La BCE freine l’assouplissement monétaire

Arthur Jurus, ODDO BHF

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La posture de politique monétaire devient clairement accommodante, ce qui incite à ralentir le rythme des baisses.

 

La BCE a procédé à une nouvelle baisse de son taux de dépôt, se rapproche peut-être de la fin d’un cycle de baisse, mais pas de l’incertitude. Ce jeudi, la Banque centrale européenne a réduit son taux de dépôt de 25 points de base, le ramenant à 2,00%. Il s’agit de la huitième baisse depuis juin 2023, pour un assouplissement cumulé de 200 points de base. Si cette décision était attendue, elle pourrait bien marquer la dernière étape du cycle actuel, alors que les incertitudes économiques persistent.

La stabilité des prévisions de croissance masque en réalité une dégradation sous-jacente de la conjoncture. En maintenant sa prévision de croissance à 0,9% pour 2024, la BCE s’écarte du consensus qui anticipait un affaiblissement plus net. Ce chiffre cache un profil en réalité dégradé, où la bonne surprise du premier trimestre — soutenue par des exportations vers les États-Unis — masque une faiblesse croissante attendue au second semestre.

Malgré des prévisions d’inflation sous la cible pour les trois années à venir, la présidente Lagarde a laissé entendre qu’une pause était probable en juillet.

La révision à la baisse des perspectives d’inflation confirme une dynamique désinflationniste bien ancrée. La BCE a revu ses projections d’inflation à 2,0% pour 2025 et 1,6% pour 2026, contre respectivement 2,3% et 1,9% précédemment. Cette révision reflète la baisse des prix de l’énergie, un euro plus fort et une faiblesse persistante des prix à l’importation. Même l’inflation des services, longtemps résistante, devrait ralentir, sous l’effet du repli des salaires et d’un marché du travail moins tendu.

La posture de politique monétaire devient clairement accommodante, ce qui incite à ralentir le rythme des baisses. Malgré des prévisions d’inflation sous la cible pour les trois années à venir, la présidente Lagarde a laissé entendre qu’une pause était probable en juillet. À plusieurs reprises, elle a affirmé que la BCE est désormais «bien positionnée pour naviguer dans l’incertitude», laissant entendre que le gros du cycle d’assouplissement est derrière nous.

Les risques économiques, en particulier sur la croissance, appellent à la prudence. L’industrie et les services ralentissent simultanément, avec des PMI en contraction. Les exportations souffrent de la fin du sursaut de demande américaine, l’investissement est freiné par l’incertitude géopolitique, et les ménages se montrent prudents, préférant épargner. L'absence de véritable relance budgétaire dans la zone euro accentue la fragilité de la reprise.

Les implications pour les marchés obligataires plaident pour une poursuite de la détente, avec des arbitrages à faire entre pays. Nous anticipons un taux de dépôt à 1,75% d’ici fin 2025, soit légèrement au-dessus des anticipations de marché (1,6%). En zone euro, les Bunds allemands devraient se stabiliser autour de 2.8%, tandis que les Bonos espagnols offrent un meilleur couple rendement/risque que les OAT françaises, pénalisées par les déficits et l’instabilité politique. Nous sommes ainsi surpondérés sur les obligations de la périphérie européenne. Sur le marché des changes, l’euro devrait poursuivre son appreciation à 6 mois face au dollar.

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