Une Banque d’Angleterre coincée

Axel Botte, Ostrum AM

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Les prévisions hasardeuses de la Banque d’Angleterre ont retardé la lutte contre l’inflation.

© Keystone

La Banque d’Angleterre (BoE) a surpris les marchés en augmentant ses taux de 50pb. Après une période de stabilité à un niveau élevé, l'inflation sous-jacente a recommencé à augmenter en raison des tensions persistantes sur les salaires. Les taux de la BoE pourraient encore augmenter pour atteindre 6% à l’automne 2023. L’erreur de politique monétaire liée à des prévisions hasardeuses aura de lourdes conséquences pour les emprunteurs, d’autant que le Trésor britannique n'a aucune marge de manœuvre pour alléger la charge hypothécaire des ménages. Selon nos estimations, le taux neutre de la BoE est proche de 4%. Les taux devraient donc rester élevés longtemps, afin de s’assurer d’une baisse durable de l'inflation.

Une certaine constance dans l’incohérence

La BoE est unique en son genre. Son processus décisionnel est souvent difficile à appréhender, alors même que la Banque poursuit un objectif d'inflation standard de 2%. Si l'ambiguïté stratégique n'est pas forcément un mal dans la conduite de la politique monétaire, les banquiers centraux de la BoE en font un usage particulièrement intensif. En effet, le gouverneur de la BoE, Andrew Bailey, n’hésite pas à jouer avec les marchés, comme en novembre 2021, en renonçant à une hausse pourtant télégraphiée avant d’augmenter les taux d'intérêt un mois plus tard avec les mêmes données disponibles.

De plus, l’unanimité est rare. Les décisions partagées au sein du comité de politique monétaire (MPC) sont plus fréquentes que dans les autres banques centrales. Depuis décembre 2022, deux des neuf membres du MPC ont systématiquement voté pour maintenir les taux inchangés, alors même que la BoE s’était engagée dans un cycle de resserrement monétaire.

La réponse tardive de la BoE à l'inflation

La BoE n'a pas réagi à temps à la hausse de l'inflation. La Banque doit maintenant s'engager à la maîtriser et donc communiquer une stratégie crédible pour y parvenir. Depuis l’été 2021, la hausse des prix à la consommation au Royaume-Uni a été bien supérieure à l'objectif. L'économie britannique opère sans doute au-dessus de son potentiel qui reste par ailleurs contraint par les chocs d'offre depuis le Covid et les conséquences du Brexit.

En novembre 2022 et février 2023, les prévisions de la Banque indiquaient une récession prolongée au Royaume-Uni censée créer un écart à la production potentielle suffisant pour atténuer les pressions sur les prix. Avec le recul, les prévisions de la Banque ressemblent à de la rétro-ingénierie pour justifier un cycle de hausses très modéré.

Les erreurs de prévision sont monnaie courante, mais ne pas prendre en compte les risques à la hausse des prix constitue une erreur grave. La prévision d'inflation 2025 publiée en février était de 0%! La révision à 1% d'inflation dans deux ans, apportée en mai, demeure tout aussi douteuse.

La désinflation est loin d’être acquise. L'inflation totale est restée stable à 8,7% en glissement annuel en mai après une nouvelle surprise significative à la hausse par rapport au consensus. L'inflation sous-jacente s'élève à 7,2%, reflétant les déséquilibres persistants du marché du travail britannique. La croissance des salaires oscille autour de 6-7% sur une base annuelle et montre peu de signes de ralentissement, car le taux de chômage au Royaume-Uni reste en dessous de 4%. Les effets de second tour redoutés par les Banques centrales sont visibles dans l'économie britannique.

La surprise de juin

Lors de sa réunion du 21 juin 2023, le MPC a voté à une majorité de 7 voix contre 2 l’augmentation des taux directeurs de la BoE de 50pb à 5%. La décision de la BoE de relever les taux de plus de 25pb constitue une surprise, mais elle apparaît totalement justifiée par les dernières données. Deux membres du MPC, Silvana Tenreyro et Swati Dhingra auraient néanmoins préféré maintenir les taux inchangés à 4,5%.

Il y a eu peu de réaction de la part des banquiers centraux à la lecture des anticipations du marché pointant un taux terminal de 6%. De nouveaux relèvements sont donc probables lors des prochains comités jusqu'à l'automne.

Le resserrement monétaire a des conséquences évidentes pour les entreprises et les ménages. De nombreux emprunteurs payant actuellement des taux hypothécaires variables ou qui doivent refinancer leur prêt hypothécaire à taux fixe se voient proposer des taux fixes sur deux ans au-delà de 6%. Pour un ménage moyen, la hausse des remboursements atteint environ 2500 livres par an. Le chancelier Jeremy Hunt a exclu un allégement des intérêts hypothécaires, car un soutien fiscal aux ménages en difficulté financière risquerait d’alimenter encore l'inflation. Au lieu de cela, le chancelier encourage les banques à faire preuve d'indulgence envers leurs clients en difficulté. Conformément à l'accord de décembre 2022 entre les banques, les régulateurs et le Trésor, les prêteurs sont tenus de soutenir ceux qui ont du mal à rembourser leurs hypothèques en modifiant les conditions avec une prolongation de l'échéance des prêts hypothécaires ou en limitant, temporairement, le remboursement aux intérêts. Une suspension des saisies immobilières a aussi été décidée vendredi. Il convient de garder à l'esprit que les saisies immobilières et les arriérés de paiement hypothécaire restent aujourd’hui encore inférieurs aux niveaux d'avant la pandémie.

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