Des dangers du contrôle des prix

Peter de Coensel, DPAM

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Au contrôle des prix, facteur de graves distorsions, il faut préférer des politiques fiscales adaptées.

Les chiffres de l’inflation aux Etats-Unis ont provoqué une onde de choc sur les marchés la semaine dernière. En août, l'indice des prix à la consommation (ménages urbains) corrigé des variations saisonnières a progressé de 0,1%. Sur les 12 derniers mois, ce même indice, non corrigé des variations saisonnières, a augmenté de 8,3%. Pour l’indice hors alimentation et énergie, ces chiffres ont été de 0,6% et 6,3% respectivement.

Vers la stagflation

Mais alors que l’on attend encore la confirmation de ces données, certains composants de l’indice viennent déjà raviver les craintes. Ainsi le prix de l’alimentation à domicile a bondi de 13,5%, ce qui représente sa plus forte hausse annuelle depuis mars 1979. Le prix de l’alimentation hors domicile a augmenté de 8% sur un an à fin août 2022. Il s’agit de la progression la plus forte enregistrée depuis octobre 1981, date à laquelle sa progression sur 12 mois s’établissait à 8,4%. En glissement annuel, cela signifie que l’indice des prix à la consommation de base a progressé de 4,75% en août (4,56% en juillet). Ainsi durant chacun des trois derniers mois écoulés, l’augmentation moyenne en glissement annuel a été de +0,35%.

Si cette dernière était nulle, l’évolution de l’indice des prix à la consommation de base exprimé en glissement annuel tomberait au-dessous de 2% d’ici mars 2023. Si elle s’établissait à +0,2%, il faudrait attendre la fin 2023 pour ramener la progression de l’indice à 2,43%. En revanche, si l’augmentation mensuelle moyenne se situait à +0,3%, l’indice des prix progresserait alors de +3,66% et serait donc largement en dehors de la cible fixée par la Fed. Ces diverses projections montrent que 2023 pourrait être une année de désinflation. Mais quel serait alors le risque lié à la réalisation de scénarios extrêmes?

Un contrôle coûteux et inefficient

Les risques surgissent précisément à l’endroit où s’arrête la politique monétaire et où commence la politique inadaptée d’un gouvernement. Les dirigeants politiques sont soumis à une pression croissante des ménages et des entreprises qui leur demandent d’atténuer les effets négatifs de l’inflation. Cependant, la mise en place des contrôles des prix sur des produits de première nécessité tels que le gaz, l’électricité ou l’alimentation soulève un certain nombre de questions. L’histoire tend en effet à démontrer que le plafonnement des prix ou leur arrimage à un plancher débouche sur des résultats économiques sous-optimaux.

De plus, un contrôle des prix qui cherche à réduire l’impact de l’inflation à court terme est contre-productif par rapport à l’objectif d’ancrage de l’inflation à long terme. En effet, en plafonnant les prix, les gouvernements tentent de contourner l’inflation. Or la hausse des prix a plusieurs fonctions. En premier lieu, elle permet de réorienter des biens et services devenus rares vers les acheteurs qui sont les plus disposés et les plus aptes à les payer. En second lieu, elle montre qu’un bien ou service est très demandé et que par conséquent les producteurs peuvent tirer profit de cette demande en augmentant la quantité fournie. Et dans un processus de production où l’offre ne subit aucune entrave, l’augmentation des quantités fournies fait baisser les prix.

Par conséquent, le contrôle des prix peut avoir un coût dont l’importance dépendra de l’ampleur des contrôles et du degré de distorsion qu’ils induisent par rapport aux prix qui seraient pratiqués sur un marché libre. Les biens et services étant répartis de manière inefficace entre consommation et production, les entreprises tentent d'influencer le processus politique de fixation des prix. Le débat actuel entre les pays de l'UE en est la preuve. Dès que le contrôle des prix est officialisé, les manœuvres de contournement se généralisent. Au début des années 1970, le contrôle des prix instauré par Nixon a débouché sur une économie dans laquelle l'inflation ne disposait plus d’un ancrage solide et dans laquelle le chômage augmentait. Cela a abouti à une décennie de stagflation. Le contrôle des prix est donc à éviter, consommateurs et entreprises ont davantage besoin de politiques fiscales et monétaires adaptées.

Prudence face à l’aléatoire

Comme attendu, la Fed a relevé ses taux directeurs de 0,75 point le 21 septembre, les taux se situant désormais dans une fourchette comprise entre 3% et 3,25%. Elle procède à un durcissement des conditions financières bien adapté puisqu’il lui permet de freiner la demande et d’éviter une spirale prix-salaires. Comme indiqué dans un précédent article, la Fed est en pilotage automatique et elle ne cédera pas tant que l’inflation n’aura pas clairement décéléré.

Du fait de l’assèchement du gisement de liquidités en dollars, il faut s’attendre à ce que les marchés de taux et les marchés dérivés en dollars maintiennent la demande de billets verts à un niveau élevé. En ce qui concerne les spreads de crédit, ils devraient rester «corrects» dans la mesure où les entreprises des secteurs financiers et non financiers sont parvenues à assainir et à renforcer leurs bilans durant la dernière décennie. Sur les marchés actions, la nervosité règne et les ajustements des valorisations se font en ordre dispersé selon les secteurs, mais les bourses ont généralement besoin de temps pour digérer les hausses de taux. Il convient donc d’être prudent, d’autant plus qu’au stade actuel les prévisions concernant le taux directeur final de la Fed sont encore trop aléatoires.

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