Jours de turbulence dans le secteur bancaire

Arthur Jurus, ODDO BHF

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SVB a été victime d’un pari risqué sur des taux d'intérêt durablement bas. Pour Credit Suisse, c'est la faible rentabilité et une série de problèmes de gouvernance qui ont conduit à son rachat.

Les hausses de taux d'intérêt des banques centrales laissent des traces. L'effondrement de la banque californienne Silicon Valley la semaine dernière a réveillé les souvenirs de la crise financière de 2008. Les investisseurs sont alarmés et la méfiance envers les banques est grande. Ce week-end, la banque suisse Credit Suisse s'est également retrouvée sous les feux croisés des marchés avant d’être rachetée par l’UBS. Les deux cas sont peu comparables.

La Silicon Valley Bank (SVB) était spécialisée dans les affaires avec les start-up de la Silicon Valley. La hausse des rendements obligataires l'année dernière a entraîné des pertes importantes pour la SVB, même si elles n'étaient pas réalisées dans un premier temps. Fin 2022, la SVB avait investi 91 milliards de dollars dans des obligations détenues jusqu'à l'échéance, appelées «hold to maturity». Pour ces dernières, elle affichait des pertes de plus de 15 milliards de dollars pour 2022. Lorsque les dépôts ont commencé à diminuer, la banque a dû liquider des portefeuilles d'obligations, en subissant parfois de lourdes pertes. Le processus s'est accéléré lorsqu'une augmentation de capital a été nécessaire en raison de ces ventes forcées. Des déposants ont alors retiré 42 milliards de dollars en seulement deux jours - un «bank run» classique. L'augmentation de capital a échoué. Le 10 mars, l'autorité américaine de surveillance des banques a fermé la Silicon Valley Bank et l'a placée sous le contrôle de l'autorité de garantie des dépôts.

Pour le Credit Suisse, la situation est nettement différente. Mardi 14 mars, Credit Suisse a annoncé une perte de 7,3 milliards de francs en 2022 et 110 milliards de retraits de fonds pour le seul quatrième trimestre 2022. Mercredi 15, la Saudi National Bank, principal actionnaire du groupe, a précisé ne pas vouloir augmenter sa participation au capital: le cours est passé sous les 2 francs. Jeudi 16, Credit Suisse accepte un prêt de 54 milliards de la Banque nationale suisse puis une garantie de liquidité de 100 milliards de francs par la Fédération Suisse. Vendredi 17, l’action a perdu 17% sur la semaine, 60% en 6 mois et 88% en 5 ans. UBS entame des pourparlers avec Credit Suisse pour un rachat total ou partiel. Dimanche, le conseil fédéral annonce le rachat de Credit Suisse par l’UBS pour éviter des conséquences «incalculables pour le pays et les places financières mondiales» selon le président de la confédération Alain Berset.

Les deux cas sont très différents. Dans le cas de la Silicon Valley Bank, un pari risqué sur des taux d'intérêt durablement bas a conduit à l'effondrement. Chez Credit Suisse, c'est sans doute la faible rentabilité et une série de problèmes de gouvernance qui, dans un contexte économique plus difficile, ont conduit au rachat par l’UBS.

Nous sommes convaincus que la situation actuelle n'est pas comparable à la crise financière de 2008/2009. Selon nous, la probabilité d'une crise bancaire de grande ampleur est actuellement faible. Mais la situation devrait rester agitée, notamment dans un contexte de hausse continue des taux d'intérêt des banques centrales. Malgré les tensions actuelles, la BCE a maintenu la hausse annoncée et a augmenté les taux directeurs de 50 points de base. Ce jeudi, la BNS pourrait également poursuivre son durcissement monétaire dans la même ampleur.

Les récents développements nous confortent dans certaines idées importantes en matière d’investissement. D'une part, nous avons maintenu un positionnement neutre dans le domaine des actions malgré l'ambiance favorable et l'optimisme conjoncturel en janvier et février. D'autre part, nous nous sentons confortés dans notre focalisation sur la qualité. Bien que nous ayons diversifié plus largement, nous sommes nettement sous-pondérés dans le secteur bancaire en raison de notre prudence concernant la qualité.

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