Banques américaines: bilan 2 mois après SVB

Axel Botte, Ostrum AM

2 minutes de lecture

Deux mois après l'effondrement de SVB, la baisse des dépôts dans les banques les plus fragiles a ralenti, voire cessé.

© Keystone

Les turbulences financières depuis mars se sont soldées par trois faillites bancaires significatives. Les prévisions de croissance aux Etats-Unis ont été rabotées compte tenu des risques de rationnement du crédit. La fuite des dépôts a concerné en premier lieu les banques régionales, mais s’est ensuite étendue aux grandes banques. Cette épargne a été redirigée vers les fonds monétaires. Les banques ont réagi en utilisant des mécanismes pour étendre l'assurance des dépôts et ainsi rassurer leurs clients. La Fed est intervenue rapidement pour endiguer la crise, mais sa facilité de prise en pension pourrait aussi avoir accentué la crise.

Une crise d’arbitrage des dépôts bancaires

Les banques régionales font la une des journaux depuis mars. Trois grandes institutions financières ont fait faillite et quelques autres vacillent. La Silicon Valley Bank (SVB), la Signature Bank (SB) et, plus récemment, la First Republic (FRC) ont succombé à des sorties de dépôts dépassant de loin leur capacité à lever des liquidités à court terme, soit par la vente d'actifs, soit par des emprunts auprès des facilités d'urgence de la Fed.

Les banques sont des institutions fragiles par nature. La confiance des clients est sans aucun doute leur actif le plus précieux. La panique bancaire s'est manifestée par des sorties rapides des dépôts redirigés vers les grandes banques perçues comme moins risquées ou vers les fonds monétaires offrant une meilleure rentabilité. Pour autant, la qualité du crédit n'est pas le déclencheur de la crise bancaire: les taux de défaut sont faibles dans l'ensemble des secteurs de l’économie.

Cette crise soulève donc de nombreuses questions quant à l’évolution de la réglementation bancaire, l'évaluation des risques de fuite des dépôts et le coût implicite des mécanismes d'assurance des dépôts. Mais nous laisserons ces questions importantes de côté pour nous concentrer sur la situation, encore mouvante, du secteur bancaire américain.

A mesure que la Fed resserrait la politique monétaire, les taux des bons du Trésor ont grimpé. Les fonds monétaires sont donc devenus plus rémunérateurs pour les épargnants que les dépôts.

Le contexte financier pourrait être propice à de nouvelles tensions bancaires. Le plafond de la dette a été suspendu et le Trésor américain devra lever des fonds pour reconstituer un matelas de liquidités. L'émission de bons du Trésor devrait s’élever entre 600 et 700 milliards de dollars dans les semaines à venir. Par ailleurs, la Fed n'a peut-être pas terminé son cycle de hausses des taux d'intérêt, l'inflation sous-jacente restant élevée. Les besoins de financement significatifs et les taux élevés pourraient peser encore sur les bilans bancaires et réduire leur capacité de prêts. Les fonds monétaires américains devraient continuer à attirer des flux au détriment des dépôts bancaires.

Fuite des dépôts pour les petites comme les grandes banques

Les dépôts dans les petites banques ont chuté soudainement en mars. Dans le cas de SVB, la panique bancaire a été particulièrement violente puisque 42 milliards de dollars se sont évaporés le dernier jour. Les retraits rapides au travers des applications mobiles et le caractère consanguin de sa base de clients ont amplifié la panique. Il y avait probablement d'autres catalyseurs pour cette crise, mais la rapidité des évènements ayant abouti à la faillite est stupéfiante. Lorsque Washington Mutual s'est effondré en 2008, la fuite de dépôts a totalisé 18 milliards de dollars sur une période de 10 jours. Aussi, les investisseurs ont porté une attention particulière aux données hebdomadaires d’encours de dépôts bancaires publiées par la Fed. La Réserve fédérale classe les banques en deux sous-groupes: les grandes et les petites institutions. A l’échelle américaine, les «petites» banques peuvent compter plusieurs dizaines de milliards de dollars d'actifs.

Les dépôts bancaires ont diminué de 5% environ depuis le début de l’année. En mars, les dépôts ont fui les petites banques, notamment les établissements régionaux. La contraction des dépôts dans ces banques coïncide avec la disparition de SVB le 9 mars. Initialement, les dépôts auprès des grandes banques sont restés stables ou ont même légèrement augmenté, les déposants se tournant vers de plus grandes institutions pour leur plus grande sécurité. À partir de mi-avril, cependant, les grandes banques ont subi des sorties. Depuis le début de l’année, les dépôts ont diminué de 290 milliards de dollars dans les petites banques (ou -5,3% depuis le début de l'année) et de 450 milliards de dollars dans les grandes banques (-4,1%).

A mesure que la Fed resserrait la politique monétaire, les taux des bons du Trésor ont grimpé. Les fonds monétaires sont donc devenus plus rémunérateurs pour les épargnants que les dépôts, les banques ne répercutant qu'une partie des hausses de taux (pour protéger leurs marges d'intérêt). Cependant, si l'excédent de liquidités diminue ou si les épargnants arbitrent pour maximiser le rendement, les banques devront lever des liquidités sur le marché monétaire ou relever la rémunération des dépôts. La part croissante des dépôts à terme dans les bilans bancaires suggère que les banques ont effectivement augmenté les taux offerts afin de stabiliser leurs ressources.

Une leçon doit être tirée de l'effondrement de SVB: les déposants, particuliers ou institutionnels, doivent avoir conscience qu’une partie de leurs avoirs échappe à l’assurance des dépôts. Ce besoin de sécurité doit être pris en compte par les banques.

A lire aussi...