L’innovation et la durabilité, soutiens du marché japonais

Pierre Mermod, BCV

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Alors que l’économie japonaise pourrait entrer en récession, des secteurs offrent du potentiel à long terme pour qui souhaite diversifier son portefeuille.

L’économie japonaise est-elle entrée en récession? Si oui, avec quelles conséquences sur les marchés à long terme? Le relèvement de la TVA l’automne dernier a davantage touché l’économie qu’attendu. Le PIB a reculé de 6,3% au quatrième trimestre 2019 en rythme annuel. Un mouvement qui s’explique par la baisse de la consommation interne. Mais pas seulement. La production a aussi déçu. Le mouvement va-t-il se poursuivre pour le deuxième trimestre consécutif, définition technique d’une entrée en récession? Comme en 2014 lors de la précédente hausse de la TVA? La question se justifie alors que, au premier trimestre 2020, à la baisse de la consommation sont venues s’ajouter les conséquences de l’épidémie de coronavirus en Chine.

Coronavirus et rigidités structurelles

L’économie japonaise est à la fois ouverte et fermée. Fermée, car le gouvernement n’a pas opté pour la solution migratoire aux défis démographiques. Pour faire tourner ses entreprises, l’archipel n’a pas importé la main d’œuvre, il a exporté les usines. Notamment en Chine. L’économie japonaise repose en grande partie sur la notion de flux tendus, une notion mise à mal en ces temps de confinement de régions chinoises et de ralentissement des activités commerciales. Autre conséquence de la crise sanitaire actuelle pour le Japon: les incertitudes sur le tourisme dans l’Empire du Soleil levant dont le développement doit beaucoup aux Chinois.

Les réformes structurelles n’ont pas résolu les problèmes liés à la rigidité
du monde du travail qui favorise les engagements à durée déterminée,

Est-ce à dire que les mesures prises par le Premier ministre Shinzo Abe ces dernières années – mesures de relance de la croissance et de l’inflation connues sous le nom d’Abenomics – n’ont pas eu l’efficacité attendue sur la résilience de l’économie japonaise à de tels chocs? Malgré un faible taux de chômage et les mesures prises pour atténuer la hausse de la TVA, les ménages ont contenu leurs dépenses. Les réformes structurelles n’ont par exemple pas résolu les problèmes liés à la rigidité du monde du travail qui favorise les engagements à durée déterminée et donc la précarisation de l’emploi dans certains secteurs.

Rôle de la BoJ

Alors que la marge de manœuvre du gouvernement s’est réduite, les regards se tournent actuellement vers la Banque du Japon. Va-t-elle à l’image de sa consœur chinoise intervenir pour soutenir l’économie – et les marchés –? Elle s’est montrée jusqu’alors réticente à pousser encore plus loin sa politique accommodante, craignant les effets des taux trop négatifs sur le système bancaire. Mais son président, Haruhiko Kuroda, a récemment rappelé qu’il interviendrait s’il le fallait.

Chute du Topix

La bourse de Tokyo a encaissé ces nouvelles. Elle affiche la plus mauvaise performance des principales places boursières mondiales depuis le début de l’année après avoir chuté depuis la mi-février. Le yen a également reculé perdant son rôle de valeur refuge.

Les enseignements de 2019

Évaluer le Topix ne passe pas par la seule auscultation du marché intérieur, car il est aussi le reflet de l’économie mondiale et de tendances structurelles et sociétales lourdes. L’externalisation d’une grande partie de la production des entreprises cotées explique pourquoi l’indice phare de la bourse de Tokyo est autant influencé par l’extérieur. Au-delà de l’évolution du commerce mondial, l’analyse du marché japonais passe par une approche sectorielle. Le bilan de 2019 est ainsi symptomatique. L’an dernier, le secteur des services a particulièrement bien performé. C’est notamment le cas des services liés au manque de main d’œuvre comme les sociétés actives dans le recrutement, dans la sous-traitance ou dans le placement temporaire. Autre domaine ayant soutenu les portefeuilles l’an dernier: la technologie, notamment celle liée au développement de la 5G.

Le Japon est l’un des pays au monde les plus touchés par le vieillissement
de sa population et par le déclin démographique.

À plus longue échéance, le manque de main d’œuvre reste d’actualité même si le gouvernement assouplit quelque peu sa politique migratoire et qu’un réservoir de bras subsiste dans le pays – notamment les femmes. Le Japon est l’un des pays au monde les plus touchés par le vieillissement de sa population et par le déclin démographique. Il est communément admis que depuis 2008, le pays perd l’équivalent d’une ville moyenne par an. Cette tendance structurelle de fond concerne particulièrement l’ingénierie et la santé.

Une réponse aux problèmes climatiques

Autre thème intéressant: tout ce qui est lié aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Alors que les investisseurs notamment institutionnels se doivent d’aborder la question de la durabilité de leur placement, les entreprises japonaises proposent de nombreuses réponses aux questions posées par ces défis. Un exemple? Les véhicules propres et intelligents. Le secteur automobile a particulièrement souffert en 2019 en raison de l’affaiblissement de la conjoncture mondiale. Mais dans des ventes en recul, les véhicules électriques ont vu leur part de marché croître. Et le renforcement de la thématique climatique sur le plan mondial est un soutien de taille à ce marché pour lequel les entreprises japonaises sont particulièrement bien armées.

À ces éléments s’ajoutent les fondamentaux des valeurs japonaises, comme l’amélioration de la gouvernance et des bilans des entreprises. Autant d’atouts qui peuvent s’avérer intéressants pour un investisseur en quête de diversification responsable de son portefeuille. Qui plus est au lendemain d’une correction. À condition bien sûr que l’état de l’économie mondiale le permette.

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