Nvidia est devenue la valeur incontournable sur la thématique de l’intelligence artificielle. Pourtant, d’autres options peuvent être considérées. Y compris celle de la vigilance...
Depuis l'annonce de ChatGPT-3.5 en novembre 2022, les marchés financiers et une grande partie du public ont été captivés par les possibilités apparemment illimitées de l'A. Comment expliquer un tel engouement?
Tout d’abord, la mise à disposition gratuite de ChatGPT a permis à tout un chacun de réaliser le formidable potentiel de l’IA générative. Contrairement aux modèles d'IA traditionnels qui fonctionnent dans les limites de paramètres prédéfinis, l'IA generative utilise des algorithmes (tels que ChatGPT) qui permettent de créer de nouveaux contenus, y compris des fichiers audio, du codage, des images, du texte, des simulations et des vidéos.
Autre élément expliquant le «buzz» autour de l’IA: les pressions salariales dans un contexte inflationniste inédit depuis les années 80 et les bouleversements géopolitiques qui forcent les entreprises à relocaliser leurs entités naguères basées à l’étranger (le «reshoring» ou «nearshoring») contribuent tous les deux à créer un sentiment d’urgence quant à la nécessité d’améliorer la productivité et ce afin de préserver les marges. Dans ce cadre, l’explosion du nombre d’outils d’IA vient à point nommé pour de nombreuses entreprises qui mettent en place des groupes de travail ou des entités spécialisées avant de réinventer leurs modèles d’affaires.
Qu’en est-il des opportunités d’investissements?
Bank of America n’hésite pas à parler de la naissance d’une nouvelle bulle d’investissement au même titre que la bulle Internet, celle des Biotech, des titres Ark Invest, du bitcoin ou des GAFA.
Bien que certains titres liés à l'IA aient potentiellement la capacité de délivrer un taux de croissance à la hauteur des attentes actuelles du marché, l'histoire nous apprend que la plupart d'entre elles n'y parviendront pas. Comme expliqué dans un article récent de Research Associates, choisir les futurs gagnants de l'IA est l’équivalent d’un investissement dans Amazon, Apple et ADP au début de l'année 2000. Ces trois titres sont les seuls parmi les 40 plus grands noms du secteur technologique du début du siècle à avoir enregistré des performances à deux chiffres lors des 23 années qui ont suivi.
Depuis que ChatGPT-3.5 a été rendu public par Open AI en novembre 2022, les entreprises jugées susceptibles d'être des leaders de l'IA dans les années à venir ont vu leurs cours de bourse largement sur-performer le reste du marché.
Un nouveau terme est d’ailleurs apparu à Wall Street – celui des «7 magnifiques« («The Magnificent Seven») ou les sept mega capitalisations technologiques considérées comme des gagnantes probables en matière d'IA. A l’heure où nous écrivons ces lignes, ces 7 titres représentent près de 28% de la capitalisation boursière du S&P 500.
La performance des principaux indices d’actions américaines depuis le début de l’année est d’ailleurs extrêmement concentrée sur un faible nombre de titres. Comme le montre le graphique ci-dessous, 5 titres sont à l’origine de plus de 60% des gains du Nasdaq 100 en 2023. L’IA est un dénominateur commun de ces mastodontes du marché américain.
De nombreux investisseurs ont tendance à considérer ces titres comme les uniques bénéficiaires de la révolution AI du fait notamment à leur capacité à attirer les talents mais aussi leur puissance financière qui leur permet d’effectuer d’immenses investissements R&D dans leurs branches AI. Il s’agit d’ailleurs d’une différence importante avec la bulle internet des années 2000; à cette époque, les grandes capitalisations n’étaient pas les seules à surfer sur la vague «.com»; en effet, de nombreuses introductions en bourse de valeurs internet avaient élargi le spectre d’opportunités d’investissement disponibles.
Doit on déduire de ce qui précède que la meilleure façon d’investir dans l’IA est d’être positionné sur un nombre très limité de titres? Existe-t-il d’autres valeurs et secteurs à même de bénéficier de cette transformation technologique?
Nous pensons qu’il existe deux types de bénéficiaires:
1. Les innovateurs
Il s’agit tout d’abord des entreprises qui vont bénéficier des immenses dépenses en capital d’investissement liées à l’AI. Un vaste écosystème d'industries et de secteurs est sur le point de bénéficier directement de l'ascension de l'IA, chacun jouant un rôle unique dans la transformation technologique.
On peut identifier 3 sous-catégories distinctes:
- Les sociétés dites «plateformes»: il s’agit notamment de Microsoft, Alphabet, Baidu, MetaPlatform, Amazon, Tencent, Alibaba, etc.
Le domaine des logiciels est en train de se métamorphoser sous l'effet des exigences de l'IA générative. Le marché total pour les logiciels d'IA générative est estimé à 150 milliards de dollars ce qui ouvre un véritable boulevard pour les développeurs de logiciels et les entreprises spécialisées dans les applications basées sur l'IA. Les outils et les plateformes que ces entreprises développeront vont certainement s'avérer essentiels pour exploiter la puissance de l'IA dans divers secteurs. - Les sociétés d’infrastructure et de base de données: ServiceNow, Snowflake, Cloudflare, Datadog, Altassian, MongoDB, Altervx, etc.
L'engouement récent pour l'IA a mis en évidence sa soif insatiable de données. Le stockage, la gestion et l'accès à ces données nécessitent une infrastructure solide. C'est là que les centres de données et les fournisseurs de services en nuage (“cloud”) entrent en jeu. Ces entités veillent à ce que les algorithmes d'IA aient un accès ininterrompu aux vastes ensembles de données dont ils ont besoin, ce qui en fait des rouages indispensables de la machinerie de l'IA. - Les sociétés de semi-conducteurs: Nvidia, AMD, Intel, Marvell, SK Hynix, Samsung Electronics, Taiwan Semiconductors, etc.
Au cœur des prouesses informatiques de l'IA se trouvent naturellement les entreprises de semi-conducteurs. Elles fournissent le matériel essentiel qui alimente les algorithmes complexes de l'IA. Avec la demande croissante d'algorithmes d’IA, les besoins en puissance de calcul augmentent de manière massive. Les entreprises de semi-conducteurs, au-delà de Nvidia, sont bien placées pour en tirer d’importants bénéfices. Leur rôle dans le bon fonctionnement de l'IA générative les place au premier rang des gagnants directs de l'IA.
Au-delà des acteurs établis, une nouvelle génération de startups et d'innovateurs fait son chemin dans le paysage de l'IA. Ces entités de plus petite taille repoussent les limites de ce qui est possible avec l'IA. Leurs innovations, qu'il s'agisse d'applications de niche de l'IA ou d'algorithmes révolutionnaires, les positionnent comme de futures pépites de l'IA. Alors que les investisseurs cherchent à diversifier leurs portefeuilles, l’identification de ces bénéficiaires directs offre une feuille de route pour naviguer dans le paysage de l'investissement dans l'IA.
Quelle que soit la voie que l'investisseur décide d'emprunter, il doit le faire en mettant en œuvre une approche diversifiée et en adoptant toutes les mesures nécessaires pour éviter le risque idiosyncratique. Pour ce faire, il peut envisager d'intégrer des ETF à son portefeuille. Parmi les ETFs exposés au theme de l’IA, citons BOTZ, l'ETF Global X Robotics & Artificial Intelligence, ou ROBO, l'ETF ROBO Global Robotics and Automation Index.
2. Les bénéficiaires de l’innovation
La révolution technologique de l’IA concerne également les entreprises qui adoptent et mettent en œuvre cette technologie. Des géants de la vente au détail qui tirent parti de l'IA pour créer des expériences d'achat personnalisées aux établissements de santé qui exploitent l'IA pour des diagnostics, le spectre des entreprises utilisatrices finales susceptibles d'en bénéficier est vaste. Les investissements réalisés par ces entreprises dans des logiciels et des services d'infrastructure basés sur l'IA permettront non seulement d'améliorer leur efficacité opérationnelle, mais aussi de redéfinir les paradigmes d'engagement des clients et de la main-d'œuvre.
Les Etats-Unis sont depuis longtemps à la pointe de l'innovation en matière d'IA grâce à leurs géants de la technologie et à leurs institutions de recherche pionnières en la matière. Ce sont précisément ces géants de la technologie, tels que Nvidia, Microsoft et Alphabet, qui non seulement façonnent le discours sur l'IA, mais établissent également des références en matière de recherche et d'application de ces technologies.
Mais les Etats-Unis n’ont pas le monopole de l’innovation. La Chine s'impose rapidement comme un acteur redoutable dans le domaine de l'IA. Le pays a élaboré des plans ambitieux pour devenir le premier centre mondial d'innovation en matière d'IA d'ici à 2030. Ses propres géants technologiques, tels que Baidu, Alibaba et Tencent, ne sont en aucun cas de simples acteurs régionaux, mais plutôt des concurrents mondiaux qui repoussent les limites de la recherche et de l'utilisation de l'IA. Le pays a fait de l'IA une priorité stratégique, reconnaissant son potentiel dans des secteurs allant des soins de santé à la sécurité nationale.
Même si l'Europe est restée récemment à la traîne des Etats-Unis et de la Chine en termes d'innovation, elle a une riche histoire en matière de recherche et de découvertes scientifiques et elle est en train de se faire une place dans le monde de l'IA. Elle ne dispose peut-être pas de mastodontes technologiques comparables aux Etats-Unis ou à la Chine, mais la force de l'Europe réside dans sa prévoyance en matière de réglementation et dans l'importance qu'elle accorde à l'éthique de l'IA. À bien des égards, l'UE est considérée comme la norme mondiale en matière de lignes directrices réglementaires, et cela ne fait pas exception dans le domaine de l'IA, puisqu'elle s'efforce de garantir la responsabilité et l'équité tout en mettant l'accent sur la transparence.
Des pays tels que Singapour, la Corée du Sud et l'Inde apparaissent également comme des acteurs importants dans le monde de l'IA grâce notamment au soutien gouvernemental, un vivier de talents et des collaborations stratégiques.
De notre point de vue, le potentiel de l’IA est gigantesque et nous sommes probablement entrés dans une nouvelle ère. Tout comme l’internet, L'IA va révolutionner le monde de l’entreprise et notre quotidien.
L’histoire des bulles financières a tendance à se répéter. Comme ce fut le cas lors de l’essor d’internet, les marchés financiers ont tendance à payer des multiples d’évaluation très élevés pour les entreprises qui semblent être les mieux positionnées pour bénéficier de la nouvelle révolution technologique.
Jamais une mega-capitalisation boursière ne s’est échangée sur la base du multiple actuel de Nvidia (près de 45 fois les ventes et plus de 100 fois les bénéfices). En examinant les ratios d’évaluations relatifs (cf. exemple ci-dessous avec le PEG relatif – càd le P/E comparé au taux de croissance attendu des bénéfices), l’indice S&P 500 du secteur technologique s’échange avec une prime d’évaluation similaire à celle de la bulle dot.com... Le potentiel de correction est donc significatif.
Autre trait de caractère des bulles financières: les investisseurs ont trop souvent tendance à négliger le fait que les principaux bénéficiaires de l'innovation technologique sont les clients de cette innovation, et pas nécessairement les innovateurs eux-mêmes. Enfin, les sociétés qui apparaissent initialement comme les leaders d’une révolution technologique ne sont pas forcément celles de demain. Dans un récent article, Research Associates avait mis en avant l’exemple du Smartphone. En 2000, la capitalisation de la société Palm a brièvement valu plus que celle de General Motors. Mais en 2003, Palm Pilot a été supplanté par le Blackberry, qui a lui-même été remplacé par l’iPhone en 2008. Souvent, ce sont les disrupteurs qui payent le plus cher tribut de la disruption. Nvidia est aujourd'hui le titre le plus emblématique de la bulle AI. Mais c’est peut être aussi celui qui est le plus à même de décevoir les très fortes attentes des investisseurs. Comme nous l’avons mentionné ci-avant, les investisseurs ont la possibilité de considérer d’autres titres et instruments pour investir dans les innovateurs de l’AI. Mais ils doivent aussi considérer l’impact de l’AI sur l’ensemble des entreprises. Il s’agit alors d’identifier les sociétés capables d’utiliser l’AI afin de générer les gains de productivité les plus importants et/ou transformer leur modèle d'affaires. Il est fort probable que l’investissement dans l’IA s’apparente davantage à un marathon plutôt qu’un sprint...
NB: il ne s’agit pas de recommandations d’investissement.