Faut-il craindre la sous-performance du crédit?

Cyril Parison, Exane Solutions

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L’idée d’un risque de stagflation, en Chine et plus récemment en Europe, a indéniablement changé la donne ces trois à quatre dernières semaines.

Nous savions en début d’année qu’il serait impossible au marché du crédit de suivre la marche en avant des marchés actions sur 2021: la base de spread était trop faible et la hausse des taux était trop entravante. Néanmoins, la corrélation entre les deux marchés était jusqu’à présent plutôt bonne. L’idée d’un risque de stagflation, en Chine et plus récemment en Europe, a indéniablement changé la donne ces trois à quatre dernières semaines. 

La corrélation s’est cassée

Les actions vont de record en record aux Etats-Unis et sont à un plus haut annuel en Europe, tandis que le marché du crédit n’a repris qu’un tiers de sa baisse. Ainsi, l’Itraxx X-Over (CDS) reste 35bp au-dessus de son point bas tandis que le Bloomberg Barclays HY (Bonds) n’a repris que 10bp par rapport aux 50bp perdus. Le mouvement d’écartement peut paraître assez léger, mais il tranche avec la performance de +5% observée sur le Stoxx 50 au mois d’octobre et des +7% du S&P 500.

Nous retrouvons cette dichotomie sur la volatilité: celle des marchés actions reste basse (VIX et V2X autour de 16/17) quand le MOVE (volatilité des Treasuries US) évolue autour de 75, soit le même niveau que fin février. Cette nervosité se traduit également par une moindre appétence sur le marché du HY: les investisseurs sont indiscutablement plus exigeants pour le papier en primaire (tant sur les clauses du prospectus que sur les conditions financières en elles-mêmes) et sur le marché secondaire, peu de deals récents cotent au-dessus du pair.

Il faut dire que l’investisseur obligataire n’a pas un rôle facile aujourd’hui:

  1. Il doit faire face à la hausse des taux qui prend de l’ampleur non plus seulement sur le long, mais sur toute la partie de la courbe (2-7 ans notamment). Difficile dans ces conditions de se cacher, d’autant que les anticipations d’inflation sont en forte hausse mois après mois.
  2. Il doit anticiper les risques de stagflation (et donc opérer des choix sectoriels), même si le ralentissement brutal de la croissance n’est pas notre scénario central. La hausse des spreads en Asie et en Europe vient en partie d’une crainte de ralentissement des profits qui toucherait des groupes HY fortement endettés…
  3. Il doit enfin fait face à un engorgement de nouvelles dettes sur le marché primaire, notamment sur les segments ESG et HY. Car si les doutes s’installent chez les investisseurs, l’offre de papier, elle, ne se tarit pas. Pour preuve, le segment HY européen va être proche de EUR 120 milliards d’émissions cette année, soit quasiment deux fois le montant que nous attendions en début d’année
Ces difficultés sont-elles pour autant structurelles? 

Sur le marché du HY, des éléments techniques expliquent en partie la sous-performance européenne: la composante énergétique est moitié moindre en Europe qu’aux USA notamment. Les désagréments de la galaxie Adler en Europe ont aussi affecté une portion de notre secteur immobilier. Enfin, concernant les flux, il est certain que les investisseurs ne souhaitent plus rentrer de risque à cette époque de l’année, et notamment sur des valorisations tendues. 

En se projetant sur 2022, les vents contraires sont toutefois amenés à diminuer. Concernant le risque de duration, on peut penser que la BCE ne devrait pas laisser le PEPP sans successeur, ce qui ouvrirait la porte à une résurgence des anticipations de fragmentation financière (voire la volatilité actuelle sur les BTPS en Italie); les goulots d’étranglement devraient se réduire au fur et à mesure que le marché du travail se renormalise, réduisant les anticipations d’inflation pour le H2 2022; enfin, tout ce qui est préfinancé au Q4 2021 (à des taux encore très attractif pour les émetteurs), ne retapera pas à la porte en 2022… le marché retrouvera son équilibre. 

En conclusion, nous ne considérons pas les signaux actuels comme alarmants pour le crédit et les autres classes d’actifs. Si les performances devraient être molles sur la fin d’année pour l’obligataire, cette période de transition a pour avantage de redonner un peu de portage au gisement et de rendre plus attractif son profil pour 2022.

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