Chaos à Hong Kong

Salima Barragan

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Une escalade amènerait une récession, déclare Daryl Liew de REYL & Cie.

© Keystone

Le mouvement pacifique initié il y a presque dix semaines a évolué en démonstrations violentes. Pour protester contre la situation économique locale, pour défendre les libertés individuelles promises en 1997 à l’ex-colonie britannique, pour combattre l’intrusion chinoise dans l’autonomie de la région administrative spéciale; les opposants anti-gouvernement, principalement des étudiants et des fonctionnaires, ne baissent pas la garde car les enjeux dépassent le projet avorté d’extradition des criminels en Chine continentale. En revanche, l’économie hongkongaise montre ses premiers signes de faiblesse. Une récession n’est pas à exclure.

Une population poussée à bout

La coupe était pleine et le projet d’autoriser les extraditions des suspects a poussé les jeunes hongkongais à sortir de leurs gonds. «Les Hongkongais ont été poussés trop loin, estime Daryl Liew, responsable de la gestion des portefeuilles chez Reyl à Singapour, qui pointe les loyers exorbitants des appartements de la ville et la faiblesse des salaires». Beaucoup d’experts tablent sur une détente du conflit dès la rentrée scolaire en Septembre, période jusqu’à laquelle le gouvernement chinois ne s’immiscera pas. Sauf que pour l’expert, «l’on ne se sort pas si facilement de ce type de situation».

La Chine devra probablement instaurer
une éducation nationale qui fait actuellement défaut.

Quelques mois auparavant, la Chine avait dévoilé son livre blanc «The Great Bay Area» pour l’intégration des régions autonomes de Hong Kong et Macao avec d’autres villes chinoises. Un véritable challenge pour la Chine. «Une communauté indépendante, qui ne s’est jamais perçue comme chinoise, vit à Hong Kong. La Chine devra probablement instaurer une éducation nationale qui fait actuellement défaut», explique-t-il.

Une économie au ralenti

Selon CNBC, la croissance ne n’avait plus été aussi faible depuis une décennie et, sur le mois de juin, les nuits hôtelières ont diminué de 20%. De son côté, le Financial Time révèle que Cathay Pacific, la compagnie aérienne hongkongaise, et les chaînes d’hôtels établies sur place, dont le Marriott et l’Intercontinental, ont ressenti une pression sur leurs activités.

Le prochain PIB de la mégapole publié sera probablement affecté par la paralysie des transports publics de la ville. Daryl Liew relève qu’elle impacte les affaires des entreprises locales, et celles qui le peuvent, songent déjà à quitter la ville: «Les entreprises, dont les employés mettent des heures pour se rendre le matin à leur lieu de travail, ne peuvent plus tourner correctement». Pour le spécialiste, l’impact des manifestations sur le PIB dépendra de la longueur du conflit, dont l’intensité inédite aura des répercutions significatives sur fond de tensions commerciales sino-américaines et de ralentissement économique mondial: «Une escalade pourrait amener une récession».

Avec l’essor récent de la bourse de Shanghai, la position privilégiée
du premier hub financier asiatique semble remise en question.
Fragilité du hub financier de Hong Kong

La bourse de Hong Kong a dévissé d’environ 10% depuis le début des manifestations, mais pour le spécialiste, «la volatilité du Hang Seng est davantage liée aux problématiques macro-économiques mondiales que locales, car beaucoup d’entreprises chinoises continentales composent cet indice». Les flux financiers n’ont pas encore quitté le troisième centre financier mondial dans un mouvement de fuite vers la qualité, mais Singapour se profile comme récepteur des fonds si la situation perdure. «Singapour et Hong Kong ont toujours été de grands rivaux et à un certain point, les investisseurs vont se poser la question de rester ou partir», poursuit-il.

Historiquement, Hong Kong a toujours été une place financière pour la Chine. Mais avec l’essor récent de la bourse de Shanghai, la position privilégiée du premier hub financier asiatique semble remise en question. «Il y a beaucoup d’affaires à Hong Kong, mais elles diminuent aux profits des autres centres financiers asiatiques», observe Daryl Liew.

Quitter Hong Kong?

Les citoyens ré-évalueront certainement la situation d’une mégapole à l’occidentale, qui perdra inéluctablement son statut d’autonomie en 2047 pour rentrer intégralement sous la coupe de Pékin. Daryl Liew nous a confié que beaucoup de Hongkongais avait déjà immigré au Royaume-Uni ou au Canada avant le transfert de la souveraineté à la Chine en juillet 1997. Si Pékin continue de limiter son semi-autonomie, nous pourrions assister à une nouvelle vague de départ.

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