L’évolution des taux sera décisive pour les marchés d’actions

Yves Hulmann

2 minutes de lecture

Pour Karsten Junius de J. Safra Sarasin, l’absence de plans de relance de grande ampleur sera défavorable aux cycliques mais profitera aux géants de la tech.

L’absence de vainqueur absolu au lendemain de l’élection présidentielle américaine et l'attente de résultats définitifs sont l’un des scénarios que les investisseurs redoutaient le plus. Pourtant, mercredi les bourses clôturaient en forte hausse des deux côtés de l’Atlantique. En Suisse, l’indice SMI terminait en hausse de 2,8%, porté par les valeurs pharmaceutiques, tandis qu’à New York l’indice élargi du S&P 500 gagnait 2,21% et le Nasdaq s’envolait de 3,85% grâce au fort rebond des géants de la tech. Comment expliquer cette réaction des marchés? Le point avec Karsten Junius, chef économiste chez J. Safra Sarasin.

Malgré l’incertitude qui a persisté au sujet de l’issue du vote tout au long de la journée de mercredi, les marchés d’actions ont clôturé en forte hausse hier après-midi en Europe et ils continuaient de progresser outre-Atlantique en soirée. On entend pourtant souvent dire que les marchés ont horreur de l’incertitude. Comment expliquer la bonne performance des actions mercredi?

Le fort rebond des marchés d’actions mercredi est à replacer dans le contexte du repli des taux d’intérêt à long terme aux Etats-Unis. Quand les taux baissent, cela soutient les marchés des actions, de manière presque mécanique. S’agissant des marchés aux Etats-Unis, la forte hausse des indices a été portée par l’envolée des valeurs technologiques. 

«Compte tenu des tensions énormes entre les deux camps, je crains que le système
politique américain devienne réellement dysfonctionnel en situation de ‘pat’».

L’indice Nasdaq 100 a rebondi de plus de 4%, tandis que des titres tels qu’Alphabet, Amazon ou Facebook ont même progressé de plus de 6%, voire de 7% mercredi. A l’inverse, les valeurs bancaires ont moins bien réagi, tout comme les cycliques. Ici aussi, cette réaction est à replacer dans le contexte de l’évolution des taux. Jusqu’au début de cette semaine, certains investisseurs pariaient sur une «vague bleue», soit une claire victoire des démocrates qui auraient favorisé la mise en œuvre de plans de relance importants, susceptibles à leur tour de faire remonter les taux d’intérêt. Or, c’est l’inverse qui s’est produit durant la journée de mercredi.

Comment voyez-vous aujourd’hui les chances pour de tels plans de relance. Même s’ils remportent l’élection présidentielle, les démocrates ne devront-ils pas revoir à la baisse leurs projets?

Evidemment, des mesures de relance budgétaire, ou « fiscal stimulus » comme on l’appelle aux Etats-Unis, auraient contribué à soutenir les investissements dans toutes sortes de domaine, entraînant aussi une hausse des taux. Désormais, les marchés doutent de l’ampleur de tels plans de relance, les taux sont redescendus, ce qui a profité aux marchés des actions.

Un résultat très serré de l’élection présidentielle est-il forcément une mauvaise chose pour l’économie et les marchés? Certaines études historiques indiquent plutôt qu’un partage du pouvoir – par exemple, avec un président républicain et un Congrès aux mains démocrates, ou l’inverse – est une situation qui a plutôt profité aux marchés?

Effectivement, par le passé, de telles situations de partage du pouvoir entre les deux camps n’ont de loin pas été mauvaises pour l’économie. Maintenant, dans la situation actuelle et compte tenu des tensions énormes entre les deux camps, je crains que le système politique américain devienne réellement dysfonctionnel en situation de « pat » qui se prolongerait et qu’il ne soit tout simplement plus possible d’avancer sur des sujets importants au niveau politique. Par exemple, concernant les plans de relance, les deux camps souhaitent certes de tels programmes mais ils n’arrivent tout simplement pas à s’entendre sur ce sujet.

«En l’absence de ‘vague bleue’ mercredi, les titres
de Novartis et de Roche s’inscrivaient en forte hausse.»
Si l’on part de l’hypothèse que le camp démocrate finisse par l’emporter, quels secteurs en profiteront et quelles branches seraient à l’inverse pénalisées? 

En cas de victoire du camp démocrate, les attentes concernant les plans de relance seront plus élevées, favorisant ainsi une remontée des taux d’intérêt, ce qui profiterait alors aux valeurs cycliques. En revanche, une victoire démocrate mettrait sous pression les valeurs pharmaceutiques.

Y compris Novartis et Roche en Suisse?

Oui. A ce sujet, on peut du reste observer qu’en l’absence de «vague bleue» mercredi, ces deux titres s’inscrivaient hier en forte hausse. Lonza, Roche et Novartis sont les titres qui ont le plus progressé sur l’indice SMI mercredi.

Et en cas de victoire des républicains, quels secteurs pourraient en profiter?

Les entreprises du secteur de la santé, comme on l’a déjà évoqué, mais aussi les valeurs technologiques et celles du secteur de l’énergie, notamment.

A lire aussi...