C’est bientôt l’été

Andrew Craig, BNP Paribas Asset Management

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L’augmentation du nombre de contaminations a conduit certains gouvernements à remettre en place des mesures restrictives à l’image de l'Afrique du Sud ou de la Malaisie la semaine dernière

Avec la réouverture des économies, des données économiques plus solides confirment qu’une reprise cyclique est en cours. Les signes d'une forte circulation du variant Delta soulèvent toutefois des questions quant aux perspectives pour les prochains mois.  

Covid-19 - Attention au variant Delta

Les nouveaux cas quotidiens de Covid-19 dans le monde ont atteint 370'000 par jour, tandis que le taux d'infection en Inde est tombé à 50'000 par jour. Au Royaume-Uni, les taux d'infection sont désormais au plus haut depuis début février, et la détection du variant «Delta plus» est préoccupante en raison du risque diffusion accrue d’une mutation résistante aux vaccins. En outre, le rythme des vaccinations au Royaume-Uni s'est ralenti alors que moins de deux tiers de la population adulte a reçu deux doses. Ailleurs, l’augmentation du nombre de contaminations a conduit certains gouvernements à remettre en place des mesures restrictives à l’image de l'Afrique du Sud ou de la Malaisie la semaine dernière

La prudence s'est installée sur les marchés cette semaine face à l'intensification de la propagation du variant Delta. Les valeurs européennes du secteur des transports ont chuté de 1,2% aujourd'hui, ce qui porte leur recul hebdomadaire à près de 6%.

Les investisseurs se sont repliés sur les actifs refuges cette semaine. Le rendement du T-note américain à 10 ans, qui s'est maintenu sous 1,60% pendant la majeure partie du mois de juin dans l'attente de signaux de politique monétaire clairs, s’est détendu de 2 pb à 1,46%. Le rendement du Bund allemand de même échéance s’est détendu également pour s’inscrire à -0,19%.

Plusieurs membres de la Fed se sont exprimés

Les commentaires de la Réserve fédérale américaine (Fed) devraient se tarir après une semaine marquée par plusieurs discours des habituels «faucons» (Kaplan, Bullard et Rosengren), mais aussi un ton relativement accommodant adopté par des membres généralement plus centristes au sein du comité de politique monétaire (FOMC) ou par John Williams, l’influent président de la Fed de New York. Les «faucons», tenants d’une politique monétaire moins accommodante voient des risques à la hausse sur l'inflation et préfèrent commencer à réduire les achats d'actifs le plus tôt possible. John Williams - l'un des participants les plus influents en dehors du Président Powell, du vice-Président Clarida et de Lael Brainard - a prononcé un discours relativement accommodant, où il indiquait malgré la réouverture plus rapide que prévu de l’économie américaine, le moment de normaliser la politique monétaire n’est pas encore venu.

Le 29 juin, l'un des gouverneurs de la Fed, Christopher Waller, a déclaré à Bloomberg TV que «nous nous trouvons désormais dans une phase différente de politique économique, et il est donc approprié de commencer à penser à alléger certains des stimulus». La Fed achète 120 milliards d'obligations chaque mois depuis mars dernier dans le cadre de son programme de relance monétaire, dans le but de maintenir les taux longs bas, rendant ainsi les actions et autres actifs risqués plus attractifs.

Les marchés ont rapproché leurs anticipations de hausse des taux directeurs et s'attendent désormais à ce que la Fed relève ses taux une fois en 2022 et deux fois en 2023.

Vers une réduction progressive des achats d'actifs

Alors que nous nous rapprochons du moment où la Fed va signaler qu’elle va réduire ses achats d'actifs (tapering en anglais) puis commencer à le faire, les taux réels américains devraient augmenter et les points morts d'inflation baisser, dans une moindre mesure toutefois. Il semble peu probable que ce tapering soit, cette fois-ci, à l’origine d’une violente dégradation des marchés obligataires. Il pourrait même passer inaperçu ou presque. Si c’est bien le cas, le rendement du T-note à 10 ans pourrait se redresser pour atteindre 1,9% fin 2020 puis se diriger vers 2,20% fin 2022. Une telle évolution impliquerait une hausse d'environ 20 points de base (pb) du taux réel à 10 ans aux troisième et quatrième trimestres et de 10 pb en 2022, de sorte qu'ils termineront à 0%.

A surveiller: le rapport sur l'emploi américain de juin

Le rapport sur l'emploi non agricole aux États-Unis en juin sera publié le 2 juillet. Les contraintes sur l’offre devraient continuer à limiter le rythme des embauches. Le consensus table sur une hausse d'environ 700'000 des emplois non agricoles sur le mois, contre 559'000 en mai. Le taux de chômage passerait de 5,8% à 5,6% et le taux de participation augmenterait légèrement (à 58,2%).  

Un premier accord sur les infrastructures aux États-Unis

Après un revirement du président Biden, l'accord bipartisan sur les infrastructures semble être revenu sur les rails. À la suite des critiques du Gouvernement à l'encontre de Biden pour avoir conditionné un accord bipartisan de 1200 milliards de dollars à l'adoption d’une loi de réconciliation, le Président Biden a reculé sur cette conditionnalité, offrant ainsi des garanties aux Républicains. Cet accord ouvre la voie à un plan de 1 200 milliards de dollars sur huit ans financés notamment par des mesures visant à lutter contre l’évasion fiscale et l’utilisation de fonds débloqués pour lutter contre la pandémie qui n’auraient pas été utilisés. Le vote définitif au Sénat n’est pas encore acquis.  Le scénario de base révisé pour le montant total des dépenses budgétaires extraordinaires, y compris ce projet de loi bipartisan sur les infrastructures, est désormais de 2500 milliards de dollars de dépenses, partiellement compensées par 1000 milliards d'impôts supplémentaires, au cours des 8 à 10 prochaines années.

Pendant ce temps dans la zone euro

Après une amélioration largement supérieure aux prévisions des enquêtes économiques nationales de juin, notamment de l'indice du climat des affaires en Allemagne et de la confiance des ménages italiens, le sentiment économique de la zone euro publié le 28 juin par la Commission européenne a nettement monté. L'indice a atteint ses plus hauts niveaux depuis 2000. Cette reprise rapide de la demande, alors que l'offre reste limitée par des goulets d'étranglement, provoque également des tensions inflationnistes croissantes, qui pourraient selon certains être durables et non seulement temporaires.

L'inflation de la zone euro a ralenti en juin

Comme prévu, l'inflation en juin dans la zone euro est revenue de 2% en mai à 1,9% en juin en glissement annuel. Cependant, les marchés ne semblent pas convaincus par cette inflexion, les effets de base faussant quelque peu le tableau. L'anticipation est celle d'une réaccélération rapide de l'inflation, avec une hausse de l'IPCH dans la zone euro au-dessus de 3% vers la fin de l'année. Même si des forces temporaires resteront encore largement à l'œuvre dans les prochains mois, elles devraient se traduire dans le temps par des tensions sous-jacentes plus marquées, telles que des augmentations de salaires et les anticipations d'inflation à moyen terme.

La hausse de l'inflation dans la zone euro pourrait entraîner une hausse des rendements obligataires dans la zone euro et une pentification des courbes début 2022. Après avoir atteint un sommet début 2022, l'inflation dans la zone euro devrait ralentir en raison de facteurs saisonniers.

Dans l'ensemble, l’horizon semble dégagé

Les perspectives restent favorables pour les actifs risqués qui devraient bien se comporter dans un environnement où les économies se redressent, la croissance rebondit et le soutien des politiques économiques ne se dément pas.

Les marchés actions devraient faire face à des rendements obligataires plus élevés et pourraient même surprendre à la hausse. Sur les marchés du crédit, les valorisations du crédit sont élevées, en particulier sur le crédit investment grade (IG). La hausse des rendements rend le crédit IG moins attractif que les emprunts d'État. Dans ce monde où les taux longs risquent de monter, le crédit à haut rendement peut être préférable.

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