BCE: de la parade à la riposte

Arthur Jurus, ODDO BHF

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Jusqu'à présent, la seule mesure concrète de la BCE est la fin des nouveaux achats d'actifs dans le cadre du programme d'urgence pandémie (PEPP) en mars.

Il est acquis que les politiques monétaires des banques centrales deviendront plus restrictives en 2022. Début mai, la Réserve Fédérale annoncera une hausse de son taux directeur de 50 points de base et une réduction annuelle de la taille de son bilan équivalente à 1100 milliards de dollars soit 12% de ses actifs. Les investisseurs anticipent dorénavant un taux directeur d’au moins 2,50% en fin d’année. Dans le reste du monde, le durcissement des conditions monétaires s’est poursuivi ces deux derniers mois par des hausses de taux de 25 (Royaume-Uni, Corée du Sud, Norvège), 50 (Canada, Nouvelle-Zélande), 100 (Brésil, Pologne, Ukraine) à 1050 points de base (Russie).

En zone euro, le changement de cap est beaucoup plus progressif. Jusqu'à présent, la seule mesure concrète de la Banque Centrale Européenne est la fin des nouveaux achats d'actifs dans le cadre du programme d'urgence pandémie (PEPP) en mars. Ceux liés au programme traditionnel (APP) pourraient également prendre fin prochainement pour ouvrir la voie à une hausse des taux d’intérêt. Il n'y aura donc pas de réduction du bilan de la BCE. En outre, la proposition de Joachim Nagel (Bundesbank) de mettre fin précocement aux achats d’actifs a déjà fait son chemin: Luis de Guindos (vice-président) soutient désormais celle-ci dès le mois de juillet pour augmenter le taux directeur en septembre 2022 au plus tard.

Ce durcissement poussif des conditions monétaires s’explique par les chocs d’offre qui placent la BCE devant un dilemme. Si le taux augmente trop vite pour lutter contre l'inflation, alors l’activité économique pourrait fortement ralentir et éventuellement entrer en récession. Si, au contraire, la BCE tente de préserver la croissance économique, alors elle risque de consolider l'inflation. Il n'existe pas de thérapie monétaire indolore face au choc d'offre actuel. Un contexte qui a conduit le Fonds monétaire international a abaisser ses attentes de croissance en zone euro à 2,8% (-1,1 point), et en Allemagne à 2,1% (-1,7pt). La banque centrale est désormais contrainte d’arbitrer entre les coûts macroéconomiques potentiels de ses décisions de politique monétaire.

Une politique monétaire encore plus restrictive en zone euro ne devrait néanmoins pas être exclue pour trois raisons. D’une part, les prévisions de la BCE concernant le taux directeur restent inférieures à celles des investisseurs qui anticipent une hausse du taux de dépôt de 50 points de base. D’autre part, l’inflation atteint déjà 7,5% et se maintiendrait au-dessus des 4% en fin d’année selon Luis de Guindos. Cela signifie que les conditions monétaires resteront trop accommodantes en termes réels et leur durcissement trop modeste en comparaison avec les Etats-Unis. Enfin, un taux d’inflation durablement élevé en zone euro est plus probable selon Isabel Schnabel (membre du directoire) en raison de l'environnement économique (dynamique de la  demande, adaptation aux problèmes de la chaîne d'approvisionnement, démographie), politique (mesures de politique climatique), et géopolitique (conflit en Ukraine).

Par conséquent, le risque de hausse des taux persiste en zone euro. L’objectif de soutenabilité de la dette publique des États contraindra la BCE à cibler ses réinvestissements sur les pays les plus vulnérables aux hausses des taux. Nous maintenons ainsi une sous-pondération sur les obligations souveraines européennes, et une vigilance plus importante sur celles de la périphérie.

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