Comment relativiser la correction des marchés internationaux

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Les marchés ont connu leur pire semaine depuis début 2021, plombés par l’inquiétude d'un resserrement de la politique de la Fed et les tensions actuelles entre la Russie et l’Ukraine.

Les marchés des actions internationaux ont connu leur pire semaine depuis début 2021, plombés par l’inquiétude inspirée par le resserrement de la politique de la Réserve fédérale américaine (Fed), par les tensions actuelles entre la Russie et l’Ukraine et par les résultats décevants publiés par quelques entreprises de premier plan.

Les indices S&P 500 et Euro Stoxx 50 ont achevé la semaine en baisse de respectivement 5,7% et 1%. Les marchés émergents ont également fini dans le rouge mais, dans l’ensemble, ils ont surperformé la plupart des marchés développés. C’était en partie dû à la vigueur des cours des matières premières et à la baisse de taux d’intérêt de référence en Chine.  

A l’échelle de l’indice MSCI World, les secteurs des biens de consommation de base (-1%), de la santé (-2,6%) et de l’énergie (-0,8%) ont surperformé en raison de la préférence des investisseurs pour les valeurs défensives et celles liées aux matières premières. En revanche, la technologie (-4,4%) et les biens de consommation discrétionnaire (-4,4%) ont sous-performé à cause de l’inquiétude suscitée par la hausse des taux d’intérêt et l’impact de la forte inflation sur les marges des entreprises et la consommation des ménages.

En ce qui concerne les marchés des taux, la courbe des rendements américains s’est aplatie, les investisseurs anticipant une hausse des taux courts (+5 points de base (pb), à 1,01%, pour les rendements américains à deux ans). A l’opposé, la croissance et l’inflation sont moins fortes à long terme (-4 pb, à 1,76%, pour les rendements américains à 10 ans). Le yen et le franc suisse se sont appréciés des derniers temps en raison de l’engouement pour les valeurs refuge.  

Comment faut-il le comprendre?

Pendant une bonne partie des dix dernières années, la volatilité des marchés a été calmée par le postulat que la Fed et d’autres grandes banques centrales se tenaient prêtes à intervenir pour soutenir l’économie en cas de mauvaise passe, de chocs exogènes et de resserrement inattendu des conditions financières à l’échelle mondiale.

Aujourd’hui, alors que l’inflation est encore élevée, ce soutien semble moins certain et la réunion de la Fed devrait souligner qu’elle privilégie désormais la lutte contre l’inflation au soutien à l’économie.

Certains gagnants de la pandémie à la peine

L’aversion au risque a été aggravée par les résultats décevants de quelques-uns des grands gagnants du confinement de l’an dernier. D’un point de vue quantitatif, la saison des résultats est assez satisfaisante jusqu’ici: les bénéfices se sont avérés supérieurs de 5% aux estimations en moyenne.

Cependant, le spectre d’une érosion des marges bénéficiaires a été accentué par les résultats de certaines sociétés financières américaines. La montée des tensions entre la Russie et l’Ukraine a créé un risque extrême qui peut être difficile à interpréter et à intégrer dans les cours pour les investisseurs.

On se souvient que l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 avait eu un impact limité sur les marchés internationaux. Toutefois, les difficultés d’approvisionnement en pétrole et en gaz alors que l’équilibre entre l’offre et la demande sur ces marchés est déjà précaire pourraient propulser les cours nettement plus haut à court terme et perturber ainsi l’activité économique mondiale.

Compte tenu de l’ensemble de ces facteurs, l’accentuation de la volatilité sur les marchés et de l’anxiété des investisseurs est compréhensible. Il convient cependant de garder à l’esprit quelques faits importants.

A garder à l’esprit
  • La correction en cours en dit autant sur l’absence récente de volatilité que sur sa présence en 2022.

Le S&P 500 accuse désormais un repli de 8,3% par rapport à son dernier sommet et la dernière semaine a été la pire depuis début 2021 pour les actions mondiales. Cependant, de telles corrections n’ont rien d’inhabituel. Historiquement, le S&P 500 enregistre en moyenne deux séances ponctuées par un repli supérieur à 5% chaque année.

  • L’ampleur de la correction est conforme à celle observée lors d’autres chocs récents sur les «taux réels».

Depuis 2010, on dénombre six épisodes pendant lesquels les taux d’intérêt réels ont augmenté de plus de 0,4 point de pourcentage en l’espace de trois mois. Pendant ces événements, le S&P 500 a cédé 6,7% en moyenne. Par conséquent, l’histoire récente suggère que le potentiel de baisse des actions semble limité.

  • L’aversion au risque peut être un bon indicateur contrarien.

Dans le dernier sondage de l’American Association of Individual Investors (AAII), seulement 21% des répondants tablent sur une hausse des actions dans les six prochains mois. C’est moins que dans 97% des sondages menés depuis 1987. Lorsque l’indice ISM est supérieur à 55 – le dernier chiffre en date est de 58,7 – et que moins de 25% des répondants au sondage de l’AAII sont haussiers, les actions ont grimpé en moyenne de 19% dans l’année qui suit. La pire performance sur douze mois en présence des mêmes paramètres est un modeste repli de 3%.

  • Les relèvements de taux directeurs ne sont pas nécessairement mauvais pour les actions.

Depuis 1983, les actions américaines ont grimpé de 5% en moyenne lors des trois mois qui précèdent le premier relèvement des taux de la Fed. Et même si la volatilité peut s’accentuer, les actions ont encore grimpé de 5% dans les six mois qui suivent l’amorce du relèvement des taux de la Fed.

  • Les chiffres sur le front de la pandémie de Covid-19 sont rassurants.

Jusqu’ici, l’année 2022 a accouché de nouvelles rassurantes quant à la principale crainte des marchés à la fin de l’année dernière, à savoir le variant Omicron. Même si l’incertitude demeure quant à d’éventuels dysfonctionnements des chaînes d’approvisionnement en Chine, les restrictions à la mobilité ont été assouplies dans de nombreux pays développés car il apparaît de plus en plus clairement que les systèmes de santé seront en mesure de faire face à ce variant du coronavirus très contagieux mais relativement peu virulent.

Alors qu’un certain nombre de forces déterminantes sont encore à l’œuvre, l’orientation des marchés à court terme peut rester indécise. Néanmoins, pour les investisseurs à plus long terme, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose si la volatilité permet de faire retomber quelque peu la spéculation sur certains pans du marché et d’acheter à bon compte certaines valeurs de croissance séculaire.

Il convient de se souvenir que la croissance économique reste solide, ce qui est de nature à soutenir les valeurs cycliques et les valeurs décotées à court terme. La Recherche d’UBS table toujours sur un S&P 500 à 5100 points à la fin 2022.

Que doivent faire les investisseurs?
  • S’intéresser aux pans de marché moins sensibles aux relèvements de taux directeurs

Pour la Recherche d’UBS, l’énergie et la finance figurent parmi les secteurs préférés. Ces deux secteurs surperforment depuis le début de l’année et devraient rester relativement épargnés par la hausse des taux d’intérêt, voire en profiter. Sur les marchés obligataires, on apprécie aussi les prêts américains de premier rang («senior loans»), dont le rendement de 4,4% et le taux d’intérêt révisable devraient séduire les investisseurs en quête de revenus.

  • Compenser l’exposition aux secteurs cycliques par celui de la santé

Secteur défensif, la santé est non seulement relativement épargnée par l’incertitude économique et politique, mais elle est portée par une croissance structurelle. Ce secteur présente un bêta de 0,8 par rapport au marché dans son ensemble et sa valorisation paraît intéressante par rapport à sa moyenne de long terme. Sur les vingt dernières années, l’indice MSCI ACWI Healthcare affiche un ratio cours/ bénéfices supérieur de 9% en moyenne à celui de l’indice MSCI ACWI, mais il est aujourd’hui à parité avec les actions mondiales.

  • Envisager les matières premières pour se couvrir contre le risque géopolitique

Dans l’ensemble, les actions devraient souffrir en cas de nette escalade des tensions entre la Russie et l’Ukraine. Toutefois, les actions du secteur de l’énergie et les matières premières rebondiraient probablement. Indépendamment de la situation géopolitique, les titres de l’énergie sont sous-évalués au regard du niveau des cours du pétrole ces derniers temps.

  • Profiter de la volatilité pour s’exposer à plus long terme.

Un accès de volatilité peut être l’occasion de prendre des positions à long terme. L’intelligence artificielle, le big data et la cybersécurité comptent entre autres parmi les technologies qui ont le meilleur potentiel de croissance des bénéfices dans la décennie à venir. Les stratégies de vente de volatilité peuvent permettre aux investisseurs de gagner de l’argent pendant qu’ils temporisent pour acheter à bon compte des valeurs promises à une croissance séculaire.

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