Cap sur le développement durable

Nico Frey, J. Safra Sarasin

3 minutes de lecture

Ce que la perte de biodiversité pourrait coûter aux investisseurs.

La biodiversité est devenue le dernier mot à la mode dans le secteur de la finance durable. Lorsque l’on pense à la biodiversité, la plupart d’entre nous ont en tête des images d’animaux menacés, comme le tigre, la baleine ou encore le tatou. Mais rares sont celles et ceux qui saisissent vraiment ce que ce concept recouvre et quels sont ses impacts sur nos vies. Posons-nous les questions suivantes: qu’est-ce que la biodiversité? Et qu’est-ce qu’une perte de biodiversité? Pourquoi est-ce un sujet important pour les marchés financiers? Et pourquoi la biodiversité est-elle sur toutes les lèvres?

La Convention sur la diversité biologique définit la biodiversité comme «la diversité des espèces, la variabilité des gènes et les différents écosystèmes». La notion de perte de biodiversité ne concerne pas seulement quelques espèces menacées, mais renvoie plutôt à son impact systémique sur la nature. De manière très simplifiée, la nature et ses écosystèmes reposent sur quatre piliers: l’eau, l’air, la terre et la biodiversité. Ce dernier pilier est le ciment qui maintient debout l’édifice, en permettant le bon fonctionnement de la nature, et surtout, en absorbant les chocs et en empêchant l’effondrement du système global et de ses sous-systèmes. La diversité est essentielle pour garantir la résilience de n’importe quel système complexe. 

Fondamentalement, nous vivons grâce aux services des écosystèmes.

Lutter contre la perte de biodiversité, c’est donc empêcher l’effondrement des sous-systèmes naturels. C’est pour nous un enjeu crucial, car les humains, la société et l’économie dépendent tous des services rendus par les écosystèmes naturels. Fondamentalement, nous vivons grâce aux services des écosystèmes. Littéralement.

Dépendance à l’égard des services écosystémiques

Les services écosystémiques sont des services que la nature nous rend gratuitement, partout, tout le temps. La pollinisation, la purification de l’eau et la régulation climatique sont les exemples les plus souvent cités. Mais il en existe bien d’autres, tels que la protection contre les tempêtes et les inondations, le contrôle des maladies et de l’érosion, la dilution des déchets dans l’eau et dans l’air... Selon plusieurs études, la moitié du PIB mondial dépendrait modérément voire fortement de la nature et des services écosystémiques. Mais surtout, la vie elle-même est tributaire de ces services. 

Le problème, c’est que la biodiversité s’appauvrit à un rythme sans précédent. Notre vieille planète est entrée dans un nouvel âge géologique, l’Anthropocène. Dans cet «âge des humains», nous sommes devenus, pour la première fois, le facteur déterminant le plus important pour notre planète. La Terre est aujourd’hui entrée dans sa sixième extinction de masse. La première d’origine anthropique. Près de 75% de l’environnement terrestre et de 66% de l’environnement marin ont été significativement altérés par l’action humaine. Les écosystèmes naturels ont reculé de 47%, tandis que la biomasse mondiale des mammifères sauvages a chuté de 82%. Le déclin des populations d’espèces sauvages est stupéfiant: 60% sur les 40 dernières années. La pollution, le changement climatique d’origine anthropique, l’exploitation croissante des terres et la surconsommation sont autant de facteurs qui contribuent à cette dangereuse perte de biodiversité, ce qui à son tour engendre une perte de services écosystémiques.

La perte de diversité au cours des dernières décennies

 
Source: Sustainable Investment Research, Banque J. Safra Sarasin SA

 

Par conséquent, du point de vue macroéconomique, les détenteurs d’actifs institutionnels ont besoin d’économies et de marchés durables pour générer les rendements escomptés. Du point de vue microéconomique cette fois, les entreprises qui apportent des solutions aux défis du développement durable représentent sans doute des opportunités d’investissement intéressantes. En tant que pionniers et maitres à penser dans le domaine des investissements durables, l’intégration explicite de la problématique des ODD dans le processus d’investissement nous apparait comme une évolution logique.

La perte de biodiversité représente
un risque financier pour les investisseurs.

Comme la perte de biodiversité engendre une réduction des services écosystémiques, cette évolution aura des répercussions profondes sur l’économie et la société, et créera de nouveaux risques et de nouvelles opportunités pour les investisseurs. 

En empruntant la terminologie du changement climatique, on peut distinguer deux types de risques pour les investisseurs: les risques physiques et les risques liés à la transition. Le risque physique est le risque qui résulte directement de la réduction des services écosystémiques, comme la diminution de la pollinisation dans le secteur agricole, ou du contrôle des inondations sur le marché immobilier. Certains secteurs sont davantage exposés que d’autres au risque physique découlant de la perte de biodiversité, à l’image du tourisme, de l’agriculture, de la pêche et de la sylviculture. Le risque lié à la transition, quant à lui, est le fruit de la pression politique et sociétale. Au sein de cette catégorie, on peut distinguer des risques encore plus spécifiques, comme le risque de réputation, de surveillance réglementaire ou de contentieux. Alors que nos sociétés seront confrontées à une perte de services écosystémiques de plus en plus marquée ces prochaines années, la pression qui s’exercera sur elles va probablement s’intensifier, et le risque lié à la transition augmentera progressivement. Parmi les secteurs qui seront les plus touchés, on peut citer l’agriculture, la sylviculture, l’exploitation pétrolière et gazière, l’industrie minière et la construction. 

Les défis s’accompagneront d’opportunités d’investissement intéressantes.

Mais à quelque chose malheur est bon. Même si la perte de biodiversité posera des défis de taille aux investisseurs, nous pensons que ces défis s’accompagneront d’opportunités d’investissement intéressantes. Les entreprises dont les pratiques commerciales favorisent la biodiversité, ou qui commercialisent des solutions pour lutter contre la perte de biodiversité et de services écosystémiques pourront tirer leur épingle du jeu. Les établissements financiers et les investisseurs ont un rôle important à jouer pour inverser la tendance.

Initiative «Finance for Biodiversity Pledge»

Les établissements financiers auront un rôle clé à jouer pour inverser la tendance. Banque J. Safra Sarasin est fière d’annoncer qu’elle est devenue le premier établissement financier suisse à rejoindre l’initiative «Finance for Biodiversity Pledge». L’initiative «Finance for Biodiversity Pledge» est un collectif de 26 établissements financiers du monde entier, gérant 3’000 millions d’euros d’actifs, qui se sont engagés à avoir un impact positif sur la biodiversité dans le cadre leurs activités et de leurs investissements. 

En tant que membre signataire, nous reconnaissons la nécessité de préserver la biodiversité. Au-delà de notre démarche de collaboration et de partage des connaissances, nous nous engageons à entretenir un véritable dialogue avec les entreprises en incluant la biodiversité dans nos politiques ESG. Nous nous engageons aussi à évaluer notre propre impact sur la biodiversité et nous sommes fixé des objectifs reposant sur des données scientifiques afin d’augmenter notre impact positif de façon significative tout en minimisant les éventuels effets négatifs.

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