L’Indonésie après les élections

Daryl Liew, REYL

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L’économie est clairement en meilleure forme après la mise en œuvre des réformes, mais les contraintes extérieures s’intensifient.

Le 17 avril, près de 80% des 187 millions d’électeurs indonésiens remplissant les conditions requises se sont présentés pour voter, sans doute, lors de l’une des plus grandes élections sur une journée dans le monde. Les résultats définitifs doivent être annoncés d’ici au 22 mai, mais selon les chiffres du 15 mai, avec 83 % des suffrages dépouillés, le président sortant Joko Widodo («Jokowi») a une nette avance (56% contre 44%) sur son adversaire Prabowo Subianto. C’est plus que les estimations effectuées par les grands instituts de sondage qui faisaient gagner Jokowi avec une avance de 9-10%. 

Contrairement à l’élection du gouverneur de Djakarta en 2017, qui a été très conflictuelle d’un point de vue religieux et ethnique (le gouverneur sortant Basuki Tjahaja Purnama «Ahok», chrétien d’origine chinoise, a non seulement perdu l’élection, mais a aussi été emprisonné pour blasphème), les élections de 2019 ont été relativement pacifiques et sans incident. Cela pourrait toutefois changer, car M. Prabowo semble refuser de se rendre à l’évidence, sous prétexte d’une fraude électorale. Il avait par ailleurs utilisé ce même scénario lors des élections de 2014, lorsqu’il s’est présenté contre Jokowi et il avait perdu contre lui. Il y a cinq ans, ses demandes ont été rejetées à l’unanimité par les Cours constitutionnelles, qui ont jugé que le truquage présumé des votes était mineur et n’affectait pas les résultats globaux. Avec cette défaite passée, il est peu probable que M. Prabowo perde à la fois du temps et de l’argent dans un recours similaire cette fois-ci.

Jokowi devrait pouvoir aller de l’avant et s’attaquer aux problèmes structurels.

Si les élections se concluent rapidement et pacifiquement, Jokowi pourra aller de l’avant et s’attaquer aux problèmes structurels qui affligent le quatrième pays le plus peuplé du monde. Gouverner un pays comme l’Indonésie, si vaste et politiquement factieux, n’est pas chose facile. Jokowi risque d’être paralysé par la nécessité d’équilibrer les intérêts de tous ses partenaires de coalition. En tant que tel, le scénario le plus probable est sans doute la poursuite des réformes progressives plutôt que celles structurelles qui s’imposent. 

Bien que Jokowi n’ait pas atteint l’objectif de croissance du PIB de 7% qu’il s’était fixé lors de son premier mandat, l’économie indonésienne est clairement en meilleure forme après la mise en œuvre des réformes économiques. Cela est manifeste car la notation de crédit de l’Indonésie a été relevée à la catégorie «investment grade» par les trois agences de notation de crédit, ce qui s’est traduit par de meilleurs fondamentaux économiques. L’Indonésie a également gravi les échelons de l’indice Ease of Doing Business de la Banque Mondiale, qui est passé de 120 en 2014 à 73 aujourd’hui, sur la réglementation des permis de travail.

La consommation intérieure a été vigoureuse en 2019.

Il reste certes encore beaucoup à faire, d’autant plus que les contraintes extérieures s’intensifient. La croissance du PIB de l’Indonésie au premier trimestre s’est établie à 5,07%, plus faible que prévu, mais relativement résistante compte tenu de l’environnement extérieur négatif. L’Indonésie reste dépendante des exportations de matières premières et la chute des exportations de pétrole et de gaz a été la principale raison pour laquelle le déficit commercial d’avril a atteint 2,5 milliards de dollars, le plus important depuis juillet 2013. La montée des tensions commerciales et l’affaiblissement du sentiment des investisseurs ont provoqué des sorties de capitaux, mettant la Rupiah sous pression ces derniers mois. La banque centrale a dû maintenir les taux d’intérêt à 6%, tout en révisant les estimations du déficit du compte courant pour 2019 à 2,5-3%. Elle a également été contrainte de relever ses taux de 175 points de base en 2018 pour endiguer les sorties de capitaux et pourrait être forcée à maintenir cette position plus ferme en raison de la fragilité relative de la situation des marchés externes à l’Indonésie.

Entre-temps, la consommation intérieure a été vigoureuse en 2019. Les subventions sur les carburants et sur l’électricité ont permis de contenir l’inflation et de soutenir la consommation privée, tandis que les initiatives de financement préélectoral ont également stimulé les dépenses (+5% annuel). Cela pourrait toutefois s’inverser l’année prochaine, si ces mesures de relances diminuent et si les subventions sur les carburants doivent être réduites, notamment dans le cas où les prix du pétrole restent élevés. Il est à espérer que les conditions du marché mondial se seront améliorées d’ici là, sinon Jokowi aura un autre défi à relever.

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