Guerre en Ukraine: quelques repères pour les investisseurs

Florian Roger, Exane Solutions

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Le potentiel de sous-performance des financières semble aujourd’hui se cantonner principalement au scénario d’une extension du conflit.

Quelle issue au conflit ukrainien? Quelle va être sa durée? Quels seront ses impacts sur la croissance et l’inflation? Quelles primes de risque intégrer sur le marché obligataire? Autant de questions cruciales pour les positions d’allocation d’actifs qui illustrent l’incertitude entourant aujourd’hui les choix d’investissement. Dans cet article, nous essayerons de placer quelques repères pour les perspectives économiques européennes, de déterminer les points d’inflexion et de rupture du scénario-macro-financier et d’envisager les expositions à privilégier sur les actions européennes.

Des perspectives de croissance d’ores et déjà nettement dégradées pour 2022.

Le choc économique et financier, engendré par la guerre en Ukraine, transite principalement par trois canaux: 1/explosion des prix des matières premières réduisant le pouvoir d’achat des ménages et les marges des entreprises 2/déclin du commerce international avec un effondrement des échanges vis-à-vis de la Russie 3/développement du stress financier.

Pour la zone euro, la plupart des études indiquent qu’une hausse de 10 dollars des prix du pétrole ampute la croissance du PIB d’environ 0,2%. Cela implique que les prévisions de croissance européenne pour 2022 doivent être diminuées au minimum de 0,6%.

Les sanctions prises contre l’Iran et l’Irak en 1985 et en 1995 ont eu un impact durement récessif (baisse respective du PIB de -5% et de -15%). La Russie devrait connaître le même sort, vu l’étendue des mesures de rétorsions commerciales et financières. Si l’activité connaît une contraction de l’ordre de 10%, cela implique que les exportations européennes vers la Russie devraient décliner de plus de 50% au regard des élasticités usuelles du commerce international. Cela signifie une perte de croissance de 0,7% pour la zone euro, en intégrant les effets induits sur l’investissement.

Même si des avancées diplomatiques permettent une désescalade du conflit au cours des prochaines semaines, l’impact négatif sur la croissance européenne sera loin de se dissiper. Après une phase de normalisation des positions spéculatives (qui explique le reflux des derniers jours), les prix du pétrole et du gaz devraient structurellement conserver une prime de risque géopolitique, sachant que l’Europe n’a plus d’autres choix que de diminuer sa dépendance commerciale vis-à-vis de la Russie, ce qui va alourdir sa facture énergétique. Du côté des sanctions, une levée rapide ne semble pas concevable, vu le nombre de victimes et les dégâts provoqués par l’invasion russe. Nous estimons donc que la croissance européenne est définitivement affaiblie pour 2022, avec une prévision de croissance au mieux proche de 2,5% vs 4% avant le déclenchement du conflit.

Un risque de rupture du scénario-macro financier en cas de développement du stress financier.

Plus la crise dure, plus ses effets négatifs vont se renforcer, avec des impacts potentiellement non linéaires sur la croissance. En effet, si l’ensemble de l’occident opte pour l’arrêt des importations de pétrole et de gaz russe, le choc sera beaucoup plus important et plongera l’économie européenne en récession.

Parallèlement, une extension du conflit peut conduire à une multiplication d’évènements de crédit et à un développement du stress financier. Pour le moment, ce dernier est resté contenu, avec un impact limité, car le conflit a débuté dans une phase de reprise forte, alimentée par des mesures de stimulation budgétaire et monétaire importantes. Seulement, à mesure que les perspectives de croissance s’amenuisent et que les coûts s’inflatent, la solvabilité des entreprises risque de se dégrader et de conduire à une augmentation des primes de risque pour les financements bancaires et obligataires, ce qui peut réduire drastiquement les dépenses des entreprises.

Quelles positions d’allocations d’actifs aujourd’hui privilégier?

L’ampleur de l’affaiblissement de la croissance en zone euro devrait conduire à une récession des profits. Conjugué à des révisions positives des chiffres d’inflation et à une BCE qui continue de s’inscrire dans une stratégie de normalisation monétaire, cette configuration incite à conserver une position prudente à court terme et à réduire les expositions cycliques sur rebond. Nous recommandons en revanche de ne plus alléger les valeurs financières européennes. Ces dernières ont fortement corrigé au démarrage du conflit et présentent, relativement aux secteurs défensifs, une valorisation comparable à celle du pic des crises financières et sanitaires. Le potentiel de sous-performance des financières semble ainsi aujourd’hui se cantonner principalement au scénario d’une extension du conflit, impliquant une forte montée du stress financier. 

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