Gestion d’actifs: la performance à elle seule ne suffit plus

Yves Hulmann

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La responsabilité sociétale gagne en importance, relève Jean-François Hirschel de H&K, qui publie l’indice RIBI. Les résultats de l’étude 2021.

Dans sa nouvelle édition de 2021, l’indice Hirschel & Kramer Responsible Investment Brand Index (RIBI) est devenu mondial en élargissant son univers d’évaluation aux 500 principaux gérants d’actifs dans le monde. Par rapport à l’édition 2020, centrée sur l’Europe, les deux grands axes qui composent l’indice, à savoir la note portant sur l’engagement (en recul à 1,8 point en 2021 contre 2,2 point un an plus tôt) et celle qui concerne la marque (à 1,6 point contre 1,7 point l’an précédent), sur un maximum de 5 points, indiquent une légère détérioration.

Faut-il s’inquiéter du recul observé en 2021 par rapport à 2020? Non, estime Jean-François Hirschel, co-fondateur du Responsible Investment Brand Index (RIBI), qui attribue cette détérioration avant tout au changement de périmètre de l’univers des gérants d’actifs pris en compte dans l’indice. «En 2020, il s’agissait d’un classement qui portait uniquement sur les gérants d’actifs européens. En 2021, le RIBI est devenu un classement global. Du fait que l’Europe est la région du monde où les gérants d’actifs reçoivent, en moyenne, les meilleures notes dans le cadre de notre évaluation, cette inclusion, plus large, a logiquement fait baisser les scores globaux de l’indice», met-il en perspective. Et de souligner, côté positif, que les notes obtenues par les gérants européens inclus dans l’indice s’améliorent d’année en année.

Les gérants d’actifs du Benelux sont les mieux notés d’Europe

S’agissant de l’Europe hors Royaume-Uni, l’indice attribue les meilleurs scores aux gérants d’actifs issus en particulier des pays du Benelux, puis de France si l’on tient compte à la fois de la note d’engagement et de celle portant sur la marque. Les gérants suisses obtiennent, eux, la note la plus élevée concernant la marque, tandis que celle qui se rapporte à l’engagement est un peu inférieure à celle obtenue par les sociétés issues des pays du Benelux, de France et de Scandinavie.

La Suisse compte une proportion particulièrement élevée de gérants considérés comme «avant-gardistes».
UBS, Pictet et J.Safra Sarasin occupent le trio de tête en Suisse

Concernant la Suisse, les dix gérants d’actifs qui obtiennent les meilleurs scores dans le classement Responsible Investment Brand Index 2021 sont, dans l’ordre: UBS Asset Management, Pictet Asset Management, Bank J. Safra Sarasin, LGT Capital Partners,  Edmond de Rothschild, Vontobel Asset Management, Partners Group, Lombard Odier Investment Managers, Mirabaud Asset Management et Syz Asset Management. A noter aussi que la Suisse compte une proportion particulièrement élevée de gérants considérés comme «avant-gardistes», à savoir 35%, comparé à 16% s’agissant du classement global.

L’univers d’investissement, lui-même, n’est pas défini par Hirschel & Kramer (H&K) mais il se base sur un classement établi par un magazine spécialisé dans la gestion institutionnelle. L’indice RIBI agrège en effet l'analyse des 539 gestionnaires d'actifs qui figuraient dans le classement du Top 500 de l’«Investment & Pensions Europe Journal» en date du 31 décembre 2020. «Nous n’avons pas d’influence sur l’univers des sociétés comprises dans l’indice», précise Jean-François Hirschel.

Une possibilité de se différencier de la concurrence

En termes de méthodologie, l’indice RIBI a été développé afin d’identifier les sociétés de gestion d'actifs qui agissent en tant qu'investisseurs responsables et s'engagent en faveur du développement durable, au point de le placer au cœur même de ce qu'elles sont, c'est-à-dire dans leur marque, explique Hirschel & Kramer. Hormis l’engagement des gérants en faveur de l’investissement responsable dans leur pratique d’investissement, l’indice tient ainsi compte également de la manière avec laquelle les gérants d’actifs expriment une raison d’être, ou «purpose» en anglais, en lien avec un système de valeurs qui a vocation à faire progresser la société dans son ensemble. Pourquoi faut-il en tenir compte? «Le seul fait d’exprimer une telle raison d’être constitue déjà une démarche importante. En effet, c’est l’occasion pour une entreprise de définir quel est son rôle et quels sont ses objectifs. Faire un tel travail d’introspection est important en soi», estime Jean-François Hirschel.

Si une entreprise change régulièrement de raison d’être, cela signifie qu’elle cherche à plaire à tout le monde.

Est-ce important aussi pour les gérants d’actifs? «Générer une performance financière ne suffit plus aujourd’hui. A notre avis, le rôle d’une société de gestion d’actifs est beaucoup plus large que de seulement réaliser telle ou telle performance chaque année. La gestion d’actifs est l’une des activités où la responsabilité sociétale est la plus forte, ne serait-ce qu’en raison du rôle de ces sociétés dans le financement des retraites», estime-t-il. Et d’évoquer un autre aspect: «La gestion d’actifs est un environnement très compétitif. Se distinguer par d’autres aspects que la seule performance est un moyen de se distinguer, d’être reconnaissable», souligne-t-il.

Certains gérants d’actifs n’adaptent-ils toutefois pas régulièrement leur «purpose» pour répondre aux attentes de la société, sans que cela ne reflète un véritable engagement sur la durée? «Si une entreprise change régulièrement de raison d’être, cela signifie qu’elle cherche à plaire à tout le monde. Changer trop souvent de purpose est plutôt mauvais signe», interprète le consultant. En revanche, effectuer une telle démarche de remise en question tous les 5 à 10 ans pour redéfinir sa raison d’être – ou du moins la reconsidérer – est à son avis un exercice utile, juge-t-il.

L’investissement responsable n’est pas une affaire de taille

Parmi les dix premiers gérants d'actifs qui ont obtenu les meilleurs résultats globaux en 2021, on trouve des sociétés présentant des profils très divers. Dans l’ordre, les meilleurs gérants sont Federated Hermes International, AXA Investment Managers, Schroders, Candriam, NN Investment Partners, DPAM, Mirova, Etica SGR, BNP Paribas Asset Management et Sycomore Asset Management.

La taille joue-t-elle un rôle important dans la position occupée par les entreprises dans le classement? Non, estime Jean-François Hirschel, qui souligne que le «Top 10» du classement de cette année comprend justement plusieurs sociétés de niche telles que Mirova, Etica SGR ou Sycomore Asset Management. «L’investissement responsable n’est pas une affaire de taille mais une question de valeur», souligne-t-il.

La seule région du monde où la taille semble jouer un rôle sont les Etats-Unis, où les premières positions dans le classement sont occupées surtout par de grandes sociétés. Selon l’expert, c’est peut-être un signe que les grands gérants d’actifs américains, présents de manière plus globale que les petites sociétés, sont conscientes de l’évolution en cours sur plan international. «Certains grands groupes, comme Goldman Sachs Asset Management, achètent maintenant ces compétences à l’extérieur, en reprenant des sociétés européennes, comme ce gérant l’a fait en acquérant NNIP», observe-t-il.

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