La crise tend à confirmer l’intérêt pour l’ISR

Jean Niklas, BCV

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Non seulement les indices ESG ont passé leur premier test clé, mais l’intérêt des investisseurs tend à s’étendre au-delà du seul critère climatique.

Y aura-t-il une place pour l’ESG après le COVID-19? L’investissement responsable et ses critères de réfé-rence – environnementaux, sociaux et de gouvernance – peuvent-ils résister à la crise engendrée par les mesures de lutte contre le coronavirus et à la chute des prix du pétrole? A défaut de réponse, la crise en cours livre déjà quelques enseignements.

Il est tout d’abord intéressant de noter que, à caractéristiques risque-rendement égales, les indices ESG se sont globalement comportés comme les indices traditionnels, voire les ont légèrement surperformés lors des ventes indifférenciées du début de la crise. S’il est vrai que la sous-pondération des indices ESG en titres pétroliers les a aidés, il est aussi vrai que les entreprises respectant les critères ESG sont souvent dites de qualité, un facteur très recherché désormais.

En termes de flux entrant et sortant, les indices actions
restent dans le rouge, au contraire des indices ESG.

Depuis la mi-mars, les indices ont certes perdu 30% à une vitesse jamais encore vue, mais ont aussi regagné plus de la moitié du terrain perdu. Ainsi avril s’est avéré le meilleur mois du Nasdaq depuis 2000. En fait, ce rebond est marqué pour l’heure par de grandes disparités entre les classes d’actifs, entre les secteurs et les régions géographiques. Les titres présentant une croissance supérieure à la moyenne sur le long terme, offrant des rémunérations et revenus solides ou encore ne dépendant pas trop des cycles conjoncturels sont particulièrement appréciés par les investisseurs qui cherchent à renforcer leurs porte-feuilles. Des caractéristiques que l’on retrouve chez bon nombre de titres entrant désormais dans les indices ESG.

Flux positifs

Autre constatation de ces premières semaines de crise, en observant le marché en termes de flux entrant et sortant, les indices actions restent dans le rouge, au contraire des indices ESG, qui eux, voient encore davantage d’argent entrer que sortir. Un élément qui plaide en faveur d’un mouvement durable et profond. Guidé notamment par les fonds institutionnels.

Cela dit, la notion d’investissement responsable est plus large que les seuls indices portant désormais ces trois lettres. Elle inclut aussi des fonds thématiques ou des investissements traduisant un engage-ment à impact important. Historiquement, dans les phases de fort recul, les investissements thématiques vivent des heures difficiles. Ils sont souvent les premiers à être vendus lorsqu’un bear market s’installe. Le mouvement baissier de 2020 a certes été rapide, mais n’a pour l’heure pas duré suffisamment long-temps pour savoir si les thématiques ESG subissent le même sort que leurs homologues d’autres sec-teurs.

Climat revalorisé

La correction a eu des effets variables d’un thème à l’autre de l’univers ESG. Elle a notamment permis à certains thèmes de retrouver des valorisations correctes. C’est notamment le cas du secteur climatique qui a monopolisé le devant de la scène depuis le début de l’année. L’engouement se maintiendra-t-il alors que des dépenses pharaoniques sont engagées dans la lutte contre la récession ou alors que les prix du pétrole flirtent avec les 20 dollars?

Emploi vs climat: la confrontation risque d’être récurrente.

Théoriquement, la relance est une opportunité unique pour «verdir» la société et donc l’économie. Mais il est vrai que les milliers de milliards engagés impliqueront des priorités dans les secteurs ciblés. Emploi vs climat: la confrontation risque d’être récurrente. Comme le démontrent les débats autour du soutien au secteur aérien ou du Green Deal européen. Pour l’heure, à l’image d’Angela Merkel, des dirigeants tien-nent le cap, jusqu’à quand? La durée de la récession pourrait devenir une des composantes importantes de la réponse. 

Les prix du brut entrent aussi dans l’équation. En chute libre depuis le début de l’année, ils n’ont pas en-core changé la donne en Europe selon les chiffres de consommation du premier trimestre qui voient les énergies renouvelables résister. A vérifier sur le plus long terme, et surtout dans les pays en développe-ment, où le prix du kWh ou du km pèse encore beaucoup dans l’évaluation de leur compétitivité. Il n’est pas anodin non plus de constater que les dirigeants des groupes pétroliers américains se sont exprimés sur la question lors de la publication de ses récents résultats trimestriels. «Nous nous attendons à ce que la question de la réduction de nos émissions de gaz à effet serre demeure au-delà du coronavirus ou d’autres circonstances», a ainsi déclaré Mike Wirth, le CEO de Chevron, selon les médias américains.

Le social en ligne de mire

La thématique environnementale n’est cependant pas la seule à être discutée durant cette crise. Il est désormais aussi question notamment de gouvernance, comme le prouve le débat autour des dividendes dont le versement est contesté en cette période d’aide massive aux entreprises. A titre d’exemple, même Royal Dutch Shell a touché à sa célèbre rémunération de ses actionnaires. Le S d’ESG, soit l’aspect so-cial, apparaît également dans les débats, notamment autour des conditions de travail. Le marché améri-cain s’intéresse par exemple aux obligations sociales, social bonds. Un pan de l’investissement d’impact qui reste une part minoritaire de l’investissement durable, mais qui tend à confirmer que le mouvement est appelé à perdurer et que l’ISR gagne en maturité.

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