L’épreuve du contre-la-montre

Axel Botte, Ostrum AM

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La dette grecque est désormais éligible aux achats de la BCE. La Fed contraint les taux à la baisse, étend son action au crédit et aux ETFs.

Les marchés d’actions américains ont replongé de 14% cette semaine effaçant ainsi le rebond de fin de séance le vendredi précédent (+9%). Les marchés européens ont connu une certaine accalmie abandonnant néanmoins un peu plus d’1% sur ses principaux indices. Le dollar s’est à peine stabilisé en de semaine. L’excès de demande de billet vert mondial oblige à une forte coordination entre Banques Centrales. L’euro-dollar s’échange autour de 1,07 dollar. Les marchés de taux restent très volatiles malgré l’activisme de la Fed, de la BCE ou encore de la BoE qui a une nouvelle fois réduit son taux et relevé le montant d’achats de Gilts de 200 milliards de livres. Le 10 ans américain revient sous 1% (0,85%). La tendance à la pentification s’est inversée. Le Bund s’est tendu dans un premier temps avant de replonger sous -0,30%. Le pétrole affiche une volatilité comparable aux actions sans toutefois remettre en cause le nouvel équilibre de prix bas sous le seuil de 30$. La préférence pour la liquidité implique des sorties importantes des fonds monétaires et une pression forte sur les spreads de crédit à court terme. A l’inverse, les assureurs investissent sur des maturités plus longues. Les courbes de spreads ont ainsi tendance à s’aplatir. Le crédit IG se traite autour de 230pb. Les financières sous-performent le marché.

Le graphique de la semaine

La crise sanitaire impose une révision drastique des bénéfices 2020 compte tenu de l’effondrement des chiffres d’affaires.
Les projections des entreprises sont douteuses à ce stade.
Les contrats à terme sur dividendes donnent une idée de la chute des résultats à venir. Sur 2020, les dividendes de l’Euro Stoxx 50 ont été révisés de 20% et une baisse équivalente interviendrait l’an prochain.
Une récession sans précédent

Les mesures de confinement semblent se généraliser en Europe et les états de New York et de la Californie, la cinquième économie mondiale, annoncent des mesures similaires. Les activités non-essentielles y sont mises à l’arrêt. Le scénario économique dépend de l’efficacité des mesures sanitaires à court terme et de la levée des contraintes sur l’activité. Les estimations avancées chiffrent la perte d’activité annualisée à près de 20% au 2T20 en Europe et environ 15% aux États-Unis, où l’épidémie a été reconnue plus tardivement. Un scénario de reprise rapide après 2-3 mois d’activité nettement sous le potentiel parait très optimiste. Il faut avoir à l’esprit que, dans toute récession, la destruction de capital productif ampute le potentiel ultérieur à court terme. Le chômage implique aussi une perte d’expérience (de capital humain), qui peut réduire durablement l’employabilité des demandeurs d’emploi lorsque les conditions économiques s’améliorent. Les plans de soutien apparemment sans limite vise précisément à éviter les faillites induites par les décisions sanitaires. Les garanties publiques sont étendues notamment en France pour acheter du temps mais cette stratégie requiert néanmoins que la crise ne soit pas trop longue.

En réalité, partout il faudra faire des choix. La consolidation du secteur aérien semble inévitable, alors que les constructeurs d’avions seront sauvés du fait du caractère stratégique du savoir-faire.

Les risques induits par la pénurie de dollar

En outre, le stress sur les conditions de financement en dollars représente un risque similaire de rupture irréversible. La devise américaine joue un rôle central pour les économies exportatrices de matières premières, intégrées dans les chaines de valeur mondiale au travers de la production de biens ou exposées au tourisme et dépendantes de sources de revenus étrangers (transferts). La dépendance aux flux de portefeuilles et la dette en USD exigible à court terme complètent le tableau des fragilités financières. L’Australie semble le pays développé le plus exposé. La Malaysie, l’Indonésie et la Thaïlande semblent également vulnérables. C’est pour cette raison que la Fed prête des dollars à plusieurs banques centrales étrangères qu’elles prêtent aux banques dans leurs juridictions et limitent les effets néfastes de la pénurie de dollars sur l’activité. La BCE a ainsi prêté près de 100 milliards de dollars, ce qui a permis quelque peu de réduire les tensions. Les marges de swaps cross-currency sur les maturités plus longues restent toutefois anormalement élevées. Malgré la coordination des actions des Banques Centrales, l’excès de demande de dollars persiste. Le billet vert s’appréciait encore de 4 à 6% contre la plupart des devises la semaine passée.

 Le total d’achats d’actifs de la BCE en 2020
dépassera les mille milliards d’euros.

L’autre cheval de bataille de la Fed est d’empêcher une dislocation de la partie longue de la courbe après un fort mouvement de pentification. Le plan de 500 milliards de dollars d’achats de Treasuries sera très vite dépensé puisque le rythme des interventions journalières de la Fed s’est en fin de semaine à 50 milliards de dollars. Les transactions s’effectuent de manière transparente sur l’ensemble des segments de courbe. A titre de comparaison, lors de la dernière phase de QE, la Fed achetait 45 milliards de dollars... par mois. L’activisme des banquiers centraux américains est finalement parvenu à faire baisser les rendements à long terme. Le 30 ans est ainsi revenu de 1,80% vers 1,42% en fin de semaine. L’extrême volatilité des rendements à long terme a conduit certains intervenants à privilégier les positions receveuses de swaps. Concernant le crédit la Fed a obtenu le droit d’acheter des obligations privées et des afin d’atténuer les décotes de ces instruments par rapport aux paniers sous-jacents.

La BCE lance le PEPP

En zone euro, la BCE a lancé un nouveau programme d’achats de titres (PEPP) de 750 milliards d'euros d’ici la fin de l’année voire au-delà. La BCE a étendu son champ d’action au commercial paper. Le total d’achats d’actifs de la BCE en 2020 dépassera les mille milliards d’euros. Ce programme soutiendra l’activité et absorbera largement le surplus d’émissions lié aux mesures budgétaires et autres garanties publiques des gouvernements de la zone euro. Le Bund qui s’était vers -0,15% au sommet de la semaine est retombé aux alentours de -0,30% à la clôture limitant la hausse hebdomadaire des rendements à quelque  Les flux sortants des fonds monétaires ont un impact non négligeable sur le Schatz, qui s’établit audessus du seuil de -0,70%. Concernant les spreads souverains, le PEPP a initié un net resserrement des spreads, notamment en Italie. La prime du BTP 10 ans a diminué d’un sommet hebdomadaire de 320pb à moins de 200pb en fin de semaine. La dette grecque bénéficie d’une suspension du critère de notation et est désormais éligible au nouveau programme achat de la BCE. Le spread sur l’emprunt grec 2029 est revenu de 410pb au plus haut à moins 300pb.

En revanche, le crédit européen connait toujours des semaines difficiles à l’instar des marchés d’actions. Les atteignent 230pb contre Bund avec une nette sous-performance des dettes financières. Les indices de crédit sont les instruments les plus échangés notamment par les gestions multi-actifs compte tenu de la liquidité incertaine des marchés d’obligations d’entreprise. Les maturités courtes continuent de subir des décotes anormales à la vente. En effet, les achats de commercial paper prévu par le PEPP n’ont pas encore débuté, et les valorisations se sont dégradées. La BCE devra s’assurer que les conditions de liquidité normale soient rétablies à la clôture trimestrielle de mars 2020. Le high yield est sous pression compte tenu la vague de dégradations de notations IG en raison de la récession. Le spread high yield moyen ressort à près de 900pb.

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