Marché du crédit: comment aborder la dernière ligne droite?

Cyril Parison, Exane Solutions

2 minutes de lecture

Echanger du risque de taux contre du risque crédit nous semble judicieux sur cette fin d’année.

La période estivale va bientôt prendre fin pour les marchés financiers et force est de constater que les émetteurs privés l’ont très bien traversée : les résultats ont été porteurs, la demande est restée soutenue, et le contexte macro-financier laisse entrevoir une fin d’année somme toute assez tranquille pour le marché de la dette corporate.

Tout d’abord, les résultats confirment le rebond attendu, effet de base oblige : les révisions bénéficiaires sont autour de +25% pour les blue chips, les EBITDA corporate progressent davantage pour les émetteurs High Yield (HY) et, les profits des banques et des assureurs sont en moyenne en hausse de +50% à +100%... cette saison des résultats fera référence encore longtemps.   

Deuxièmement, dans un climat de courbes de taux toujours écrasées (UST 10Y à 1,3%, Bund 10Y à -0,45%), la demande de papier corporate se maintient à haut niveau. Le spread HY européen tangente les 300bp depuis quelque mois (soit proche de ses plus bas historiques), et l’Investment Grade (IG) s’installe également sur un plancher autour des 80bp en Europe. Surtout, les courts épisodes de volatilité sur les taux ou sur les marchés actions, ne semblent pas avoir prise sur la bonne humeur du marché du crédit.

Enfin, il faut dire qu’au-delà des bons résultats, le contexte macro-financier demeure excellent pour la dette: les indicateurs macro restent en expansion notable, les banques centrales vont durcir le ton mais prennent moult précautions dans leur wording, les taux longs ont du mal à rebondir, laissant une belle prime de risque aux papiers privés. Le terme goldilocks est aujourd’hui particulièrement bien adapté au marché du crédit.

Les compartiments HY devraient remplir leur contrat
sur 2021 avec des performances pour les AT1 au-delà des 6%.

La question pour la fin d’année est donc simple : faut-il maintenir son allocation, ou opérer quelques changements ?

La pierre angulaire reste la question des taux… et selon toutes vraisemblance, nous sommes sur un point bas. Comme déjà indiqué, nous serions surpris de terminer l’année avec un 10 ans US sous les 1,5% et un Bund sur les niveaux actuels. Le risque est donc de revivre le scénario de mars, à savoir une baisse de valorisation des titres d’État, emmenant dans son sillage le segment IG (il ne faut  pas oublier que l’Iboxx IG US a touché les -6% en mars dernier…).

Pour faire face à ce risque, nous conseillons d’alléger son exposition à l’Investment Grade US et européen qui viennent, en quelques mois, d’opérer un formidable rebond. Leur forte sensibilité aux taux d’intérêt peut les handicaper sur les prochains mois, si le scénario de reflation se confirme. Au contraire, nous restons à surpondérer sur la partie sub-investment grade, tant pour les financières que les corporate en raison des fondamentaux en place.

D’un côté, le HY corporate est en bonne santé avec un taux de défaut qui devrait terminer 2021 autour des 3,5% en Europe (4,7% à fin juin 2021 selon S&P), des ratings orientés positivement (ratio upgrade/downgrade à 2x YTD), et des ratios de leverage revus à la baisse en raison de la bonne tenue des EBITDA. Certes, les sponsors profitent de cet environnement pour opérer des dividend recap, mais nous sommes dans une tendance assez similaire aux rachats d’actions pour la partie equity. Finalement, le risque repose sur quelques secteurs (tourisme, loisirs, énergie), ce qui est déjà largement pricé par les investisseurs.

De l’autre côté, les financières continuent de rester attractives avec des ratio CET1 bancaires au plus haut et un rebond notable de la rentabilité au Q2 (trimestre le plus profitable en 5 ans grâce à la banque d’investissement et à l’effondrement du coût du risques); et un secteur de l’assurance qui bénéficie d’une sinistralité en baisse (l’impact COVID s’estompant), permettant au ROE moyen de rebondir de 200bp environ tout en conservant une marge de solvabilité au-delà des 200%.

En conclusion, échanger du risque de taux contre du risque crédit nous semble judicieux sur cette fin d’année. Les compartiments HY devraient d’ailleurs remplir leur contrat sur 2021 avec des performances pour les AT1 au-delà des 6% et un HY corporate européen proche des +5%. En absolu, l’année 2021 sera donc un bon millésime pour qui sait choisir son risque…

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