Vers un retour de l’inflation américaine à 3%?

Arthur Jurus, ODDO BHF

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L’expérience de la guerre commerciale de 2018-2019 montre que l’impact des tarifs douaniers sur les prix est différé.

L’inflation américaine donne l’illusion d’une pause, mais les tensions s’accumulent. En avril, le CPI n’a progressé que de 0,2% et l’inflation annuelle est redescendue à 2,3%, un chiffre inférieur aux attentes. Pourtant, cette accalmie repose sur des facteurs transitoires: les nouveaux tarifs douaniers imposés par l’administration Trump n’ont pas encore produit leurs effets. Leur mécanique inflationniste est pourtant bien enclenchée.

L’expérience de la guerre commerciale de 2018-2019 montre que l’impact des tarifs sur les prix est différé. A court terme, seules 3 à 10% des hausses de coûts se reflètent dans les prix à la consommation. Mais après 12 à 24 mois, entre 75 et 88% des surcoûts sont finalement transmis, selon les estimations de Cavallo et al. Les entreprises absorbent initialement le choc via les marges ou les stocks, mais finissent par répercuter les hausses.

Les signaux avancés sont déjà visibles: en avril, l’indice ISM des prix payés dans les services a atteint 65,1, un sommet depuis janvier 2023. Dans l’industrie, 85% des secteurs rapportent une hausse des coûts. Le Beige Book confirme que les entreprises s’attendent à relever leurs prix pour compenser l’impact des nouveaux droits de douane.

Ce qui change aujourd’hui, c’est la disparition des forces désinflationnistes extérieures.

L’épisode des tarifs sur les machines à laver en 2018 l’illustre bien: les prix ont bondi de 12 % en trois mois. A l’inverse, les hausses tarifaires sur l’acier ou l’aluminium ont mis plus de temps à se transmettre, mais ont fini par affecter les biens de consommation intermédiaires comme les voitures ou les appareils électroménagers.

Ce qui change aujourd’hui, c’est la disparition des forces désinflationnistes extérieures. La Chine n’exporte plus de déflation comme en 2022-2023, et les tarifs, même réduits dans certains cas, restent à des niveaux historiquement élevés. Les biens concernés – électronique, habillement, biens semi-durables – sont essentiels au panier du consommateur américain.

En parallèle, l’inflation des services restera soutenue. Peu exposés à la concurrence internationale, ces services reflètent directement les tensions salariales. Celles-ci persistent avec une croissance des salaires supérieure à 4%, accentuée par une politique migratoire restrictive qui limite l’offre de travail. Même si la demande ralentit, les coûts structurels restent élevés.

La Fed, selon les anticipations du marché, ne devrait réduire ses taux que marginalement. Elle a prévenu qu’elle ne réagirait pas aux fluctuations ponctuelles mais observerait la dynamique de fond – laquelle s’oriente à nouveau vers le haut, portée par les tarifs, les salaires et la fin d’un cycle désinflationniste mondial.

Sous la surface, la pression augmente donc. Le scénario d’un retour de l’inflation américaine vers 3% d’ici la fin de l’année est désormais crédible. Le choc tarifaire agit comme un relèvement durable du niveau des prix, dont les effets vont progressivement apparaître.

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