Un resserrement trop agressif plongerait la zone euro en récession économique et augmenterait le risque de fragmentation financière.
La BCE s’apprête à accélérer le resserrement de sa politique monétaire. Christine Lagarde annoncera la fin de son programme d’achats d’actifs (APP) ainsi qu’une hausse des taux de 25 points de base en juillet, au moins. D’autres hausses de taux devraient suivre en 2022 mettant ainsi fin à l’ère des taux nominaux négatifs en zone euro. Nous attendons un taux directeur à 1,50% fin 2023. Les investisseurs anticipent quant à eux un taux cible de 1,30% fin 2022 et de 2% en avril 2023, reflétant la possibilité de hausses de taux de 50 points de base au cours des prochains mois. Il est également important de noter que le resserrement de politique monétaire s’effectue aussi via d’importants remboursements anticipés des opérations de refinancement ciblées à plus long terme (TLTRO) dès ce mois de juin. Le changement de posture attendu de la BCE a entrainé une appréciation de l’euro de 3,5% face au dollar et une hausse de 50 points de base du taux 10 ans allemand depuis mi-mai.
Les données d’inflation de mai ont très largement accentué la pression de la BCE. Le taux d’inflation en zone euro a atteint 8,1% en glissement annuel contre 7,4% en avril, et le taux d’inflation sous-jacente (hors énergie et produits alimentaires), 3,8% contre 3,5% en avril. La croissance des prix s’accélère ainsi dans la plupart des catégories de biens et services. L’inflation se hisse à 7,9% en Allemagne, 8.7% en Espagne, 6,9% en Italie et 5,2% en France. Le maintien de la dynamique haussière des prix dépend en grande partie de l’évolution des salaires. L'indicateur des salaires négociés collectivement suggère déjà une tendance à la hausse des salaires au premier trimestre 2022 (+2,8% en glissement annuel, contre 1,6% au dernier trimestre 2021). L'effet de signal viendra probablement de l'Allemagne, où d'importantes négociations collectives sont prévues.
Le durcissement monétaire de la BCE sera néanmoins progressif, en raison de deux risques majeurs. En premier lieu, un resserrement trop agressif plongerait la zone euro en récession économique, le rythme de croissance étant déjà relativement faible. La croissance économique est d’ores et déjà pénalisée par (i) le choc des prix de l'énergie et la perte de pouvoir d'achat qui s'ensuit, et (ii) une demande extérieure plus faible. En second lieu, un resserrement trop marqué augmenterait le risque de fragmentation financière, soit une hausse des rendements obligataires des pays périphériques de la zone euro plus importante qu’en Allemagne. Les taux 10 ans italiens ont déjà augmenté de 200 points de base depuis le début de l’année. Certains membres du Conseil des gouverneurs ont explicitement demandé à la banque de mettre en place un instrument qui lui permettrait d'empêcher une telle divergence des rendements obligataires, si nécessaire. Ces risques de récession économique et de fragmentation financière influenceront le rythme et l’ampleur du resserrement monétaire. Sur ces sujets, les précisions de Christine Lagarde lors de la conférence de presse seront attendues.