Décarboniser l’aviation

Joe Horrocks-Taylor, Columbia Threadneedle Investments

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Les compagnies aériennes ne fixent pas des objectifs permettant de respecter l’accord de Paris.

© Keystone

Après que la pandémie de COVID-19 ait cloué au sol le secteur mondial de l'aviation en 2020, les compagnies aériennes et les investisseurs sont impatients de voir le nombre de passagers repartir à la hausse. Cependant, les émissions de carbone du secteur elles aussi reprennent. Aujourd’hui, l'aviation contribue à 2,5% des émissions mondiales de CO2, mais ce chiffre pourrait atteindre 16% d'ici à 2050.

Une solution prometteuse

Des solutions sont à l'étude pour que le secteur réduise les émissions dues à la combustion du kérosène. La plus simple, consiste à remplacer les vieux avions par des modèles plus récents et plus économes en carburant. C'est l'une des raisons pour lesquelles certaines compagnies aériennes low-cost peuvent se targuer d'émissions carbone inférieure à celles de leurs homologues, car elles disposent souvent de flottes plus récentes.

Aujourd'hui, la modernisation des flottes permet aux compagnies aériennes de réduire leurs émissions de carbone, mais pour s'aligner sur l’objectif des 1,5 degré de réchauffement maximum fixé par l’accord de Paris, des changements radicaux sont indispensables. Des avions électriques ou à hydrogène et des dirigeables modernes sont en cours d'essai, mais le secteur s'accorde à dire que les avions basés sur ces systèmes de propulsion ne seront pas disponibles avant 2030 et ne représenteront que 2% de la consommation d'énergie de l'aviation d'ici 2050.

La timidité des objectifs des compagnies aériennes s'explique en partie par l'incertitude du paysage réglementaire.

Mais les carburants d'aviation durable (SAF), constituent un levier de décarbonisation bien plus intéressant. Les SAF ont des propriétés similaires à celles du kérosène classique et peuvent être mélangés au kérosène en toute sécurité, ils utilisent la même infrastructure d'approvisionnement et ne nécessitent pas d'adaptation des avions ou des moteurs. Les SAF peuvent avoir un cycle de vie dont les émissions de carbone sont inférieures de 80% à celles du carburant classique et il a également été constaté qu'ils réduisent les impacts non carbonés des avions en réduisant la formation de traînées de condensation.

La plupart des SAF disponibles dans le commerce aujourd'hui utilisent des matières premières issues de la biomasse, la conversion des huiles de cuisson usagées représentant la majeure partie du marché mondial. Aux États-Unis, la conversion de cultures en éthanol pour la production de carburéacteur devrait constituer l'essentiel du marché à court terme en raison d'une réglementation sur les biocarburants plus souple que dans l'UE. La prochaine génération de biocarburants est mise au point par des entreprises telles que Velocys, qui peut produire des biocarburants avancés à partir de sources telles que les déchets ménagers et les résidus forestiers grâce au procédé Fischer Tropsch (FT). D'ici 2030, la plupart des analystes s'attendent à ce que les carburants Power-to-Liquids (PtL) occupent le devant de la scène. Les carburants PtL sont produits par l'utilisation d'énergie renouvelable pour créer de l'hydrogène vert et du carbone, qui sont combinés pour produire un kérosène synthétique. Par rapport aux SAF biogéniques, les carburants PtL n'entrent pas en concurrence avec la production agricole pour les terres, nécessitent moins d'eau et peuvent avoir une empreinte carbone plus faible.

Les obstacles des SAF

Malgré le fort développement des SAF, elles sont actuellement trois à six fois plus chers que le kérosène classique. Il s'agit d'un obstacle financier important au déploiement généralisé des SAF, étant donné que le carburant représente 20 à 30% des coûts et que les compagnies aériennes ont des marges notoirement étroites.

En 2021, environ 100'000 tonnes de SAF ont été produites dans le monde, mais il est prévu que l'offre de SAF passe à plus de 300 millions de tonnes par an d'ici 2050. Mais, plusieurs facteurs ralentissent le développement du marché. Les compagnies aériennes fixent des objectifs de SAF pour 2030 qui sont nettement moins ambitieux que le niveau nécessaire pour s'aligner sur les objectifs de l’accord de Paris. Selon le scénario de l'Agence International de l’Énergie, les SAF doivent représenter 18% de la consommation d'énergie du secteur d'ici à 2030 pour respecter l’objectif de 1,5 degrés. Mais, la plupart des compagnies qui se sont fixé des objectifs en matière de SAF visent à ce qu'elles représentent 10 à 12% de la consommation d'énergie d'ici à 2030.

La timidité des objectifs des compagnies aériennes s'explique en partie par l'incertitude du paysage réglementaire. Des mélanges de SAF sont proposés dans l'UE et au Royaume-Uni pour garantir une utilisation minimum de 5% et 10% de SAF d'ici 2030, parallèlement à une augmentation de la taxation européenne sur le carburant d'aviation conventionnel. Aux États-Unis, la norme californienne LCFS (Low Carbon Fuel Standard) fixe le prix des émissions de gaz à effet de serre en fonction du carburant utilisé, et une proposition de crédit d'impôt pour les SAF est actuellement examinée au Congrès. Ces mesures permettraient d'accélérer le déploiement des SAF, mais l'incertitude freine l'enthousiasme des investisseurs et de l'industrie aéronautique.

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