Avec un taux d'inflation de 1,6% en janvier, la Banque nationale suisse ne devrait pas craindre une évolution déflationniste, même si le franc s'apprécie.
L'économie suisse s'est remise plus rapidement que la zone euro de son déclin lié au COVID. Le taux de chômage est tombé ce mois-ci à son niveau le plus bas d'avant la pandémie et les offres d'emploi ont atteint un niveau record. Le taux de change effectif réel est plus bas qu'il y a un an. Avec un taux d'inflation de 1,6% en janvier, la BNS ne devrait pas craindre une évolution déflationniste, même si le franc s'apprécie. Nous prévoyons une première hausse des taux en septembre, que la BCE ait ou non procédé à un resserrement monétaire d'ici là.
En matière de politique monétaire, la Banque nationale suisse (BNS) se tourne habituellement vers la Banque centrale européenne (BCE), avant de s'intéresser à la situation économique de la Suisse. En 2015, c'est l'anticipation des premiers achats d'obligations de la BCE qui a conduit à l'abandon du taux de change minimal du franc et à une baisse de 0,5 point de pourcentage de son taux directeur, qui est actuellement de -0,75%. Des taux d'intérêt plus élevés en Suisse rendent les placements en francs plus attractifs et renforcent la pression à la hausse sur le taux de change. Un franc fort rend les importations moins chères. Le taux d'inflation s'est ainsi dangereusement rapproché de la déflation, ce qui a pesé sur les exportations et la balance des paiements. Des taux d'intérêt plus élevés dans l'union monétaire facilitent la tâche de la BNS, car ils limitent la pression à la hausse sur le franc. La monnaie suisse s'est déjà appréciée de près de 4% par rapport à l'euro au cours des 12 derniers mois.
Mais la BNS examine aussi la situation globale de la monnaie et pourrait être rassurée en constatant que le taux de change pondéré par les échanges commerciaux, corrigé des différences d'inflation, était inférieur de 1% à celui de janvier de l'année dernière, et proche de sa moyenne sur dix ans. Il serait donc exagéré de parler d'une charge excessive sur le secteur extérieur. De plus, ce qui est extraordinairement bénéfique, c'est que la BNS ne poursuit pas un objectif de taux de change pour lui-même, elle regarde la situation économique globale. Alors que l'union monétaire a attendu jusqu'à la fin de 2021 pour retrouver le niveau du PIB d'avant la pandémie, la Suisse l'a déjà dépassé de 1,5% au troisième trimestre de 2021. L'utilisation des capacités dans le secteur manufacturier est supérieure à la moyenne.
La croissance des crédits s'est établie à 4,5% en moyenne annuelle et les indicateurs économiques avancés, tels que les indices des directeurs d'achat, confirment une dynamique économique élevée et durable. Sans la variante omicron, l'économie serait probablement encore plus forte. En conséquence, le chômage est tombé à 2,3%, retrouvant ainsi le niveau le plus bas à long terme atteint avant la pandémie. Les offres d'emploi n'ont jamais été aussi nombreuses et les entreprises ont de plus en plus de mal à les pourvoir. Ce n'est plus un environnement dans lequel des taux directeurs négatifs sont nécessaires.
Jusqu'à présent, nous ne voyons aucun signe d'augmentation de la pression sur les salaires. Mais plus la crise en Ukraine et les prix élevés de l'énergie persistent, et plus la stratégie du zéro-COVID en Chine et la diffusion de la variante omicron entraînent des goulets d'étranglement au niveau de l'offre, plus il est probable qu'une inflation plus élevée apparaisse en Suisse. Lors de son prochain examen de la politique monétaire, la BNS ne pourra guère éviter de relever sa prévision d'inflation à court et moyen terme. Il existe également de bonnes raisons pour que la BCE resserre bientôt sa politique monétaire. L'inflation dans la zone euro est supérieure de plus de trois points et demi de pourcentage à celle de la Suisse. La BCE a annoncé qu'elle allait réduire considérablement ses achats de titres, élément déclencheur de la dernière baisse de taux de la BNS en 2015.
Il est maintenant le moment pour la BNS d'agir indépendamment de la BCE. Elle devrait préparer les marchés à une hausse des taux en été. Conformément à ce point de vue, nous avons révisé nos prévisions de la BNS et nous attendons la première hausse de taux en septembre, suivie de trois autres en 2023. Pour le franc, nous continuons de prévoir une appréciation par rapport à l'euro à 1,02 fin 2022 et à 1,0 fin 2023.