La zone euro dans l'œil du cyclone

Thomas Hempell, Generali Investments

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Alors que le coup de pouce de la réouverture des services s'estompe, les nuages continuent de s'accumuler.

L'économie mondiale se dirige vers un automne frisquet et un hiver glacial. L'inflation galopante continue d'éroder les revenus réels disponibles, tandis que l'Europe est frappée par la flambée des prix du gaz et de l'électricité. Au même moment, les banques centrales freinent des quatre fers pour respecter leurs engagements en matière d'inflation. De plus, la montée de l'aversion pour le risque exacerbe le resserrement des conditions financières dû à la hausse des taux, qui doit encore se répercuter sur l'économie par une baisse des investissements. Les incertitudes en matière d'approvisionnement énergétique remuent le couteau dans la plaie, avec un effondrement de la confiance des consommateurs et des entreprises qui laissent présager un ralentissement mondial marqué au quatrième trimestre.

Un contexte mondial précaire

Pour le moment, l'économie américaine fait preuve d'une résilience remarquable car indirectement exposée aux aléas géopolitiques et énergétiques de la guerre en Ukraine. Pourtant, une légère contraction économique semble encore probable pour le début de 2023. Cependant, la zone euro est beaucoup plus concernée et se dirige vers une récession au moins modérée en cas de nouvelles coupures d'approvisionnement en gaz, d'un hiver exceptionnellement froid ou d'une escalade militaire.

Les marchés émergents (hors Chine et exportateurs d'énergie) subissent les contrecoups de la baisse de la demande extérieure et de la forte détérioration des conditions financières mondiales.

La Chine, quant à elle, continue de lutter pour se remettre de l'effondrement de l'économie au premier semestre, la politique du zéro-covid et les problèmes immobiliers rendent les mesures de relance budgétaire et monétaire beaucoup moins efficaces. Les autres marchés émergents (à l'exception des exportateurs d'énergie) subissent les contrecoups de la baisse de la demande extérieure et de la forte détérioration des conditions financières mondiales. Tandis que le dollar pèse de tout son poids sur les marchés émergents très endettés et sur ceux qui sont fortement exposés au commerce mondial.

Dans ce contexte, les banques centrales continuent leur resserrement monétaire avec des hausses massives car une inflation élevée menace de déclencher des effets second via la hausse des salaires et des anticipations d'inflation.

La BCE ne viendra pas à la rescousse

La forte dépendance de la zone euro, avant la guerre, à l'égard de l'énergie russe bon marché la rend particulièrement vulnérable non seulement aux pénuries d'énergie mais aussi au choc des prix induit par l'énergie. En effet, l'inflation globale a grimpé à 10% en glissement annuel en septembre. Ce chiffre semble proche du pic, mais il ne faut prévoir qu'une détente très progressive. Une inflation élevée, de 8,2% en moyenne en 2022 et de 5% en 2023, portera atteinte aux revenus réels.

Cependant, fait encourageant, les stocks de gaz dans l'Union européenne ont atteint un niveau d'environ 88% de leurs capacités, ce qui permet de couvrir les besoins énergétiques pendant environ deux mois. La demande de gaz devra encore être réduite, mais avec de bonnes conditions météorologiques, la zone euro pourrait tout juste passer l'hiver, même si la marge d'erreur est faible. Les entreprises à forte consommation d'énergie seront particulièrement touchées par la hausse des coûts. Malgré la solidité du marché du travail et les mesures prises par les pouvoirs publics pour atténuer les conséquences de la hausse des prix de l'énergie, il est probable que l'économie de la zone euro entrera en récession entre le troisième trimestre 2022 et le premier trimestre 2023. Alors qu'en 2022, la prévision de croissance de 3% bénéficie d'un fort premier semestre, le taux de croissance prévu de -0,3% en 2023 reflète la récession hivernale et une reprise molle par la suite.

Pour contenir les pressions sur les prix, la BCE cherche clairement à freiner la demande, à maintenir les anticipations d'inflation contenues et à éviter les effets de second tour.

Contrairement aux ralentissements précédents, la Banque centrale européenne ne viendra pas à la rescousse. Avec environ 75% des éléments de l'indice des prix à la consommation de la BCE signalant des taux d'inflation supérieurs à 2,5% et la persistance de fortes pressions dans le pipeline, l'accent est mis sur la réduction de l'inflation. Pour contenir les pressions sur les prix, la BCE cherche clairement à freiner la demande, à maintenir les anticipations d'inflation contenues et à éviter les effets de second tour. Après avoir relevé le taux directeur de 125 points de base au total en juillet et en septembre, il faut prévoir de nouvelles hausses importantes de 75pb en octobre et de 50pb en décembre, ce qui portera le taux de dépôt à 2% d'ici la fin de l'année. En 2023, après une nouvelle hausse de 50pb, le resserrement de la politique devrait s'orienter vers la suppression progressive des réinvestissements des achats effectués dans le cadre du programme d'achat d'actifs (APP).

Ainsi, les risques liés à l'activité dans la zone euro sont clairement orientés à la baisse. Mais comme ils sont principalement liés à l'augmentation des goulets d'étranglement dans le cadre d'une pénurie d'énergie, Il est probable que l’inflation augmente encore et que la BCE continue d’intervenir. Dans un tel scénario de risque, le taux directeur serait alors relevé au-dessus des 2,5% envisagés dans le scénario de base en 2023. Toutefois, en raison de l'augmentation des capacités inutilisées, des réductions de taux seraient envisagées en 2024.

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