Can’t Buy Me Love – Multi Asset Navigator d’Unigestion

Salman Baig, Unigestion

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Des vents contraires continus sapent la croissance mondiale.

Au cours du mois dernier, les perspectives de croissance se sont détériorées et l’économie mondiale évolue désormais à un rythme proche de son potentiel. Le ralentissement est principalement dû aux Etats-Unis, où les dépenses restreintes des ménages et la détérioration du climat des affaires ont ralenti la plus grande économie du monde. Si le niveau actuel de la croissance n’est pas inquiétant en soi, les perspectives sont préoccupantes: la croissance des salaires réels aux Etats-Unis est négative alors que l’épargne a été réduite. Le climat des affaires continue de se dégrader, et la Fed devrait entamer son cycle de resserrement cette semaine. En outre, la poursuite du conflit entre la Russie et l’Ukraine engendre, en plus du coût humanitaire, une incertitude macroéconomique accrue: perturbation des échanges, hausse des prix des matières premières et isolement de la onzième économie mondiale.

 

 

 

Et Maintenant?

L’économie mondiale croît autour de son potentiel

La croissance mondiale est restée stable au-dessus du potentiel pendant la majeure partie du T4 2021 et le début de cette année, grâce à une forte expansion américaine et à un redressement de l’économie chinoise. Cependant, au cours des dernières semaines, l’économie américaine semble avoir cédé un peu de terrain, ce qui pèse sur la croissance mondiale. La figure 1 montre notre Nowcaster de croissance mondiale, ainsi que le Nowcaster des trois principales économies mondiales, mettant en évidence la récente descente de l’indicateur mondial. Il est important de noter que la croissance de la zone euro est restée robuste jusqu’à présent, car toutes ses composantes sont à leurs niveaux de long terme ou au-dessus. La politique monétaire favorable de la PBOC a également contribué à stimuler la demande de la Chine, qui semble maintenant croître à un taux supérieur à son potentiel.

L’impact du ralentissement de l’économie américaine se manifeste également lorsqu’on examine les composantes sous-jacentes du Nowcaster de croissance. Comme le montre la figure 2, le recul par rapport au début de l’année est largement dû à la consommation des ménages qui reste modeste depuis un certain temps, aux prévisions de production des entreprises et à l’emploi, à mesure que le marché du travail se normalise. En outre, le resserrement de la politique monétaire n’est pas de bon augure pour le secteur du logement, qui est l’un des principaux moteurs pour l’instant.

Fait important, l’indice de diffusion du Nowcaster de croissance – la proportion des données sous-jacentes qui s’améliorent – est inférieur ou égal à 50% depuis juillet de l’année dernière. En d’autres termes, la majorité des données sur la croissance se détériorent depuis sept mois, suggérant que l’indicateur global va probablement continuer à baisser.

Ménages américains: croissance des salaires inférieure à l’inflation, accentuant la pression sur la croissance

Alors que le marché de l’emploi aux Etats-Unis s’est considérablement tendu, avec un taux de chômage descendu à 3,8% (contre un plancher de 3,5% avant la crise), la croissance des salaires n’a pas suivi la reprise massive de l’inflation. Ainsi, les salaires des ménages servent à payer de moins en moins de biens, créant un important vent contraire à la consommation pour soutenir l’économie. La figure 3 replace la croissance actuelle des salaires réels dans une perspective à long terme. Bien que le tableau soit moins dramatique que celui des années 1970, l’incapacité des revenus des ménages à suivre l’inflation crée une pression à la baisse sur la croissance (par le biais d’une consommation plus faible et de l’amplification du risque de stagflation) ou sur les marges des entreprises (par le biais de coûts de main-d’œuvre plus élevés). Aucune des deux alternatives n’est positive pour les actifs axés sur la croissance tels que les actions.

Bien sûr, les ménages pourraient puiser dans leur épargne ou utiliser le crédit pour financer leurs dépenses. Toutefois, l’épargne personnelle est revenue à son niveau d’avant la crise, tandis que le resserrement de la politique monétaire limitera probablement la croissance du crédit.

Attentes de production en recul aux USA, stables en zone euro

L’autre élément clé qui a freiné la croissance a été la conjoncture, en particulier aux Etats-Unis, où l’association de la poussée de l’omicron à la fin de l’année dernière, des attentes d’un resserrement de la politique monétaire et de l’affaiblissement de l’impulsion budgétaire a fait baisser le sentiment. La figure 4 montre le déclin de deux séries de données macroéconomiques clés: l’indice PMI des services ISM et la variation d’un mois sur l’autre de l’indicateur avancé du Conference Board des Etats-Unis. Bien que les investissements des entreprises restent soutenus (voir figure 2), la poursuite de cette tendance entraînerait probablement une baisse des investissements, les entreprises réduisant leurs activités face à une demande potentiellement plus faible.

En revanche, les prévisions de production des entreprises européennes sont restées plus élevées, ce qui a contribué à soutenir la dynamique de croissance dans la zone euro.

Le conflit Russie/Ukraine accroît l’incertitude

Le ralentissement du rythme de croissance est d’autant plus inquiétant que le conflit entre la Russie et l’Ukraine continue de se développer. Outre l’impact direct sur l’économie de chaque pays, le rôle de la Russie en tant qu’exportateur clé de matières premières, de l’énergie aux métaux de base en passant par l’agriculture, a un impact significatif sur la croissance mondiale. Ces matières premières ont bondi depuis l’invasion russe, leurs indices Bloomberg respectifs ayant augmenté de 40%, 33% et 23% depuis le début de l’année. Comme nous l’avons vu la semaine dernière, cette flambée des prix des matières premières précède souvent une récession, car les ménages réduisent leurs dépenses réelles et la rentabilité des entreprises diminue, ce qui décourage les investissements et entraîne une destruction de la demande.

Si le risque de récession à court terme reste faible, il a augmenté de manière significative et continuera probablement à le faire, compte tenu du contexte monétaire et géopolitique général. En effet, notre Newscaster de la croissance mondiale, un indicateur rapide basé sur le sentiment d’actualité qui a tendance à devancer notre Nowcaster, notamment aux moments charnières, est passé en zone de risque élevé de récession. Par nature, ce signal est volatil, mais si les conditions actuelles persistent, nous nous attendons à ce que notre Nowcaster de croissance s’oriente également dans la même direction, ce qui rendrait notre allocation dynamique plus défensive. Entre-temps, nous maintenons une allocation prudente, avec un risque déployé plus faible, et sélective dans sa modeste exposition à la croissance.

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