L’année qui nous aura appris à vivre avec le COVID

Steven Bell, BMO Global Asset Management

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Naviguer les contre-courants de 2021 s’est révélé être un exercice périlleux pour les investisseurs.

©Keystone

La quatrième vague de la pandémie de COVID-19 et le variant Omicron sont les grands protagonistes de cette fin 2021. Or, si le nombre de cas signalés dans le courant de cette année est bien plus élevé que l’année dernière, l’impact de la pandémie sur le PIB mondial est descendu à un niveau pratiquement insignifiant: 2% aujourd’hui, selon les estimations de Goldman Sachs, contre 20% aux pires heures de la crise sanitaire. 

Là où les restrictions ont été renforcées, comme en Europe, ces dernières ont été moins sévères qu’en 2020 et ont eu impact économique moindre. Le monde a appris à vivre avec la pandémie. Mais, si son impact sur le PIB mondial est faible, le COVID a tout de même remodelé d’autres aspects de l’économie mondiale à travers les réponses fiscales et monétaires massives qu’il a provoquées. Les réseaux de transport ont été mis à rude épreuve et ont parfois atteint leur point de rupture. L’inflation sur les marchés développés atteint des niveaux inédits depuis des décennies. Et bien que la reprise du marché de l’emploi ait été remarquable, la plupart des pays ont vu une réduction de l’offre globale en main d’œuvre et de l’immigration. 

La priorité climatique

Le changement climatique continuera d’exercer une influence considérable sur les marchés financiers et la vie en général, et ce longtemps après que le COVID aura perdu de son importance en tant que problème macroéconomique. En novembre dernier, la ville de Glasgow a accueilli le sommet de la COP26. A sa veille encore, le monde était sur la voie d’un réchauffement de 2,7°C. Une fois le sommet achevé, ce chiffre a été abaissé à environ 2,4°C. Les pays ont convenu de revoir leurs objectifs lors de la COP qui aura lieu en 2022, en Egypte, plutôt que d’attendre 2025. Mais on reste encore bien loin de l’objectif de 1,5°C. 

La COP26 a mis en évidence le rôle de plus en plus important joué par le secteur privé dans le renforcement des ambitions climatiques.

Si le sommet n’aura pas été à la hauteur de tous les espoirs, il a pu donner lieu à certaines avancées importantes. Les principaux pays émergents, notamment l’Inde et le Nigeria, ont pris des engagements ambitieux. Des signaux convaincants ont été envoyés aux marchés mondiaux concernant l’élimination progressive des véhicules à moteur à combustion interne et des combustibles fossiles. Et l’adoption d’un règlement régissant les marchés internationaux du carbone devrait favoriser, à l’avenir, à la fois la confiance et l’activité sur ces marchés. Enfin, le sommet a mis en évidence le rôle de plus en plus important joué par le secteur privé dans le renforcement des ambitions climatiques. Un rôle mis en avant notamment par la Glasgow Financial Alliance for Net Zero qui réunit des acteurs financiers du monde entier, pesant plus de 130’000 milliards de dollars, engagés en faveur du Net Zéro.

Turbulences sur les marchés

Naviguer ces contre-courants s’est révélé un exercice périlleux pour les investisseurs. Ceux qui avaient le plus bénéficié du boom du télétravail se retrouvent désormais à des niveaux bien en-deçà de leurs records. Le Citi Global Stay at Home Basket est inférieur de 21% par rapport à son pic de février, Zoom Video Communications est en baisse de 56%, Peloton Interactive de 73%, Roku de 47% et Just Eat Takeaway de 52%. 

En ce qui concerne les classes d’actifs classiques, les actions des marchés développés ont connu une forte augmentation et ont même surpassé les actions et obligations des marchés émergents. Les rendements dans le secteur de la technologie, tels que mesurés par le Nasdaq ou les Gafam, se sont relativement peu démarqués de ceux des actions plus conventionnelles sur les marchés développés. Cela masque cependant des divergences importantes au cours de l’année. L’indice MSCI World Small Cap a surperformé au premier trimestre mais est maintenant inférieur de 4% aux indices MSCI World Mid et Large Cap. La surperformance à long terme des petites capitalisations a été faussée par les rebonds initiaux, surdimensionnés, des marchés haussiers. La livre sterling ayant peu varié par rapport à l’euro ou au dollar, les taux de change n’ont eu qu’une incidence marginale sur les rendements des investisseurs britanniques. La faiblesse du yen, en revanche, a nui aux rendements non couverts des actions japonaises. 

Le concept de «valeur refuge» ne semble pas devoir coller bien longtemps à la peau du bitcoin et de ses dérivés.

Sur le front du marché obligataire, les titres protégés contre l’inflation se sont révélés être la meilleure option. Les obligations d’Etat classiques ont généré des rendements négatifs sur la plupart des marchés et les obligations de longue durée, malgré une année très volatile et un redressement récent, ont généré, elles aussi, des rendements généralement négatifs. Les obligations d’entreprise ont mieux performé mais de très peu. Les matières premières ont, elles, généré des rendements élevés mais l’or s’est montré particulièrement mauvais élève. Et ce, malgré la hausse de l’inflation et des taux d’intérêts réels négatifs. Certains commentateurs suggèrent que le bitcoin aurait remplacé l’or comme valeur refuge. Mais le concept de «valeur refuge» ne semble pas devoir coller bien longtemps à la peau du bitcoin et de ses dérivés. 

Surprises et déceptions

Cette évolution des rendements peut facilement être attribuée aux données macroéconomiques fondamentales. La croissance économique a fortement surpris à la hausse sur les marchés développés alors que les prévisions avaient déjà ouvert l’année avec optimisme, encouragées par les promesses des vaccins. La croissance dans les pays émergents, et notamment en Chine, a été en revanche décevante. La crise du secteur immobilier semble devoir jeter une ombre à moyen terme sur les performances économiques chinoises même si des mesures de soutien ciblées sont désormais mises en œuvre. 

Cette forte croissance des marchés développés s’est répercutée sur les bénéfices des entreprises, qui ont ainsi dépassé les estimations des analystes de manière spectaculaire. En 2021, la croissance des bénéfices devrait atteindre 51% aux Etats-Unis, 52% en Europe continentale et 83% au Royaume-Uni. 

L’inflation s’est également révélée plus forte que prévu et a ainsi nui aux rendements obligataires même si les banques centrales de la plupart des pays industrialisés ont maintenu leurs taux et leurs programmes agressifs de rachats d’obligations. Les attentes en matière de hausse des taux d’intérêt pour 2022 ont augmenté et la Fed a finalement abandonné le terme «transitoire» pour décrire la dynamique inflationniste. Elle a également indiqué prévoir une accélération de la réduction de ses rachats d’obligations. Dans de nombreux pays émergents, en revanche, les taux d’intérêts ont été relevés malgré une croissance relativement faible. La Turquie constitue à cet égard une exception significative, ses autorités ayant en effet estimé que le meilleur moyen de lutter contre l’inflation était de réduire les taux d’intérêts. Décision qui a provoqué un effondrement de la monnaie et l’entrée en récession de l’économie nationale.

Le COVID a sans nul doute représenté le plus grand défi auquel notre monde, en temps de paix, a été confronté depuis un siècle ou plus. La réaction des décideurs économiques a été sans précédent, aussi bien en termes de vitesse que d’échelle. Le soutien économique a été immédiat, mais c’est bien la médecine qui aura fait tourner le vent dans la lutte contre la pandémie. 

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