Du cygne noir aux vilains petits canards

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

2 minutes de lecture

Après la pandémie, ne peut-on s’attendre à l’envol d’entreprises prometteuses mais encore méjugées?

La crise aura glissé sur certains comme sur les plumes du proverbial animal.  D’autres y ont trouvé l’occasion d’y déployer leurs ailes, laissant les «canards boiteux» plus fragiles encore.  Pour ceux-là, le glas sonnera avec la fin des soutiens et autres aides publiques.

Par-delà la facile métaphore animalière – mais après tout, elle nous change de l’alphabet de l’économie –, les performances boursières et les levées de fonds record de ces dernières semaines nous poussent à nous interroger sur les prochains champions d’une reprise, qui se fait pourtant encore désirer. Rappelons-nous que le vilain petit canard1 du conte se transforme, lui, en majestueux cygne blanc! Sans prétendre à l’exhaustivité, ni même à l’objectivité, il nous paraît intéressant de nous pencher sur quelques thématiques à venir.

L’accélération de l’adoption des nouvelles technologies
dans la finance et l’assurance est d’ores et déjà à l’œuvre.

Commençons par ceux à qui la Covid a redonné des ailes. Le lancement en temps record et à grande échelle des nouveaux vaccins de type «ARN messager» laisse espérer que leur application s’étende à d’autres thérapies – notamment au cancer. Le rachat par AstraZeneca d’Alexion Pharmaceutical témoigne de ces ambitions. Bien qu’à l’aune des dernières nouvelles – résurgence de la pandémie en Allemagne et mesures de confinement plus strictes annoncées pour la fin de l’année – cela semble encore lointain, les secteurs et les entreprises durement touchés par les restrictions de déplacement vont profiter de l’envie d’évasion et de convivialité qui s’est déjà manifestée2. Regardons également du côté des entreprises et des secteurs, mais aussi des pays qui sauront tirer parti du redéploiement des chaînes de valeur. La reprise du commerce mondial a déjà profité aux grands du transport (Maersk, MSC), cela devrait se poursuivre. En Asie, la Thaïlande et Singapour restent en tête du palmarès des introductions boursières – en valeur - cette année. En Afrique – bien moins touchée par la pandémie – les investissements en infrastructures de communication et en énergie tiennent la corde. La poursuite probable des tensions commerciales – sinon stratégiques – entre la Chine et les Etats-Unis (et l’Europe) rebat les cartes de la technologie. Nous le savons déjà, la bataille du cloud est relancée, l’accélération de l’adoption des nouvelles technologies dans la finance et l’assurance est d’ores et déjà à l’œuvre et les annonces récentes dans le secteur bancaire en témoignent.

Relocalisations, circuits courts, aléas climatiques, demandes de traçabilité, hausse des prix finaux, autant de raisons de s’intéresser au secteur de l’agroalimentaire, lui aussi en grande mutation.  N’oublions pas que c’est aussi un des secteurs les plus avancés en matière d’adoption des nouvelles technologies.

L’Europe pourrait bien s’avérer
le meilleur pari de l’année à venir.

A contrario, ne faudrait-il pas s’interroger sur le potentiel de performance supplémentaire des premiers grands gagnants de la pandémie? Les GAFAM et leur galaxie ont porté la remontée boursière du printemps. On ne peut contester le statut de «Blue Chips» qu’elles ont désormais conquis. Le deuxième confinement et l’annonce des vaccins leur a certes été un peu moins profitable. Les pressions fiscales et judiciaires s’accentuent un peu partout et pour certaines, cela pourrait éroder une partie de leur rentabilité. Les «imitateurs» se sont montrés plus entreprenants. De nouveaux concurrents pourraient se poser en outsiders.

Au regard de cette liste, l’Europe pourrait bien s’avérer le meilleur pari de l’année à venir. La mise en œuvre du plan de relance de l’UE et le soutien de la BCE, le recentrage régional – hors de la dépendance technologique extérieure et après le Brexit – la puissance agricole et les exigences en matière d’investissements technologiques et climatiques, les avancées médicales, devraient favoriser le rebond des marchés du continent et celui de l’euro.

Les vilains petits canards ne le resteront qu’aux yeux de ceux qui n’ont pas appris l’histoire et ne savent pas reconnaître un potentiel.

 

1 De Hans Christian Andersen.
2 Voir notre article du 17 novembre 2020, «Une envie d’évasion».

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