Combler l’écart (de crédit) dans la zone euro

Marc Brütsch, Swiss Life Asset Managers

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En Suisse, le PIB du deuxième trimestre devrait afficher une contraction de 8,2%.

Pierre Moscovici, ancien commissaire européen et actuel premier président de la Cour des comptes en France. ©Keystone

Au plus fort de la pandémie en Italie début mars, la présidente de la BCE avait déclaré, dans son discours appelant les gouvernements à intervenir pour modérer l’impact économique du COVID-19, que le rôle de la banque centrale européenne n’était «pas de combler les écarts» entre le coût du crédit des différents Etats membres. Quatre mois plus tard, les dirigeants de l’UE faisaient faire au plan de relance un bond de géant en s’accordant sur la toute première émission de dette com-munautaire, à hauteur de centaines de milliards d’euros. L’écart entre l’emprunt d’Etat italien à 10 ans et le Bund allemand s’est logiquement resserré, de 279 points de base en mars à 146 fin juillet. Nous pensions bien que les mesures de relance monétaire et budgétaire seraient radicales et n’avons donc pas modifié nos prévisions de croissance à court terme. Ce pas vers (ce qui ressemble à) une union budgétaire réduit d’ailleurs les risques d’éclatement de la zone euro à long terme. En outre, les indices des directeurs d’achats préliminaires de juillet dénotaient une accélération dans l’industrie manufacturière et les services. La poursuite de cette tendance dépendra de la maîtrise de l’épidémie. D’après l’indice de rigueur des mesures de confinement de l’université d’Oxford, au moins cinq Etats de l’UEM (dont l’Italie et l’Espagne) auraient dû reprendre des mesures restric-tives récemment.

A 1,8%, l’inflation slovaque est la plus élevée des 19 pays de la zone euro.

La BCE doit veiller à la stabilité des prix, c’est-à-dire à ce que l’inflation se rapproche, sans l’atteindre, de la barre des 2%. Or, l’objectif est aujourd’hui loin d’être atteint. A 1,8%, l’inflation slovaque est la plus élevée des 19 pays de la zone euro. Certains redoutent une flambée des prix en invoquant les effets éventuels de la démondialisation et de la relance monétaire, mais seul l’avenir nous dira si la tendance désinflationniste des 30 dernières années prendra bien fin en 2020.

Une reprise par à-coups en Suisse

D’après les enquêtes auprès des entreprises, les secteurs de services ciblant le marché intérieur, ainsi que les PME, se seraient plus vite remis que les acteurs totalement intégrés dans des chaînes mondiales d’approvisionnement toujours en partie interrompues. La distribution et le BTP ont qua-siment retrouvé leurs niveaux d’activité d’avant la crise, le second présentant même des carnets de commande pleins jusqu’à la fin de l’année. Cette bonne nouvelle pourrait également expliquer les chiffres étonnamment bons du marché du travail de juin. Le taux de chômage corrigé des varia-tions saisonnières a ainsi reculé de 3,4% en mai à 3,3% alors que, comme le consensus, nous atten-dions une légère hausse. Comme en outre les importations ont diminué plus vite que les exporta-tions, l’excédent commercial pourrait soutenir le PIB du deuxième trimestre. Nous prévoyons ac-tuellement une contraction trimestrielle du PIB de 8,2% (le consensus Bloomberg attendant -8,7%), mais la première estimation ne sera publiée que le 27 août. Les données à haute fréquence sem-blent indiquer une certaine modération des ventes de détail en magasin, mais les résidents suisses passant leurs vacances dans le pays devraient soutenir le commerce au troisième trimestre. La re-crudescence du virus nous rappelle toutefois que des centres économiques importants comme Genève ou Zurich restent exposés à un risque de reconfinement ciblé. Dans cette récession sans précédent, l’incertitude règne donc toujours quant sur les dynamiques économiques à court terme.

La politique monétaire de la Banque nationale suisse vise depuis 20 ans la stabilité des prix, c’est-à-dire un indice des prix à la consommation compris entre 0% et 2%. L’inflation moyenne, d’environ 1% entre 2000 et 2009, est tombée à 0% entre-temps et les prévisions actuelles tablent sur un maintien dans le bas de la fourchette visée par la BNS à moyen terme.

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