L’inflation ne meurt jamais

Arthur Jurus & Cécile Buchholz, ODDO BHF

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Il semble que la convergence vers l'objectif des 2% soit envisageable à moyen terme. Dans l’attente, il reste encore beaucoup à faire, surtout en Europe.

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Les taux d'inflation sont restés élevés ces derniers mois, mais les données du mois de mars suscitent l'espoir. Il semble que la convergence vers l'objectif d'une inflation de 2% soit envisageable à moyen terme. Dans l’attente, il reste encore beaucoup à faire avant d'atteindre l'objectif surtout en Europe.

En Suisse, l'inflation sous-jacente est passée de 2,4% en février à 2,2% sur un an en mars. Le taux d'inflation total est passé de 3,4% à 2,9%, alors que l'on s'attendait à 3,2%. Contrairement au mois de février, où l'inflation avait été dominée par la hausse des coûts de l'énergie, ce sont surtout les prix des denrées alimentaires et des transports qui ont pesé sur les épaules des consommateurs en mars. Selon Thomas Jordan, président de la BNS, les pressions inflationnistes en provenance de l'étranger se sont de nouveau accrues. Avec +3,8%, les biens importés sont restés nettement plus chers en mars 2022.

Afin d'atténuer l'inflation importée, la BNS a délibérément laissé le franc suisse s'apprécier l'année dernière en vendant des réserves de devises étrangères, notamment au quatrième trimestre avec la vente de devises étrangères pour une valeur d’environ 27 milliards de francs. Selon M. Jordan, «la BNS vendra également des devises étrangères à l'avenir si cela est approprié du point de vue de la politique monétaire». En cas de pression excessive à l'appréciation du franc suisse, la BNS resterait également disposée à acheter des devises étrangères si cela s'avérait nécessaire. Cela signifie que la BNS utilise deux méthodes pour lutter contre l'inflation: la vente de réserves de change et l'augmentation du taux d'intérêt directeur.

La divergence entre les hypothèses des investisseurs et les signaux des banquiers centraux est une source d'inquiétude.

Cependant, l'inflation n'a pas seulement diminué en Suisse, mais aussi dans la zone euro et aux Etats-Unis. Dans la zone euro, le taux d'inflation annuel a baissé plus que prévu, passant de 8,5% à 6,9%, alors que les prévisions tablaient sur 7,1%. Les taux d'inflation ont baissé dans presque tous les États membres, bien qu'il y ait eu des différences selon les pays. Si la baisse de l'inflation a été particulièrement forte en Espagne (de 6% en février à 3,1% en mars), elle a été moins prononcée en France (de 7,3% à 6,6%) et en Allemagne (de 8,7% à 7,4%). Les variations significatives entre les Etats membres s'expliquent notamment par les différentes interventions des gouvernements pour protéger les consommateurs contre la hausse des coûts, les effets de base et la pondération du panier de biens. Comme en Suisse, c'est surtout l'alimentation qui a fait grimper l'inflation dans la zone euro, tandis que l'inflation de base dans la zone euro a atteint le niveau record de 5,7%, sous l'effet de la hausse des prix dans le secteur des services.

Aux Etats-Unis, l'inflation annuelle et l'inflation de base sont tombées respectivement à 5,0% et 4,6%, soit plus que prévu. L'inflation et l'inflation sous-jacente ont été tirées en particulier par la hausse des loyers, qui ont augmenté de 8,1% en glissement annuel. Etant donné que le panier de biens pris en compte pour le calcul du taux d'inflation pondère les coûts du logement à 23% et que la méthode de calcul de l'inflation sous-jacente prend en compte les coûts du logement à 43%, il faut s'attendre à ce que le taux d'inflation sous-jacente dépasse le taux d’inflation prochainement.

Malgré les signaux inflationnistes positifs en mars, les banques centrales ont encore un long chemin à parcourir pour atteindre l'objectif d'inflation de 2%. La BNS prévoit un niveau d'inflation de 2,6% en 2023, l'objectif de 2,0% devant être atteint à nouveau en 2024. La BCE s'attend à ce que l'inflation globale passe sous la barre des 3,0% à la fin de 2023 et se stabilise à 2,9% en 2024, avant de redescendre à l'objectif d'inflation de 2,0% au troisième trimestre 2025 et à 2,1% en moyenne annuelle. Aux Etats-Unis aussi, la barre des 2% ne sera probablement approchée que de loin en 2023.

Même avant la publication des données sur l'inflation de mars, les investisseurs estimaient qu'il n'y aurait pas de nouvelles hausses de taux, mais des baisses de taux jusqu'à la fin de 2023 aux Etats-Unis et en Europe. Après la publication des données sur l'inflation en mars, cette hypothèse pourrait être renforcée, malgré les signaux toujours restrictifs envoyés par les banquiers centraux. Powell a même déclaré qu'il ne s'attendait pas à des baisses de taux d'intérêt. La divergence entre les hypothèses des investisseurs et les signaux des banquiers centraux est une source d'inquiétude, car les instabilités financières aux Etats-Unis trouvent également leur origine dans la sous-estimation de la hausse soudaine des taux d'intérêt.

Les taux d'intérêt élevés restent un risque, non seulement pour les banques qui ont des pertes non réalisées dans leur portefeuille d'obligations, mais aussi pour les entreprises endettées et en particulier le secteur immobilier. Par conséquent, les banques centrales, mais aussi l'économie en général, seraient soulagées si la baisse de l'inflation n'était pas seulement due à l'effet de base, mais continuait à baisser au cours du mois à venir.

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