Vers une nouvelle phase de reflation au quatrième trimestre 2021

Florian Roger, Exane Solutions

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Une nouvelle phase de hausse des taux au dernier trimestre de cette année est attendue. Prélude d’un mouvement plus structurel en 2022.

En septembre, la Fed a abaissé ses prévisions de croissance pour 2021 (avec un rattrapage seulement partiel en 2022) mais a relevé ses anticipations d’inflation pour 2021 et pour 2022. Ces révisions haussières concernent à la fois les indices d’inflation totaux et sous-jacents. La Fed s’attend à ce que le choc de prix post-Covid ait des effets d’hystérèse (l’inflation sous-jacente est également révisée positivement pour 2023). Dans ce contexte, selon les dots, les membres du FOMC envisagent une première hausse de taux dès 2022 ainsi que trois à quatre tours de vis monétaires supplémentaires pour 2023. 

Depuis la réunion de la Fed, le taux 10 ans souverain américain a progressé de 20pb.

La Fed a donc durci sa tonalité, ce qui a provoqué une remontée des rendements obligataires. Depuis la réunion de la Fed, le taux 10 ans souverain américain a progressé de 20pb. Nous anticipons une poursuite de ce mouvement au quatrième trimestre 2021 du fait des éléments suivants:

  1. Les prévisions d’inflation du consensus pour la fin de l’année demeurent trop basses pour les Etats-Unis, notamment du fait des disruptions persistantes sur les chaines de production des biens durables. Nous escomptons ainsi un pic d’inflation proche de 5,7%/5,8% en décembre. 
  2. Les flux vers les obligations souveraines, stimulés par le QE, ont déconnecté les rendements nominaux de long terme des anticipations d’inflation et des projections de taux directeurs neutres de la Fed. Le démarrage effectif du tapering plaide pour une réduction de ces écarts.
  3. L’adoption d’un plan de dépenses en infrastructures conjugué au tapering de la Fed enverrait le message d’une croissance pluriannuelle de l’effort d’investissement et d’une diminution des injections de liquidité. Ces dynamiques relatives des facteurs investissement et liquidité/épargne sont favorables à une remontée des rendements obligataires, d’autant que cela pourrait amplifier les tensions sur les prix des matières premières. 
Quand stimulation budgétaire et inflation deviennent des paramètres structurels.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, les négociations pour la ratification du plan Build back Better de J.Biden se révèlent particulièrement houleuses. Les démocrates ne disposent que d’une majorité très étroite dans la chambre haute du congrès, qui offre un pouvoir de négociation individuel important aux sénateurs et tend à exacerber les discordes. Néanmoins, il nous paraît irrationnel que le parti démocrate ne profite pas de la configuration politique actuelle, qui risque de changer avec les élections de mi-mandat, pour engager davantage de stimulation budgétaire. Cela augmenterait les perspectives de croissance en vue des prochaines échéances électorales et éviterait que les Etats-Unis ne prennent davantage de retard dans la transition énergétique. Or, les démocrates souhaitent fondamentalement promouvoir cette dernière. 

Joe Biden a rejoint les accords de Paris dès son accession à la Maison Blanche comme il l’avait promis durant sa campagne. Pour respecter de tels engagements, l’Agence Internationale de l’Energie indique que les pays développés doivent accroître leurs investissements dans la décarbonation de 1,5%/2% du PIB par an d’ici 2030. Les montants avancés par l’administration Biden sont cohérents avec ces chiffres. Au regard des dissensions politiques actuelles, le congrès transigera vraisemblablement pour un plan moins ambitieux. Nous escomptons un compromis vers 2Tr USD, soit effort budgétaire annuel d’environ 1% du PIB pour la prochaine décennie. Si cela se vérifie, la stimulation budgétaire apparaîtra clairement comme un facteur pérenne aux Etats-Unis. La probabilité que le taux 10 ans souverain américain rejoigne notre cible de 1,75% au tournant de l’année 2021/2022 s’en trouverait nettement renforcée. 

Le grand derating du dollar, tant attendu par le consensus, ne semble pas près d’arriver.

Au cours de l’année 2022, les investissements réalisés pour accélérer la transition énergétique pourraient avoir d’autres répercutions sur les courbes des taux aux Etats-Unis et dans une moindre mesure dans le reste du monde développé (en fonction du niveau d’output gap). En effet, les efforts d’innovation pourraient dessiner des perspectives de productivité structurellement plus élevées et offrir davantage de latitudes pour des augmentations salariales. Dans un contexte de pressions persistantes sur les prix des matières premières et des biens durables, cela pourrait provoquer une montée des anticipations d’inflation, d’autant que des hausses des revenus administrés (salaires minimums, points d’indice des fonctionnaires…) pourraient être consenties pour protéger le pouvoir d’achat des ménages et prévenir d’éventuelles tensions sociales. Cela pourrait provoquer d’importants mouvements sur la courbe des taux et des rotations de portefeuilles, avec des incidences  majeures sur le marché des changes lors de la seconde partie de l’année 2022 (au regard des délais de transmission usuels). Dans ce scénario, le grand derating du dollar, tant attendu par le consensus, ne semble pas près d’arriver. A l’inverse, de nombreuses devises émergentes pourraient subir des vents contraires.

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