Dance Me to the End of Love – Multi Asset Navigator d’Unigestion

Guilhem Savry, Unigestion

3 minutes de lecture

Les attentes actuelles en matière de politique monétaire et de croissance des bénéfices intègrent trop d’inflation et trop peu de croissance.

2022: LA GRANDE NORMALISATION

Après deux années mouvementées de récession profonde et de reprise extrême, nous pensons que 2022 sera l’année de la normalisation en ce qui concerne le policy mix, l’activité économique et l’inflation. La nouvelle année devrait voir la croissance et l’inflation ralentir, les inventaires se transformant de vents contraires en vents arrière. Le risque d’une crise budgétaire est réel, tandis que les principales banques centrales se lancent simultanément dans un nouveau cycle de hausses. Tous ces facteurs devraient engendrer de la volatilité sur les marchés et provoquer de grandes dispersions au sein et entre les actifs. Dans ce contexte, la flexibilité des points de vue et du positionnement est essentielle pour naviguer dans un monde où le moindre changement pourrait avoir un impact considérable sur le sentiment du marché. La bonne nouvelle, selon nous, est que les attentes actuelles en matière de politique monétaire et de croissance des bénéfices intègrent trop d’inflation et trop peu de croissance. Que pouvons-nous attendre en termes de rendement des actifs à l’avenir?

 

 

Et Maintenant?

La Fed bascule, mais le taux final attendu reste faible

Le pricing du taux final des Fed funds américains (le niveau auquel les taux directeurs cesseront d’augmenter) se situe actuellement entre 1,8% et 2,0%. Si l’on met cela en perspective, un cycle complet de hausse des taux inférieur à 2% ne serait qu’une goutte d’eau dans l’océan sur une période de 50 ans. Il s’agirait du cycle de hausse des taux le plus bas de l’histoire, encore moins que celui qui a débuté en 2016, lorsque Yellen a déclenché un cycle de hausse en douceur, bien communiqué, où l’emploi comptait beaucoup plus que l’inflation. Certes, la direction des taux est ascendante, mais la distance est relativement faible et, à ce titre, le taux final compte plus que la trajectoire du resserrement.

La durée d’un cycle complet de hausse des taux est généralement inférieure à 24 mois (figure 1). Le pricing actuel implique toutefois que la Fed maintiendra le cycle à venir pendant 3 ans, ce qui à notre avis – et historiquement – semble plutôt tiré par les cheveux.

Figure 1: Cycles de hausse des taux de la Fed précédents et attendus

 
Source: Unigestion, Bloomberg au 31.12.2021

Même si le cycle de hausse des taux se concrétisait comme prévu jusqu’en 2024 et comme le suggèrent les dot plots de la Fed et les diverses prévisions faites en décembre 2021, les taux réels à court terme resteraient légèrement négatifs, ce qui ne s’est jamais produit depuis 1970 (figure 2).

Figure 2: Taux réels des Fed funds basés sur les dot plots de la Fed et des prévisions (réunion de décembre)

Source: Unigestion, Fed, Bloomberg au 31.12.2021

En résumé, nous ne pensons pas que l’ampleur et la durée du prochain cycle de hausse des taux de la Fed seront aussi importantes que le marché ne le prévoit actuellement, étant donné les pièges potentiels qui nous attendent en 2022 et notre conviction que la Fed préférera se montrer prudente plutôt que de relever les taux de manière agressive. Si l’on se fie à l’histoire, le chemin vers la normalisation sera plus court et moins profond que ce que la plupart – y compris la Fed – prévoient actuellement. Cela devrait être bénéfique pour les actifs axés sur la croissance en général et les actions en particulier.

La fin de «l’argent facile» n’est pas la fin pour les actions…

Une analyse des cinq derniers cycles de relèvement des taux par la Fed révèle que le S&P 500 a systématiquement progressé dans les 12 mois qui ont suivi la première hausse. En moyenne, l’indice a progressé de 7,6% (figure 3).

Figure 3: S&P 500 avant et après la première hausse de la Fed (mois)

 
Source: Unigestion, Bloomberg au 15.12.2021

 

…mais pèse sur l’activité et aggrave l’inflation

Ce qui peut paraître surprenant compte tenu du double mandat de la Fed, à savoir des prix stables et un emploi maximal, c’est que les cycles de resserrement passés ont eu des effets plus négatifs sur l’activité économique et l’inflation que sur les actifs financiers. Notre Nowcaster exclusif sur la croissance américaine, qui suit et synthétise la croissance américaine en temps réel à travers un large spectre de données économiques, a tendance à baisser en moyenne de 0,35 dans les 12 mois suivant la première hausse, comme le montre la figure 4 ci-dessous.

Figure 4: Nowcaster de croissance américaine avant et après la première hausse de la Fed

 
Source: Unigestion, Bloomberg au 15.12.2021

Plus surprenant encore, malgré le resserrement des conditions financières, les pressions inflationnistes continuent de croître de manière significative dans l’année qui suit la première hausse de la Fed. Notre analyse montre clairement une tendance haussière généralisée de notre Nowcaster sur l’inflation américaine dès le début du cycle.

Allocation d’actifs pour 2022

Si 2021 a été l’année de la reflation se transformant en véritable inflation, nous doutons que 2022 débouche sur une stagflation, comme le craignent de nombreux observateurs et acteurs du marché. Nous envisageons plutôt une décélération progressive de la croissance et de l’inflation, induite par l’assouplissement des contraintes d’approvisionnement, qui devrait réduire la pression sur les banques centrales pour augmenter les taux aussi fortement que prévu actuellement. L’histoire montre également que les actions et le dollar américains gagnent en général au cours des 12 premiers mois d’un nouveau cycle de relèvement des taux par la Fed, et cette fois-ci, nous pensons qu’il n’y aura pas d’exception, compte tenu surtout de la trajectoire très courte et peu profonde que les Fed funds devraient emprunter.

S’il ne faut pas sous-estimer le risque de la fameuse «erreur de politique», où les banques centrales relèveraient les taux trop vite et trop loin – déclenchant une hausse des taux obligataires et un effondrement général à mesure que les investisseurs se retirent, il est beaucoup plus probable que nous assistions à un cycle de relèvement des taux en douceur, à la manière de Yellen, qu’au «massacre» orchestré par Volcker dans les années 1970. De même, le Covid pourrait persister et engendrer des variantes encore plus dangereuses que celles que nous avons connues jusqu’à présent, ce qui nous ramènerait à la case départ, avec des confinements et des restrictions régénérant une stimulation fiscale et monétaire massive pour lutter contre la déflation et les défauts de paiement en cascade.

Cependant, après les montagnes russes tumultueuses de ces deux dernières années, nous pensons que le temps est venu d’une «grande normalisation», où la vie revient quelque peu à la «moyenne» que nous connaissions avant 2020 et où les citoyens, les entreprises et les décideurs politiques peuvent revenir à un semblant de «business as usual».

Dans ce contexte, nous préférons:

  • Des secteurs de qualité pour les actions offrant une croissance solide des bénéfices et une meilleure visibilité en termes de rentabilité.
  • Les actions américaines par rapport au reste du monde, grâce à la plus grande flexibilité du policy mix US et au leadership des entreprises dans les secteurs clés.
  • Un dollar US qui devrait bénéficier d’un PIB américain plus fort et d’une plus grande liquidité sur ses marchés de capitaux, deux facteurs qui devraient stimuler les flux vers les actifs américains.
  • Nous serions également moins exposés aux actifs réels par rapport à 2021, car le pricing actuel des breakevens d’inflation et des prix de l’énergie reflète une période d’expansion durable du cycle mondial qui, selon nous, compte tenu des vents contraires potentiels identifiés pour l’année prochaine, est désormais trop optimiste.

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