La Chine est-elle encore un marché investissable?

Vincent Manuel, Indosuez Wealth Management

2 minutes de lecture

Pas de catalyseur positif à court terme sur le plan fondamental mais tout signal avéré d’assouplissement de la politique zéro-COVID doit être suivi avec attention.

Le Congrès qui s’est conclu le dimanche 23 octobre a jeté un froid parmi les investisseurs internationaux. Les images de la sortie de Hu Jintao de la salle du Congrès symbolisent l’affirmation du leadership total de Xi Jinping qui conduit seul le pays d’une main ferme et la recomposition du Politburo qui fait la part belle à sa garde rapprochée. Est-ce pour autant un tournant dans un pays dirigé par le même leader depuis une décennie? Quelles sont les implications possibles en termes de politique économique et de cadre géopolitique que les investisseurs doivent intégrer?

UNE NOUVELLE DIRECTION POLITIQUE EN CHINE
  • Le 20e Congrès du parti communiste qui s’est achevé a confirmé sans surprise un troisième mandat pour Xi Jinping, mais avec un renforcement symbolique de la ligne dure au pouvoir.
  • Il consacre également un poids plus important de ses partisans dans le Bureau politique du PCC.
  • Certaines personnalités considérées comme « faucons » sur le plan diplomatique sont promus, à l’instar de Qin Gang, ambassadeur à Washington qui devient membre du comité Central, et qui pourrait prendre des responsabilités dans le domaine des affaires étrangères.
  • Les observateurs ont aussi noté un rajeunissement du bureau politique et une proportion relativement importante de nouveaux membres ayant un profil scientifique / technologique.
  • Le départ forcé de Hu Jintao a valeur de symbole et elle s’inscrit dans la continuité du discours prononcé par Xi Jinping (critique sur la direction du pays du parti à cette époque). C’est sans doute un message envoyé à quiconque chercherait à contester la ligne.
ORIENTATIONS FOURNIES EN MATIèRE DE POLITIQUE éCONOMIQUE

L’objet de ce Congrès était principalement l’évolution de la gouvernance (composition du Bureau Politique) et la confirmation de la ligne du parti. Si quelques messages ont été passés concernant les réformes en cours, les enjeux de politique économique seront plus centraux dans les sessions de printemps du parti. Les messages communiqués et la terminologie employée par Xi Jinping dans son discours de deux heures (et le rapport au Congrès qui l‘accompagne) font une place plus importante aux questions de sécurité et d’autonomie stratégique qu’aux réformes économiques et aux marchés. La question de la restructuration de l’immobilier a été adroitement éludée (mais figure dans le rapport).

LES FREINS à LA REPRISE VONT-ILS êTRE LEVéS?

L’un des freins actuels à la reprise demeure la politique zéro-COVID, qui conduit à maintenir un confinement dans près d’un tiers du pays aujourd’hui. Une partie des investisseurs espérait cette politique être levée dans la foulée du Congrès dans la mesure où ils considéraient cette politique comme une orientation personnelle de Xi Jinping et donc inamovible du moins avant le Congrès. Sur le plan sanitaire, les cas de COVID-19 continuant de progresser, un relâchement de cette politique semble improbable au cours de l’hiver selon bon nombre d’économistes et notamment selon l’équipe d’économistes Asie de CACIB. Les investisseurs devront donc attendre le printemps pour avoir plus de visibilité sur la suite des réformes et sur l’assouplissement des mesures de confinement. Pour autant, les spéculations sur un possible allègement de la politique zéro-COVID allèrent bon train début Novembre et entraînent un rebond significatif des actions chinoises. Cela reste le principal catalyseur possible d’un rebond du marché.

dynamique difficile des résultats des entreprises chinoises mais valorisation attractive

Au-delà de la correction du lundi 24 octobre le Congrès n’a pas eu un impact sectoriel majeur, même si on a pu observer une meilleure performance des secteurs domestiques ou considérés comme stratégiques (défense, sécurité, santé), en comparaison avec les actions technologiques cotées à Hong Kong. Le marché off-shore a davantage corrigé car détenu en majorité par les investisseurs internationaux, et c’est aussi ce marché qui a enregistré la meilleure performance lors du rebond du 1er novembre.

La croissance des bénéfices reste positive mais elle a ainsi été significativement amoindrie. Il reste difficile d’identifier une tendance de stabilisation à ce stade, et nous n’identifions pas de catalyseur macroéconomique susceptible d’améliorer cette tendance. Pour autant, le marché actions chinois est l’un des plus décotés au monde, et son niveau de valorisation est au plus bas depuis 2008. Dans ce contexte, si beaucoup d’investisseurs internationaux s’en sont écartés, le marché étant fortement sous-détenu, il en faut peu pour enclencher un rebond. La difficulté demeure le manque de catalyseurs fondamentaux à court terme, et le risque que les investisseurs internationaux souhaitent rester à l’écart du marché pour des raisons politiques et géopolitiques.

QUELLE POSTURE POUR LES INVESTISSEURS?

En synthèse, si on prend du recul avec ces orientations politiques qui constituent un changement de ton mais pas une vraie rupture, on peut considérer que les investisseurs doivent principalement se positionner sur l’équation économique chinoise (compliquée tant sur la croissance, l’immobilier, la politique zéro-COVID la politique économique, et les résultats d’entreprises) et sur la prime de risque géopolitique (qui devrait continuer de monter). Globalement, nous n’identifions pas de catalyseur positif à court terme sur le plan fondamental mais tout signal avéré d’assouplissement de la politique zéro-COVID doit être suivi avec attention car un marché aussi décoté peut rebondir rapidement. Nous ne considérons pas que le 20e Congrès rende la Chine non investissable mais l’ensemble de ce contexte nous rend plus prudents sur les actions chinoises que par le passé.

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