Des opportunités sur l’obligataire, malgré le contexte géopolitique

Philippe Gräub & Olivier Debat, Union Bancaire Privée

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Le momentum est aujourd’hui favorable pour se réorienter vers les obligations, notamment sur le marché du high yield.

Philippe Gräub, responsable de l’équipe Global & Absolute Return Fixed Income.

La guerre en Ukraine ne remet pas en cause le cycle de resserrement monétaire des banques centrales. A l’heure où les entreprises affichent des bilans assainis et peuvent assumer les pressions inflationnistes à l’œuvre, les marchés obligataires, et notamment le segment high yield, ont de quoi retrouver de l’attrait auprès des investisseurs.

L’économie européenne a commencé l’année sur des bases solides malgré la vague du variant Omicron qui a déferlé sur le Vieux Continent fin 2021-début 2022. La croissance robuste reste portée par la vigueur de la consommation des ménages, avec un taux de chômage qui se rapproche du niveau du plein-emploi. Aux Etats-Unis, la richesse des consommateurs américains les plus modestes s’est également renforcée depuis 2015. Ainsi, des deux côtés de l’Atlantique, la solidité du bilan des ménages devrait permettre d’absorber les hausses de prix des biens et des services dans le contexte inflationniste actuel.

La guerre en Ukraine est une crise européenne, et non mondiale.

Quant aux entreprises, les marges évoluent à des niveaux satisfaisants, notamment en Europe, avec des marges d’Ebitda orientées à la hausse depuis 2020 et qui dépassent désormais 20% en moyenne. Sur le marché du crédit investment-grade, on estime que le retour de l’inflation aura des conséquences préjudiciables pour seulement 10% des sociétés. Ces valeurs pénalisées par l’inflation se retrouvent dans les secteurs des biens de consommation, du commerce de détail et de la chimie, alors même que l’inflation sous-jacente devrait retrouver des niveaux «normaux», si les prix de l’énergie venaient à baisser après la nervosité des dernières semaines liée à la situation géopolitique.

Ainsi, le resserrement monétaire engagé par la Fed intervient dans un contexte macroéconomique plus robuste que celui observé lors des cycles précédents de hausse des taux. La Banque centrale américaine (Fed) pourrait procéder à dix relèvements de taux en 2022-2023 (7 en 2022, 3 en 2023) – un scénario déjà largement valorisé par le marché. En Europe, les projections sont moins consensuelles. Les investisseurs anticiperaient maintenant sept hausses de taux en 2022-2023, mais, en Europe, la dynamique de l’économie dépend davantage de l’évolution des prix de l’énergie qu’aux Etats-Unis.

En effet, le conflit en Ukraine affectera principalement les pays européens via le canal de l’importation de matières premières, lesquelles constituent 68% des exportations russes. Selon les estimations, le coût pour la croissance mondiale s’établirait à -0,8 point de pourcentage (pp), soit un niveau similaire à celui de l’impact de la vague Omicron. La situation est plus disparate en termes de blocs économiques: la croissance pourrait ainsi baisser de 2,1 pp en zone euro, contre un recul de seulement 0,1 pp aux Etats-Unis.

Un «momentum» favorable, sans un durcissement des sanctions sur les approvisionnements européens en gaz.

Le conflit en Ukraine a fait monter les swap spreads à des niveaux de stress équivalents à ceux de la crise de la zone euro, et proches de ceux de 2008. Cela est un indicateur intéressant en termes de valorisation car il montre que beaucoup de mauvaises nouvelles sont déjà «pricées». Aussi, le panorama macroéconomique favorable et la situation financière solide des entreprises peuvent justifier un retour des investisseurs sur les marchés obligataires, avec notamment une préférence pour les émetteurs qui affichent un bêta élevé au sein des allocations. L’augmentation des rendements (7% en USD pour une stratégie «Global high yield» en indices de CDS) peut amortir un scénario moins propice pour l’Europe. Par ailleurs, le marché du high yield américain, marqué par une forte présence des acteurs de l’énergie, devrait profiter de la remontée des prix des hydrocarbures.

Enfin, les investisseurs devront également conserver une exposition défensive à la duration. Ce positionnement a en effet été adopté par l’équipe dès janvier au vu du changement de discours de la Fed, et il n’a pas été invalidé par le début de l’offensive russe en Ukraine, le 24 février dernier. Par conséquent, nous pensons que le «momentum» est aujourd’hui favorable pour se réorienter vers les obligations, notamment sur le marché du high yield. Cette crise devrait, en outre, entraîner une poursuite de l’aplatissement de la courbe des taux aux Etats-Unis.

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