Récession: les jeux sont loin d’être faits

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

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Malgré des signes prometteurs de désinflation, la persistance de l’inflation «core» oblige la Fed à continuer ses pas de géants.

©Keystone

Outre la baisse des prix de l’essence, qui continue en septembre, la désinflation des prix à la production s’est confirmée au mois d’août. Les enquêtes régionales auprès des entreprises industrielles disponibles pour le mois de septembre suggèrent que ce mouvement va se poursuivre. Les effets de cette désinflation ne se font cependant pas encore sentir sur les prix à la consommation, le «core» CPI évoluant toujours à un rythme de 6% à 7%. La hausse continue des loyers, hausse qui devrait se calmer à partir de la fin de l’année, est une des raisons du maintien d’une inflation élevée.

L’économie américaine demeurant par ailleurs solide, comme l’indique le très faible niveau des demandes d’indemnités chômage, les marchés financiers en ont logiquement conclu que la Réserve fédérale américaine allait poursuivre sa politique de grands pas, certains évoquant même une hausse de 100 points de base lors du prochain FOMC du 21 septembre. A cette occasion, la courbe des taux américaine deviendra très probablement inversée, les taux à 3 mois passant au-dessus des taux à 10 ans. Ce différentiel entre taux à 10 ans et taux à 3 mois est celui qui est le plus communément retenu comme «annonciateur de récession».

Le niveau historiquement très bas des taux d’intérêt rend plus hasardeuse l’analyse comparative avec les épisodes précédents.

La fiabilité de cet indicateur doit cependant être relativisée. D’abord en termes de timing, la courbe des taux s’étant inversée entre 10 et 22 mois avant la récession au cours des cinq dernières occurrences (hors récession COVID). La prochaine récession américaine débuterait donc entre juillet 2023 et juillet 2024 selon cette «règle» établie sur un échantillon forcément très petit de récession (les récessions sont rares). Inutile, donc, de retenir son souffle. Ensuite, le niveau historiquement très bas des taux d’intérêt rend plus hasardeuse l’analyse comparative avec les épisodes précédents. Enfin, la courbe des taux n’est qu’un des indicateurs avancés d’une récession à venir, d’autres indicateurs plus classiques devant la compléter, comme les nouvelles commandes, les indemnités chômages, les spreads de crédits, etc.

Malgré l’inversion imminente de la courbe des taux, les enjeux des prochains mois restent donc toujours les mêmes. Le ralentissement de l’économie mondiale, l’impact des hausses de taux sur l’immobilier, la normalisation progressive des chaines de production et l’accalmie des prix des matières premières dessinent un scénario de modération et de désinflation qui semblerait a priori plutôt favorable aux marchés financiers. Mais tant que la désinflation sera insuffisante, les banques centrales continueront à doucher régulièrement les espoirs des investisseurs.

Ceux-ci commencent d’ailleurs enfin à mieux intégrer la fonction de réaction des banques centrales. Ils anticipent désormais un taux de 4,5% pour la Fed en mars 2023, et de 2,5% pour la BCE. Le réalisme commence donc à prévaloir, ce qui pourrait constituer un élément de stabilisation des marchés financiers. La prime de risque sur les marchés obligataires nous semble cependant toujours insuffisante pour s’aventurer sur ces marchés.

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