Faut-il appeler un plombier?

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

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Les investisseurs se demandent quels seront les prochaines victimes du réajustement des taux d’intérêt.

© Keystone

La crise obligataire britannique montre que le système financier a de plus en plus de mal à résister à la pression de la hausse forte et rapide des taux d’intérêt. La fonction de réaction des banques centrales redevient dès lors plus incertaine, les objectifs de lutte contre l’inflation pouvant se heurter à celui de la stabilité financière.

Une tuyauterie infernale

Les interprétations vont bon train au sujet de la crise obligataire britannique. Certains y voient une crise budgétaire liée aux récentes annonces d’un couteux bouclier tarifaire et de fortes baisses d’impôt financés par l’emprunt. Le FMI a d’ailleurs rapidement critiqué ce budget, ce qui est assez inhabituel. Il est cependant plus probable que la crise soit due à des problèmes de tuyauterie financière du côté des fonds de pensions britanniques «à prestations définies». Ces fonds, dont les encours dépassent les 1500 milliards de livres sterling, ont depuis dix ans délégué à des gérants externes des stratégies de gestion actif-passif incluant des produits dérivés à effets de levier (les désormais fameux «LDI», pour «Liability Driven Investment»). Ces stratégies étaient semble-t-il prévues pour résister à des hausses de taux à long terme de l’ordre de 200 points de base sur un an. Cette marge de sécurité ayant été largement dépassée à partir de l’été 2022, les contreparties des LDI ont exigé des appels de marges que ces fonds ont financé en vendant… des obligations du Trésor. Gardienne de la stabilité financière, la Banque d’Angleterre est donc intervenue pour mettre fin à ce cercle infernal en promettant d’acheter massivement des obligations de maturité très longue (plus de 20 ans) jusqu’au 14 octobre.

La volatilité des taux est devenue trop importante, et la crise obligataire anglaise provoque des achats d’actifs sans risque.

Il est important de préciser que les problèmes des fonds de pension impliqués dans ces stratégies LDI sont des problèmes de liquidité et non de solvabilité. Au contraire, la solvabilité des fonds de pension s’améliore fondamentalement avec la hausse des taux d’intérêt, celle-ci réduisant la valeur actuelle de leurs engagements futurs. C’est donc du côté de la «tuyauterie» que le bât blesse. Inévitablement, les investisseurs se demandent déjà quels seront les prochaines victimes du réajustement violent des taux d’intérêt, ce qui provoque une augmentation des primes de risque sur les marchés obligataires, et une baisse des valorisations des actions.

Des opportunités à venir

Quant aux banques centrales, pourront-elles continuer à resserrer rapidement leur politique monétaire sans provoquer une trop forte instabilité financière qui, comme en Angleterre, les obligerait à intervenir à contrecœur? Confrontées à une inflation parfois très forte (plus de 10% en Angleterre et en Allemagne), et, aux Etats-Unis surtout, à des marchés du travail encore très solides, nul doute que les grandes banques centrales veulent continuer à monter rapidement leur taux d’intérêt à court terme. L’on saura très rapidement si la Banque d’Angleterre pourra à la fois mettre fin à son intervention sur les marchés, monter fortement les taux monétaires et commencer à réduire son bilan. Certains analystes pensent déjà que le resserrement quantitatif prévu par la Banque d’Angleterre et la Fed pourrait ne pas avoir lieu.

Face à cette nouvelle crise et à ses interrogations, il faut continuer à baisser les taux d’exposition dans les fonds flexibles internationaux (vente de positions tactiques sur le Japon et les banques européennes, et couverture à l’aide de future sur actions). La volatilité des taux est devenue trop importante, et la crise obligataire anglaise provoque des achats d’actifs sans risque. Il faut bien entendu rester prêts à ajuster ses positions dans un sens ou dans l’autre face à ces marchés certes très difficiles mais où les opportunités ne manqueront pas dans les semaines qui viennent.

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