toutefois des dégagements sur le point de maturité 10 ans.

La possibilité d’un allègement monétaire anticipé a immédiatement provoqué une accélération haussière sur les actions. Le réflexe vendeur de dollar et simultanément acheteur de Treasuries et de contrats sur les actions réapparaît. Le billet vert est bien le baromètre de l’aversion pour le risque. La hausse des actions concerne la plupart des secteurs. Le sursaut des cycliques, y compris les ressources de base, est notable compte tenu des révisions baissières sur les bénéfices par action depuis quelques mois. Ce rebond fait écho aux prix des métaux industriels jusqu’ici pénalisés par l’atonie de la reprise chinoise. L’Euro Stoxx reprend les 4% perdus la semaine précédente pour fondre sur les 4400 points, soit la borne haute de la fourchette depuis février. Les investisseurs institutionnels sont encore majoritairement sous-investis en actions, et toute baisse est mise à profit pour s’exposer de nouveau.

Comme pour tout actif de portage, l’arrêt du resserrement serait bénéfique au crédit. Les spreads IG en zone euro se sont rétrécis à 153pb contre Bund ou 85pb contre swap. L’inertie des swap spreads n’est pas un obstacle à la performance y compris du secteur financier. Le high yield bénéficie également de flux acheteurs. La tendance à la décompression des spreads sur les indices de CDS semble désormais s’inverser au bénéfice du Crossover, qui se resserre de quelque 40pb depuis une semaine.

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