Cinq thématiques majeures pour 2023

Vincent Chaigneau, Generali Insurance Asset Management

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Les banques centrales, le resserrement monétaire, la guerre, la Chine et la transition énergétique marqueront l’année.

©Keystone

L’année 2023 débutera dans un environnement stagflationniste dans lequel les principales interrogations pour les grandes économies concerneront l’ampleur et la durée de la récession, et le rythme de décélération de l’inflation. Ce contexte très inhabituel crée de grandes incertitudes et laisse présager des rebondissements tout au long de l’année.

Des fissures dans la tuyauterie financière avec la poursuite du resserrement monétaire

Une inflation élevée, une récession qui en résulte dans la zone euro et des conditions financières plus strictes font apparaître des fissures dans la tuyauterie financière. La volatilité des obligations reste élevée – même si le pic a été atteint –, la liquidité est faible, même parmi les actifs les plus liquides tels que les bons du Trésor américain, tandis que le manque de garanties de qualité s’est accentué, en particulier en Europe. Les banques vont pâtir d’une augmentation des besoins de provisionnement. Elles sont heureusement bien mieux capitalisées qu’elles ne l’étaient juste avant la grande crise financière et les rendements plus élevés améliorent les choses. Mais des vulnérabilités plus importantes pourraient être dissimulées dans le secteur non bancaire. La forte hausse des rendements des obligations britanniques de septembre ainsi que le krach de FTX dans le secteur des cryptomonnaies ont révélé certaines fragilités, tandis que les marchés émergents sont exposés à la vigueur soutenue du dollar américain. Alors que les banques centrales entrent davantage en territoire restrictif et que la Banque centrale européenne (BCE) rejoint la vague de resserrement quantitatif, elles devront avancer prudemment pour ne pas déstabiliser les marchés.

Quand les banques centrales pivoteront-elles?

Déterminées à maîtriser l’inflation par un resserrement initial, les banques centrales montrent encore leurs dents. Après de fortes hausses successives de 75 pbs, la Réserve fédérale et la BCE devraient ralentir le rythme du resserrement en décembre. Pourtant, un renversement de politique semble encore loin, étant donné que les banques centrales estiment qu’un resserrement «modérément excessif» est moins risqué que de stopper les hausses prématurément. Le niveau des taux court ne devrait pas culminer avant la fin du premier trimestre, une fois que les banques centrales auront constaté, après plusieurs hausses successives, un (lent) ralentissement de l’inflation, un ralentissement du marché du travail américain, des anticipations de baisse de l’inflation et un début de récession (légère aux Etats-Unis, plus visible dans la zone euro). Les risques d’un pivot précoce proviendraient surtout d’une instabilité des marchés financiers.

Guerre en Ukraine et transition énergétique: un frein à court terme, mais un accélérateur à long terme

L’Europe s’efforce de trouver des alternatives aux importations de gaz et de pétrole russes. Elle a remis en marche des centrales à charbon, augmenté les importations de gaz liquéfié (GNL) et incité à l’exploitation de nouveaux gisements de gaz en Afrique. C’est manifestement un coup dur pour la réduction souhaitée des émissions de gaz à effet de serre à court terme et un frein important, à court terme, à la compétitivité et à la croissance de la zone euro. Mais à long terme, le choc devrait accélérer la transition énergétique vers le nucléaire et des autres énergies renouvelables. La nécessité de limiter l’exposition aux futurs chocs géopolitiques est une raison de plus en faveur d’une production énergétique plus diversifiée et propre.

La réorganisation de l’ordre mondial

L’invasion de l’Ukraine par la Russie et la montée des tensions entre les Etats-Unis et la Chine – notamment au sujet de Taïwan – auront de profondes implications économiques et commerciales. Le risque de rupture des chaînes d’approvisionnement augmentant, les pays et les entreprises vont réévaluer le compromis entre efficacité et sécurité, en au-delà de la thématique de l’énergie. La relocalisation dans le pays d’origine ou dans des pays qui sont des alliés politiques («friend- shoring») va se développer, risquant de rompre les liens commerciaux internationaux en créant des blocs politiques (bloc démocratique contre bloc autocratique). Cela non seulement remodèlera les flux de capitaux, mais demandera aussi davantage d’investissements et pourrait freiner la productivité. L’augmentation des dépenses militaires s’ajoutera aux coûts de la transition énergétique, induisant de nouveaux défis notamment en termes de viabilité de la dette et de stabilité sociale: des défis impossible à relever?

La lente reprise économique de la Chine

L’économie chinoise a souffert de sa politique «zéro Covid», d’un secteur de l’immobilier fragile et d’une répression réglementaire de l’industrie technologique. Les autorités chinoises donnent des signes prudents de changement politique. Mais le rythme du changement sera lent. Le faible taux de vaccination chez les personnes âgées rend risquée une réouverture rapide. L’assouplissement de la réglementation pourrait atténuer les fortes tensions dans le secteur de l’immobilier, mais n’inversera pas le besoin d’une baisse structurelle du secteur. La rivalité grandissante avec les Etats-Unis va accélérer les ambitions d’une Chine moins dépendante en matière de produits de haute technologie intermédiaires et de services financiers, mais copier les connaissances et la R&D entraînera des coûts de transition importants. L’économie chinoise devrait rebondir après sa mauvaise performance de 2022 – mais elle fait elle aussi face à de grands défis.

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