Du confinement à la vaccination

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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2020 n’est pas finie mais il est déjà certain qu’on n’avait jamais vu l’économie mondiale dévier autant de la trajectoire qu'elle prenait un an plus tôt.

©Keystone

Fin 2019, 98% des économies étaient simultanément en croissance, selon le FMI. Il n’existait alors aucun excès macroéconomique ou financier majeur pouvant laisser penser qu’il n’en aille pas de même en 2020. Pas de tensions inflationnistes (comme dans les années 1970), pas de brutal tour de vis monétaire (comme dans la récession Volcker du début des années 1980), pas de crise de balance des paiements (comme souvent dans les pays émergents), pas de bulle immobilière (comme en 2007), pas de restriction du crédit, bref rien qui soit de nature à causer la pire contraction d’activité jamais enregistrée en période de paix. Rien donc, si ce n’est ce satané virus qui a mis un coup d’arrêt à l’activité, en Chine d’abord, partout ailleurs ensuite. Le bilan de 2020, c’est que les trois quarts des pays ont connu une grave récession et que le quart restant, c’est-à-dire surtout la Chine, a eu une croissance très inférieure à son potentiel.

L’histoire des cycles montre que la gravité des crises tient certes au choc
qui les a provoquées mais aussi aux cicatrices qu’elles laissent sur l'économie.

En somme, l’économie mondiale était dans une situation d’équilibre stable. Un choc externe l’a déstabilisé. Diverses mesures d’exception ont été prises pour y répondre, au plan sanitaire (quarantaine, confinement, couvre-feu) et au plan économique. Le retour aux conditions initiales –on n’ose parler de retour à la normale –peut-il s’envisager dans un délai raisonnable? Cet espoir s’est accru avec les nouvelles encourageantes concernant la découverte de vaccins efficaces contre le coronavirus, mais il faudra compter en mois, et peut-être même en trimestres, avant que les campagnes de vaccination aient l’ampleur requise pour mettre un terme à la pandémie. A court terme, les risques pointent vers le bas. La pandémie regagnant en intensité en Europe et aux Etats-Unis, de nouvelles restrictions viennent limiter la mobilité et les échanges. C’est autant de temps additionnel où ces économies vont opérer bien au-dessous de leurs capacités. Au même moment, des décisions de politique budgétaire (extension du CARES Act aux Etats-Unis, ratification du plan de relance en Europe) sont en suspens.

L’histoire des cycles montre que la gravité des crises tient certes au choc qui les a provoquées mais aussi aux cicatrices qu’elles laissent sur le système économique. On se relève plus difficilement d’une récession qui endommage les bilans des banques, des entreprises ou des ménages car il faut alors des années pour apurer les comptes. On pourrait citer l’exemple du Japon dans les années 1990 ou celui de nombreux pays de la zone euro après la crise financière de 2008. Dans la crise actuelle, il y a diverses raisons d’anticiper une sortie de crise plus rapide que dans ces différents épisodes.

Primo, comme on l’a déjà souligné, il n’y avait pas de grands déséquilibres avant l’apparition du virus. Les banques venaient de passer une décennie à renforcer leurs fonds propres et, réglementation oblige, elles n’avaient pas prêté de manière inconsidérée au point de créer des bulles de crédit. Certains segments de marché, comme la dette à haut rendement des entreprises, avaient suscité quelques alarmes mais rien qui n’ait une dimension systémique.

Le secteur des ménages s’est enrichi en 2020 et a même
accumulé des réserves d’épargne forcée.

Secundo, le secteur des ménages s’est enrichi en 2020 et a même accumulé des réserves d’épargne forcée. C’est le contraire qu’on observe dans une récession canonique. Par conséquent, cela augure une normalisation rapide des dépenses une fois que les restrictions liées au virus auront pu être levées de manière définitive.

Tertio, la réaction exceptionnelle de politique économique a permis d’assurer la liquidité de tous les segments de marché –ce qui n’allait pas de soi en mars dernier –et d’éviter un rationnement du crédit. Certains s’alarment de la zombification des entreprises et de l’endettement public en résultant mais, à notre connaissance, nul n’a encore démontré que les conditions d’activité futures seraient meilleures si on laissait des pans entiers de l’économie faire faillite. On aurait alors une destruction immédiate et irréversible du potentiel de croissance. Les tenants d’une approche liquidationniste (une bonne purge aujourd’hui pour mieux se porter demain) rappellent ces médecins à chapeau pointu qui saignaient les malades pour leur ôter leur mal. Ils y réussissaient mais en leur ôtant aussi la vie. Pour la première fois depuis un an, une sortie de la pandémie se dessine grâce aux avancées convergentes dans la recherche d’un vaccin. Le vaccin pose en retour la question de la conduite des politiques monétaires et budgétaires. Il pourrait être tentant de conclure que le vaccin se substitue aux plans de relance et aux soutiens des banques centrales, et par suite que la politique économique doit être vite «normalisée». Ce serait prendre le risque de substituer un choc à un autre. Même en tablant sur une accélération de la croissance au second semestre 2021, le choc sur l’activité a été tel qu’il ne faut pas compter retrouver le niveau pré-virus avant la fin de 2021 dans la plupart des pays (la Chine étant l’exception). Deux années de croissance envolées ne poussent évidemment pas à durcir la politique économique.

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