Etats-Unis: que faut-il attendre en année électorale?

Nicolas Forest, Candriam

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Si nous assistons à un nouveau duel Biden-Trump, les marchés réagiront-ils de la même manière? Une chose est sûre, ils scruteront de près les choix budgétaires des candidats.

Le 5 novembre, l’élection présidentielle américaine attirera l’attention des marchés. Un nouveau duel Biden–Trump semble aujourd’hui le plus vraisemblable. Même en cas de répétition du duel, les impacts sur les marchés pourraient différer. L'observation historique en année électorale soulève chaque fois de nombreuses questions sur les marchés. Les conséquences sur l'économie américaine et les inquiétudes concernant la dette publique pourraient également s'intensifier.

A moins d’un an des élections, l'économie américaine affiche une croissance positive, le S&P500 est au plus haut, la désinflation progresse, le taux de chômage est au plus bas, les écarts salariaux diminuent, et la réindustrialisation est en marche. L'administration Biden surpasse les attentes, malgré les anticipations de nombreux experts d’une récession tirée par le resserrement de la Réserve fédérale. Toutefois, le ressenti des ménages est plus mitigé: malgré la baisse de l'inflation, les prix sont sensiblement plus élevés qu’avant la pandémie.  Et la hausse des taux d’intérêt pourrait impacter négativement les budgets des ménages. Dans un contexte politique polarisé, l’élection ne se jouera probablement pas uniquement sur les performances économiques et boursières.

Avec des marges budgétaires réduites, les enjeux électoraux pour les marchés boursiers seront probablement plus sectoriels que «macroéconomiques». 

En année électorale, les marchés montrent généralement une volatilité plus élevée et des performances légèrement inférieures, observées depuis au moins 1984. Cette tendance résulte de la croissance des bénéfices des entreprises liée à la stabilité économique pré-électorale tandis que la prime de risque et la volatilité due à l’incertitude croissante sur la politique économique ont tendance à augmenter, avec un pic avant de diminuer une fois les résultats connus.

Les marchés seront attentifs aux choix budgétaires des candidats. Trump envisage de prolonger les baisses d'impôts décidées en 2017 qui arriveront à expiration en 2025, coûtant, selon le Committee for a Responsible Federal Budget (CRFB) , quelque 3’300 milliards de dollars sur dix ans, creusant le déficit et faisant grimper la dette publique à 125% du PIB en 2033 contre 115% en l’état.

Financer cela par une hausse de 10% des droits de douane sur les importations pourrait rapporter 2,5 trillions de dollars, mais risquerait de favoriser une guerre commerciale mondiale. Rééquilibrer le budget en réduisant les dépenses discrétionnaires hors défense (moins de 3% du PIB) semble illusoire. Moody’s a mis le AAA du pays sous surveillance négative, soulignant ces risques. La confiance des investisseurs diminue, le CDS américain passant de 10 points de base à plus de 47 fin décembre 2023, et plus de 70 pendant l'impasse sur le plafond de la dette au printemps 2023, avec une tendance à s'accroître.

Avec des marges budgétaires réduites, les enjeux électoraux pour les marchés boursiers seront probablement plus sectoriels que «macroéconomiques». Les orientations des candidats divergent. Biden vise un secteur électrique décarboné d'ici 2025 et la neutralité carbone d'ici 2050, tandis que Trump, s'il est réélu, pourrait poursuivre son retrait des accords de Paris et annuler des lois environnementales. L’avenir de l’ACA («Affordable Care Act») serait également compromis avec une victoire de Trump. Les propositions de régulation de l’intelligence artificielle pourraient aussi i impacter les marchés. La majorité présidentielle est aussi cruciale, car sans majorité au Congrès, les promesses présidentielles sont limitées.

La question de l’indépendance de la Réserve fédérale pourrait aussi inquiéter les marchés. D. Trump a souvent attaqué la banque centrale et a tenté d’y nommer Judy Shelton, très critique de l’institution et fervente partisane du retour à l’étalon or. Si D. Trump était élu, J. Shelton pourrait bien faire son entrée à la Fed (à condition bien sûr que le Sénat ne s’y oppose pas à nouveau), voire même à la tête de l’institution en remplacement de J. Powell, dont le mandat de Président expire en janvier 2026. Revenir sur l’indépendance de la banque centrale – ou même simplement le laisser entendre – avant même que le souvenir du récent épisode inflationniste ne soit effacé, serait dangereux!

Les programmes de D. Trump et J. Biden engageront ainsi l’économie américaine sur des voies très différentes. Tant qu’un candidat ne se détachera pas, il y a fort à parier que l’incertitude pèsera sur les marchés actions et nourrira leur volatilité. Si le passé n’est pas toujours un «bon» guide, rappelons que lors de l’élection de 2020, Biden avait certes obtenu 7 millions de voix de plus que son adversaire, mais l’élection s’était jouée à moins de 100’000 voix, dans une poignée d’Etats! Le pire pour les marchés serait bien sûr que l’incertitude ne soit pas levée le 5 novembre 2024.

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