L’inflation désenfle

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

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La baisse des pressions inflationnistes est trop récente pour empêcher les banques centrales de hausser les taux.

©Keystone

Le processus désinflationniste semble enclenché, et il pourrait s’étendre à l’Europe dans les prochains mois. C’est la condition nécessaire à une stabilisation des marchés des actions.

Surtout apparente aux Etats-Unis depuis le début de l’été, la baisse des pressions inflationnistes commence à s’élargir. Les pressions globales sur les chaines de production mesurées par la Fed de New York ont atteint au mois d’août leur plus bas niveau depuis début 2021. A cela s’ajoute la baisse des prix de nombreuses matières premières, baisse favorisée par une économie chinoise qui tourne toujours au ralenti. Aux Etats-Unis, le prix de l’essence a désormais reperdu plus de 25% depuis son plus haut niveau de juin, et n’est plus qu’à 5% de son niveau d’avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

La désinflation en Europe

Mais c’est en Europe que les évolutions très récentes sont les plus substantielles, l’Allemagne acceptant désormais le principe d’une révision des calculs des prix de l’électricité dans l’Union européenne. D’âpres discussions sont en cours, le but fixé par la Commission étant d’atteindre un prix plafond de 200 euros par mégawatt-heure pour l’électricité produite par d’autres sources que le gaz naturel. La nouvelle a déjà eu un impact fort sur les prix des contrats futures sur l’électricité allemande, alors que ceux-ci prenaient une trajectoire totalement insoutenable depuis le début de l’été.

La désinflation pourrait donc se propager à l’Europe dans les mois qui viennent. Ce processus de désinflation est évidement la condition nécessaire à une meilleure tenue des marchés financiers, mais ses bénéfices pourraient être limités par deux obstacles majeurs. Le premier de ces obstacles, c’est que la désinflation est déjà anticipée par les marchés obligataires, avec des taux à long terme à 3,25% aux Etats-Unis et 1,7% en Allemagne. Les obligations indexées sur l’inflation indiquent que les investisseurs anticipent une inflation d’environ 2% sur les 10 prochaines années. Seule la menace d’une récession imminente pourrait donc justifier d’acheter des obligations à ces niveaux-là. Or, les effets bénéfiques de la désinflation actuelle pour l’économie rendent ce scénario moins crédible, particulièrement aux Etats-Unis.

Le deuxième obstacle vient du changement de la fonction de réaction des banques centrales annoncée depuis plusieurs mois. La baisse des pressions inflationnistes est beaucoup trop récente pour empêcher la Fed et la BCE de poursuivre la hausse des taux monétaires, ceux-ci demeurant encore nettement inférieurs à l’inflation (surtout en Europe). La Fed, les yeux fixés sur un marché du travail en surchauffe, désire passer en politique monétaire restrictive avec des taux d’au moins 4% en début d’année 2023. Quant à la BCE, elle veut normaliser ses taux d’intérêt, ce qui signifie au moins 2% sur les taux monétaires en 2023. Elle laisse le soin aux autorités budgétaires de compenser les effets récessifs de la coupure du gaz russe. Les conditions monétaires vont donc continuer à se tendre malgré la désinflation.

Pour les épargnants et les investisseurs européens, c’est donc un paysage entièrement nouveau qui se dessine, inédit depuis plus de dix ans. Déjà supérieurs à 1% pour la première fois depuis 2012, les taux moyen des TCN (titres de créance négociables) à 3 mois devraient dépasser les 2% d’ici le début de l’année prochaine. Longtemps problématique, le cash reprend donc son titre de noblesse dans l’allocation d’actifs. C’est même le moyen le plus simple et le plus sûr de bénéficier de la hausse actuelle et à venir des taux à court terme.

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